Catégories
Rhônes-Alpes Tracts

Contre-contribution CNT à la contribution DGT au débat sur l’évolution du « système d’inspection »

Dans le cadre des débats en cours concernant une réforme du « système d’inspection du travail », la DGT nous a récemment gratifié d’une « contribution à la réflexion collective ». Sous l’aspect apparent d’un simple « diagnostic » et de « pistes à explorer », le document de la DGT se termine par une série de questions, clairement orientées, qui serviront de fait de base aux débats qui auront lieu des différents séminaires régionaux organisés. Nous reprenons ci-dessous l’ensemble de ces questions DGT  pour y apporter nos réponses.

La gestion (prise en compte) des complexités juridiques, techniques et de situations

Comment dans un système d’inspection du travail généraliste traiter des sujets complexes (ex : amiante, PSI, travail illégal…)

Il nous faut continuer à revendiquer une structure généraliste de la section, non comme forme majoritaire mais comme forme unique de la section. La section généraliste et territoriale est la seule forme permettant une réponse de proximité au public (c’est-à-dire aux salariés) et d’être réellement un service public. De ce point de vue si aujourd’hui la section généraliste est dominante, la spécialisation a vocation à s’étendre sans cesse si nous ne restons pas fermes sur ces principes. Si l’argument officiel est celui de la technicité ou de la complexité juridique, tout peut un jour être jugé trop technique ou trop complexe en fonction des enjeux politiques du moment.

Derrière l’argument de la technicité, le vrai problème est tout d’abord la peur que l’Etat soit mis en cause pénalement sur des questions de santé publique. A cet égard, la page 8 de la contribution de la DGT évoque « un renforcement du lien entre risques professionnels et santé publique » et d’ « une mise en cause de l’Etat et des agents sur des sujets de santé publique (amiante…) ». Les masques tombent. Outre des enjeux d’affichage politique, la spécialisation a vocation à permettre à la hiérarchie de se couvrir. De ce point de vue, moins les services auront les moyens réels de fonctionner, plus la spécialisation aura vocation à s’étendre pour colmater les brèches d’une éventuelle mise en cause pénale. En dernier recours la spécialisation des sections est donc essentiellement une question d’affichage et non une question technique et/ou de complexité juridique.

Pour que l’agent puisse faire face à des questions nouvelles et des problématiques techniques (comme pour la fusion transports), la première question est celle de la formation. Par ailleurs il existe déjà des cellules pluridisciplinaires qui permettent une aide technique, sans remise en cause de la structure généraliste de la section, et surtout, qui ne confondent pas la question technique et celle du pouvoir propre de la loi. En effet, la technique doit être une aide et non une fin. Il ne faut pas nous laisser intimider par la technique et déborder par l’expertise qui n’est pas notre métier. Car c’est bien de la conception de notre métier dont il s’agit : nous sommes des agents de contrôle chargés de faire respecter une norme, non des conseillers technique en entreprise. Une des difficultés tient néanmoins à l’inégalité d’accès aux cellules pluridisciplinaires et aux ITRM. Les grosses UT sont plus dotées que les petites, peu ou pas dotées du tout. Plutôt que de spécialiser à tout va, au détriment des usagers, il conviendrait de renforcer les possibilités de recours aux cellules pluridisciplinaires et aux ITRM sur l’ensemble du territoire.

Comment gérer la différence de distanciation entre les lieux de décision des entreprises et les lieux de contrôle (entreprises organisées en réseau, entreprises à structure complexe…)

Le constat de la déconnexion éventuelle des lieux de décision et de production ne doit pas servir de justification à une remise en cause de l’encrage territorial des agents de contrôle. En effet les salariés se trouvent avant tout sur les différents lieux de production et non au siège social. Le problème n’est pas tant de se calquer sur la structure décisionnelle de l’entreprise que d’être en mesure d’accueillir et de répondre aux demandes et aux plaintes là où elles se trouvent.

La déconnexion des lieux de production et de décision n’empêche pas la mise en cause pénale des décideurs. Seul des problèmes d’ordre pratiques peuvent exister mais ils sont liés à la faiblesse de nos prérogatives de contrôle. Ainsi, si le lieu de décision n’est pas sur notre territoire nous sommes dépendants du bon vouloir des décideurs qui viendront et/ou qui répondront… ou pas. De même, des difficultés peuvent surgir dans l’accès à certains documents non disponibles sur le lieu de production. Seule une évolution normative renforcant les prérogatives de l’agent de contrôle, notamment la création d’un véritable pouvoir de convocation, permettrait de pallier aux problématiques pratiques rencontrées.

Concernant les « Grands comptes », c’est-à-dire ces groupes étendus sur tout le territoire et jugés trop complexes par notre hiérarchie du fait de leur gestion centralisée, qu’est ce qui fait penser à la DGT que les agents de contrôle locaux ne peuvent plus contrôler les établissements dont ils ont la responsabilité ? Notons, au passage, que la « complexité » juridique d’une entreprise n’est devenue un problème pour la DGT qu’à partir de la privatisation d’un certain nombre d’anciennes entreprises publiques dont l’Etat est par ailleurs toujours actionnaire.

Du point de vue de l’efficacité de l’intervention, l’ancrage territorial de proximité n’est pas en soi un handicap. L’intervention de proximité peut être un levier et une porte d’entrée pour faire bouger l’ensemble d’une structure. Dans un cadre généraliste et territorial, et dans ce cadre uniquement, des actions coordonnées par les agents de contrôles de plusieurs secteurs peuvent néanmoins être nécessaires pour donner plus de poids aux procédures. Pour autant, la coordination des interventions et des services ne doit pas signifier uniformisation hiérarchique des réponses.

En effet, le risque est que la gestion de « ces grands comptes » se fassent par l’intermédiaire d’un référent national en lien avec la DGT avec comme conséquences, 

– d’une part, la fin de toute procédure pénale au profit de petits arrangements entre amis au niveau du ministère,

– d’autre part, la mise de côté des plaintes individuelles et locales au profit d’un lien exclusif avec les organisations représentatives au niveau national.

Ce scénario est loin d’être un procès d’intention ou une fiction. De fait toutes les interventions ministérielles et/ou de la hiérarchie locale sur ce type de structures ont toujours été très conciliantes envers les entreprises en question (périodes dérogatoires accordées par le ministère à La Poste) et, loin de soutenir les agents de base dans leurs contrôles, ont consistées à essayer d’éviter qu’il y ait des procédures pénales (ex : La Poste, Banque de France, SNCF, etc.). Après les DP « maison », le risque est d’avoir une inspection « maison » (exclusivement attaché à une entreprise) en lien direct et permanent avec la DGT. Les agents de contrôle situés sur les lieux de production doivent garder leurs prérogatives et pouvoirs propres sur leur secteur. Il faut défendre le maintien de l’indépendance de l’agent sur son territoire, seule garantie contre les pressions (politiques et/ou de notre hiérarchie) et d’une réponse possible à la demande de proximité.

Pour que la coordination de l’action puisse se réaliser entre les agents de contrôle, il convient en revanche d’améliorer la circulation de l’information et les échanges hors cadre hiérarchique. Du point de vue de la circulation de l’information, cap sitère qui est avant tout un moyen de contrôler l’activité, n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi des groupes de travail entre agents de contrôle peuvent être envisagés pour travailler sur une coordination des interventions pour une circulation effective d’outils ou d’informations. Dans la perspective d’une coordinnation de l’action des inspections du travail à l’échelle européenne, rappelons tout de même qu’il existe déjà des outils, comme le bureau de liaison, mais que rien n’est mis en œuvre pour qu’ils soient connus des agents de contrôle et pour qu’ils aient les moyens de fonctionner et d’être efficace.

Comment mettre en œuvre les modalités d’adaptation (réglementaire, dialogue social, modalités d’intervention, fonctionnement interne) à l’évolution du contexte identifié dans le diagnostic (TPE, pluralité de statuts, PSI, approche par filière…)

Derrière une question en apparence technique, là encore, c’est la question du sens de notre métier qui est en jeu !

Non, il n’y a pas une seule façon de contrôler contrairement à ce qu’affirme la DGT, lorsqu’elle dit que l’ « exercice du contrôle est opéré de façon unique » (p.5 du document de la DGT). En effet, les agents possèdent déjà les capacités d’adaptation à chaque situation puisqu’ils peuvent adapter leurs interventions et ont l’opportunité des suites. Pour autant il n’y a pas lieu de tout adapter.

D’un point de vue réglementaire, cet argument sert systématiquement à revoir à la baisse les droits des travailleurs. S’il y a un « décalage entre la norme et la réalité » (p. 6), ce n’est pas forcément la norme qui pose problème mais avant tout la délinquance patronale (puisque c’est de cette réalité là dont on parle). La question n’est pas d’adapter la norme au niveau de délinquance patronale (ex : travail du dimanche et du 1er mai pris par la DGT) mais d’avoir une justice pénale et des outils répressifs clairement dissuasifs (amendes dissuasives en fonction du chiffre d’affaire réalisé ce jour-là et/ou fermeture administrative provisoire d’établissement). A cet égard le pouvoir politique participe lui-même à l’affaiblissement du pouvoir de la norme en accordant toujours plus dérogations et en rendant le droit difficilement applicable, comme dans le cas du travail du dimanche et la durée du travail en général. Le discours sur l’adaptation réglementaire est un argument au service de la dérégulation… rendant le droit du travail plus complexe et plus difficilement applicable. Simplifier le droit, ce n’est pas multiplier les dérogations, mais commencer par rétablir une hiérarchie des normes selon un strict principe de faveur.

Concernant l’agent de contrôle en charge du droit existant, ce discours sur une nécessité de « s’adapter » vise à pousser l’agent de contrôle à revoir à la baisse ses exigences, notamment dans les TPE/PME (voir question suivante). S’adapter en fonction « des réalités », (à cet égard, quand la DGT parle de « réalité », il s’agit toujours de la réalité économique patronale), c’est considérer qu’il convient de traiter différemment deux violations du droit des travailleurs en fonction « des difficultés économiques » que nous aura vendues un employeur. Or c’est bien dans les TPE/PME que le droit du travail est le moins respecté. Notre problème n’est pas d’ajuster les droits à la « capacité de résistance à la concurrence » pour reprendre la formule toute patronale de la DGT (page5), mais précisément d’intervenir plus et mieux là où les droits travailleurs sont les plus bafoués et sans intermédiaire IRP. Au lieu de s’interroger sur la « capacité de résistance à la concurrence », la DGT aurait mieux fait s’interroger sur la capacité de résistance des travailleurs dans les PME où les IRP sont pour ainsi dire absentes.

Parlons maintenant de l’évolution du contexte identifiée par la DGT. Concernant la pluralité de statuts, il faut commencer par rappeler que le travailleur non déclaré (p.7 de la contribution DGT) n’est pas un nouveau statut mais une infraction. Le statut d’auto-entrepreneur (salarié auto-exploité) cache régulièrement de la fausse sous-traitance et devrait être supprimé. Concernant le problème de la précarité, rappelons également que son développement ne dépend pas fondamentalement de l’action de l’inspection mais des évolutions réglementaires (cf le dernier ANI qui étend encore la possibilité de contrats intermittents).

S’agissant de « l’évolution des modes d’organisation de la production et du travail (lean, organisations apprenantes, flexibilité organisationnelle et temporelle) », il y a un sérieux besoin de formation dans nos services pour les reconnaître et le cas échéant mettre en cause pénalement leur caractère pathogène. Ce qui nécessite une vraie politique volontariste du ministère à ce niveau en terme de formation et qui ne fasse pas intervenir des publicistes de la modernité capitaliste (comme c’est trop souvent le cas avec l’intervention de cabinets extérieurs) mais des universitaires ayant réellement bossé la question.

La relation à l’usager dans sa diversité

Comment gérer la demande individuelle

En y répondant ! Si le ministère doit être « plus fort » et « en phase avec la société », et si l’on ne veut pas se payer de mots, ça signifie en premier lieu un renforcement des effectifs : il faudrait qu’il y ait trois fois plus d’agents de contrôle.

Il faut sortir de l’opposition stérile et orientée de la DGT entre demande sociale et demande individuelle. Selon la DGT (p. 9), il y aurait « une confusion entre demande sociale (ce que la société attend en terme d’identification et de traitement de problématique) et demande individuelle (ce qu’un salarié attend en terme de résolution de son problème) ». Or c’est justement la DGT qui fait cette confusion entre demande sociale, au sens de plaintes des salariés, et demande individuelle pour disqualifier le traitement de la demande sociale telle que nous l’entendons. L’argumentaire de mauvaise foi de la DGT est toujours le même en procédant par raccourcis et réductions : demande individuelle = prud’hommes = on a pas à traiter.

Outre le fait qu’une séparation stricte demande sociale/demande individuelle n’a souvent pas de sens (mais pour s’en rendre compte encore faut-il avoir des salariés en face de soi), le traitement d’une demande qui serait strictement individuelle peut permettre de déboucher sur des suites pénales (ex : harcèlement), un rappel de la loi, voire éventuellement une demande de régularisation pour l’ensemble des salariés dans la même situation.

Comment valoriser la demande sociale dans la détermination de priorités

Mais qu’appelle t-on demande sociale ? Pour savoir « ce que la société attend en terme de traitement de problématique » encore faut-il garder un contact avec le monde réel des salariés réels, sauf à considérer que la demande sociale se réduit à consulter périodiquement les bureaucraties des syndicats représentatifs au niveau national, car si la consultation des syndicats est nécessaire méfions nous de l’instrumentalisation de leur « demande sociale ». N’oublions pas que notre ministère appelle le Medef un partenaire social. S’il s’agit d’adapter les exigences des contrôles en fonction des perspectives d’emploi dans l’entreprise comme le souhaiterait notamment le medef nous nous portons en faux. Si les syndicats de salariés doivent avoir leur mot à dire, la demande sociale doit avant tout se baser sur l’expérience des agents de contrôle eux-mêmes en contact direct avec la réalité des salariés et éloigné des enjeux politique du moment.

Comment faire connaître le système d’IT (mission, organisation et mode de fonctionnement) au public et aux partenaires sociaux en particulier.

Et si nous faisions connaître notre cœur de métier ? Le ministère pourrait faire découvrir l’IT par une valorisation concrète de son action en communiquant par exemple autour des entreprises condamnées, des décisions et sanctions administratives prises… 

Comment gérer les différentes typologies d’entreprises (petites et grandes) qui ne fonctionnement et ne réagissent pas de la même façon.

Cette question renvoie à ce qui a été dit plus haut sur la volonté de trouver des « modalités d’adaptation » en fonction de la « réalité » du contexte des PME/TPE. Le droit du travail n’est pas une variable d’ajustement éventuellement applicable en fonction des moyens supposés de l’entreprise. Il n’y a pas de réponse type à appliquer par seuil sauf à institutionnaliser et généraliser une rupture d’égalité entre les salariés en fonction de la taille de l’entreprise.

Si c’est bien dans les TPE/PME que le droit du travail est le moins respecté et que nous devons renforcer nos contrôles, nous ne sommes pas là pour faire de l’accompagnement de TPE/PME comme semble le vouloir la DGT en parlant « d’un besoin de traitement spécifique aux PME en terme d’information et d’accompagnement ».

La définition et la mise en œuvre de priorités d’action

Comment partager de façon régulière et pérenne la compréhension de l’évolution des modes de production, le sens de la mission et les différentes fonctions qui s’y attachent

Des discussions entre pairs peuvent être envisagées. Ces discussions peuvent éventuellement également avoir lieu en réunion de l’inspection. Mais il convient surtout de laisser libre cours aux initiatives des agents cherchant à se réunir pour discuter métier en dehors de la présence hiérarchique. La participation à une organisation syndicale reste aussi le meilleur moyen de donner du sens à nos missions et de partager ce sens autour de collectifs de travail.

Comment identifier des priorités d’action qui seront comprises et acceptées : pourquoi, quand, comment et avec qui

Qu’entend-t-on par « définition de priorités d’action » ? Si l’on entend le choix de l’action à mener au quotidien, l’arbitrage doit rester au niveau de l’agent en contact avec le public. L’agent doit en effet garder son indépendance et celle-ci passe nécessairement par une autonomie de décision (voir les questions suivantes). Concernant la définition de priorités collectives, les faire comprendre et accepter nécessite de commencer par fonder les priorités sur la demande sociale, ce qui signifie des priorités définies par les agents eux-mêmes en contact avec les salariés. Sur les risques non identifiés par les salariés, les priorités peuvent être définies en concertation avec les organisations syndicales de salariés, la médecine du travail…

Comment piloter la mise en œuvre de ses priorités : approche collective avec implication individuelle

Qui pilote ? Seul les agents sont en mesure de piloter leur propre action. Il est nécessaire de permettre l’organisation d’une coordination de l’action par les agents de contrôle en déconnexion de l’influence hiérarchique.

Les actions collectives doivent remonter de la base, ce qui signifie mettre en place et organiser des échanges qui le permettent et, le cas échéant, des échanges avec les organisations syndicales de salariés suivant le niveau d’intervention. 

Comment renforcer l’implication de l’encadrement en appui au geste métier et à l’arbitrage

Nous reformulons la question qui nous semble mal formulée : comment se débarrasser de l’encadrement notamment de sa fonction « d’appui à l’arbitrage » ? Si, comme le remarque la DGT page 6, les agents supportent le « poids d’arbitrage lourd », il convient de souligner que le poids de ces arbitrages est du principalement au manque de moyen comme nous l’avons déjà souligné précédemment.

En effet, l’arbitrage n’est lourd que sur fond de pénurie et il devient impossible face à l’urgence permanente dans laquelle se trouve les agents. Selon la DGT (p.9) « Les agents n’ont pas de référence interne en la matière et effectuent les arbitrages individuellement ». Ainsi pour la DGT, le problème d’arbitrage n’est pas un problème de surcharge, mais une trop grande liberté individuelle voire une incompétence de l’agent : « les agents ne savent pas arbitrer entre toutes les injonctions » (p.10). Toute l’hypocrisie et la mauvaise foi est de prétendre résoudre les difficultés d’arbitrage en augmentant le prescrit (à cet égard, la note de Monsieur Lopez, DIRECCTE Aquitaine, prévoyait d’aller jusqu’à 75% d’activité programmée). En gros : ne vous inquiétez on va vous aider en vous disant ce qu’il faut faire, et surtout en commençant par ne plus traiter les plaintes des salariés.

On atteint ici des sommets de cynisme et/ou d’inconscience, non seulement une telle « solution » ne va rien résoudre, mais va même accroître la souffrance et la contradiction au niveau de l’agent, entre des demandes qui ne vont pas diminuer et un prescrit en sans cesse augmentation. Nous n’avons pas besoin de plus de prescrit, mais de moyens supplémentaires et de discussions collectives entre pairs pour faire face à l’isolement dans lequel on se trouve parfois.

Et s’il faut parler d’appui au geste métier de la part de l’encadrement, un soutien de la direction, lorsque nous sommes mis en cause par un employeur, serait le bienvenu. Au-delà, un appui au geste métier de la part de l’encadrement serait de garantir notre indépendance au lieu d’être le relais des demandes des patrons, du préfet, et des politiques locaux.

Comment renforcer l’inscription du système d’IT dans le champ de l’action publique collective

Qu’est-ce que ça veut dire ? Il ne faudra pas compter sur nous pour s’inscrire dans le champs de l’action publique « expulsion de salarié étranger » ou « lutte contre l’islamisme radical » avec le CODAF, la PAF et autres administrations si c’est l’idée. 

L’évaluation de l’impact de l’action et sa valorisation

Comment mesurer l’impact d’une action vs approche d’activité

Pourquoi mesurer et que veut-on mesurer ? Nous ne sommes pas dans une optique rentabiliste. L’idéologie de la performance est contraire à l’idée même de service public. C’est précisément l’application de cette idéologie et ses conséquences en termes de management qui détruit notre travail, décrédibilise notre action, et participe à la souffrance dans les services.

Comment valoriser l’action en interne et en externe

La valorisation n’est pas une activité spécifique à défendre. Un service public de qualité qui fonctionne et répond dans des délais corrects est la meilleure des valorisations. « Bizarrement » la valorisation devient une activité autonome quand les services publics n’ont pas ou plus les moyens de fonctionner. Concernant la « valorisation en interne », les mots ayant un sens, nous ne défendons pas non plus la mise en concurrence des agents et le fait de chercher à « valoriser » sur le dos des collègues à des fins carriéristes.

Le métier d’agent de contrôle

Contrôle de conformité

Oui ! Notre fonction est de faire respecter le droit du travail, nous ne sommes pas des gentils « animateurs », « innovateurs » ou « conseillers ». Nous ne sommes pas non plus des « médiateurs » si ce n’est pour faire pression pour régulariser une situation en faveur des salariés et éviter un recours aux prud’hommes. Ce que semble déplorer la DGT en parlant « d’une vision parfois caricaturale centrée sur le contrôle et la sanction » (p.11).

Arbitre régulateur des relations sociales

Si nous avons de fait une fonction de régulation du capital, nous ne revendiquons pas la position d’arbitre ou une quelconque neutralité. Nous ne sommes pas dans un match de foot camarade nous sommes au cœur de la lutte des classes !

Acteur du progrès social

Nous ne donnons pas à l’inspection un rôle spécifique de lobbying ou de proposition à côté ou au-dessus du mouvement social. Si les agents de l’inspection veulent être acteur d’un « progrès social » (terme vague qui veut ne pas dire grand chose) nous le concevons à travers l’investissement dans les luttes des salariés. L’inspection du travail n’est pas un monde à part et elle n’a pas vocation à initier un changement social en dehors des luttes du monde du travail dans son ensemble. Nous sommes des acteurs de « progrès social » que pour autant que nous participons aux luttes du monde du travail pour défendre ou acquérir de nouveaux droits.

Pour conclure et pour citer la DGT nous avons bien le « sentiment de ne pas œuvrer pour les mêmes missions » (p. 10). La mission que nous défendons, protéger les droits des salariés, nous l’avons rappelé lors des assises du ministère.

Le tract en pdf : Contre-contribution CNT à la contribution DGT au débat sur l’évolution du « système d’inspection »

Catégories
Motions

Répartition ou RSA-RGU : solidarité vs charité publique

Face au chômage et/ou à la dégradation des conditions de travail dans le cadre du salariat la revendication d’un revenu garanti universel (RGU) a retrouvé une nouvelle jeunesse en France dans les années 90. Cette revendication a le parfum de l’audace, l’accent de la radicalité. Elle est pêle-mêle liée au rejet des valeurs attachées au travail, au salariat, à la protection sociale assise sur les cotisations liées au travail.

Il convient pourtant de resituer la revendication du RGU, comme extension de la logique du RMI/ RSA, dans le contexte de la création du RMI. Créé en 1988 par la Gauche, il devait permettre d’assurer aux plus démunis un revenu minimal leur permettant de survivre. Il répondait à la progression massive du chômage qu’aucun gouvernement n’avait pu ou voulu juguler. La première question qu’il est permis de se poser est alors : pourquoi, alors qu’existait déjà une réponse de la société au chômage, l’assurance-chômage, a-t-il fallu mettre en place un système radicalement différent, en parallèle ? Car l’assurance-chômage, qui fait partie de ce qu’on appelle la « répartition », était un système qui fonctionnait depuis sa création en 1958. En fait, parallèlement au développement du RMI, l’assurance-chômage – dont les valeurs initiales étaient universelles – a vu son champ d’action se restreindre progressivement. Le RMI est arrivé exactement au moment voulu, comme arme fatale contre l’assurance-chômage. Comme un produit de substitution destiné à assurer une soupape de sécurité au système capitaliste, permettant de faciliter la remise en cause d’une protection sociale selon un système de répartition en laissant aux exclus un minimum vital.

Le RGU et le système par répartition sont ainsi essentiellement différents dans leurs principes, leurs financements, leur fonctionnement et les institutions qui les mettent en œuvre.

Le contrôle par l’État et le patronat

Le RMI est d’abord essentiellement différent de l’assurance chômage par son financement. Il est financé par l’impôt et non par les cotisations sociales (cad la socialisation d’une partie du salaire versé par le patronat). Financé par l’État, il est également contrôlé par lui, qui décide seul de ses modalités d’application, de son existence même. En revanche le projet initial de protection sociale par répartition prévoyait des caisses gérées directement par les travailleurs sans passer par la tutelle politique, même si le détournement du projet initial nous a amené au paritarisme.

La charité publique

Le RMI/RSA repose sur une logique distributive également foncièrement différente du système par répartition. Comme son nom l’indique, ce dernier provient de la répartition entre salariés actifs et inactifs des richesses produites. Il repose donc sur une logique de solidarité. Le RMI, lui, repose sur une logique de charité publique. C’est l’institutionnalisation étatique du principe de la dame patronnesse tandis que le patron pompe les salariés, l’État redistribue une miette des richesses aux pauvres. Ce faisant on régresse vers le vieux principe de l’aide sociale philanthropique aux miséreux du 19e.

De plus, comme cet argent vient de l’impôt, il est pompé pour une bonne part non sur les profits du patronat (la finance est très peu imposée), mais sur la faible part laissée aux travailleurs (par le biais de l’impôt sur le revenu et de la TVA).

L’individualisation

Pour finir, le RMI/RSA correspond à une logique d’individualisation consubstantielle au capitalisme. C’est l’union qui fait la force, un « vieux » principe qui sera toujours valable, alors qu’atomiser les pauvres permet de mieux les dominer. Lorsque la répartition est un droit collectif acquis collectivement, le RMI est attribué au cas par cas, en fonction de critères individuels. Le RMIste est isolé du reste de la collectivité. Il n’est plus un chômeur en attente de réintégrer le monde du travail, il est un assisté qui doit dire merci et ne pas se plaindre. La somme qu’il touche lui permet de survivre. S’il n’a pas de soutien extérieur ou des acquis antérieurs, il lui sera impossible de trouver un logement, de mener une vie sociale normale.

De l’affrontement de classe à l’opposition inclus/exclus

En déconnectant en apparence le revenu du travail le RMI/RSA met en scène une aide aux « exclus » dans une logique d’opposition exclusion/inclusion fondée sur le fait d’avoir ou pas un emploi. Par la défense du salaire socialisé il s’agit de considérer non pas des exclus qu’il faudrait aider, mais faire payer au patronat les situations de non-travail (chômage, maladie, accident, retraite). Dans ce cadre conceptuel on reste dans l’opposition capital/travail (le chômeur n’est qu’un travailleur sans emploi qui reste indirectement exploité par le capital comme variable d’ajustement).

Du RMI au RSA

Le RSA (Revenu de solidarité active) a été adopté suite à une nouvelle charge politicienne contre les « assistés ». Il est la concrétisation des pires présages concernant le RMI. Le RMIste est un assisté, il doit donc accepter n’importe quel travail. C’est le principe fondateur : on ne va pas faire survivre une armada d’inutiles sans en profiter pour les exploiter. Service du travail obligatoire, avec un salaire misérable à peine supérieur au RMI. Plus grave : pour la première fois, ce travail est déconnecté de tous les acquis et les droits liés au salariat : le travail effectué dans le cadre du RSA ne donnera lieu à aucune cotisation sociale. En clair ? Le bénéficiaire du RSA bossera, mais sans ouvrir de droits ni pour le chômage, ni pour la retraite, ni pour la maladie (dans ce dernier cas il profitera de la couverture liée au RMI mais sans que son patron cotise!). On peut ainsi parler de travail forcé.

Alors, le RGU ?

Le RGU, conçu comme l’extension du RMI, et son élévation au niveau du SMIC est donc un leurre dangereux, une arnaque d’envergure.

Pourtant, il est des prises de position qui devraient inciter à la méfiance. Les puristes libéraux et chantres politiques de la charité chrétienne se retrouvent pour revendiquer la mise en place d’un tel système. : Alain Madelin, fer de lance du capitalisme libéral en France, a toujours été partisan convaincu du RMI. Ancien animateur de Démocratie libérale, il tranche avec la vieille bourgeoisie conservatrice : moderniste, il sait quelles sont les potentialités de cette arme fatale. Christine Boutin, dans la tendance catholique intégriste de l’UMP, a eu l’occasion de rendre un rapport à l’Assemblée nationale, en septembre, dans lequel elle aussi prônait ce qu’elle appelle un « dividende universel », sur le mode « Nous sommes tous des actionnaires ! » Attribué à tout individu dès sa naissance, sans conditions, il remplacerait… l’ensemble du régime par répartition ! Plus de Sécu, de retraite, de chômage ! I C’est ainsi que la boucle se boucle.

Pour les partisans « progressistes » du RGU qui insisteront, disant que si le RMI est au niveau du SMIC, c’est vachement bien parce qu’on peut vivre sans bosser, plusieurs questions se posent :

– Qui peut croire qu’un jour, le patronat et l’État accepteront de donner suffisamment d’argent à tous pour vivre décemment sans travailler ?

– Une société faite uniquement d’inactifs peut-elle survivre ?

Sinon qui devra travailler pour que ces inactifs puissent gagner de quoi vivre décemment sans travailler ? Car dans une société, capitaliste ou non, si personne ne travaille pour la collectivité, il n’y a plus de richesses produites et donc plus de moyens de subsister !

– À qui rend-on service en soutenant la logique du RMI contre le régime par répartition ? Pourquoi ne pas tout simplement lutter pour l’extension du régime par répartition ?

Le régime par répartition

La répartition recouvre en fait deux structures : la Sécurité sociale, qui comprend elle-même l’assurance maladie, l’assurance retraite et les allocations familiales, et l’UNEDIC, qui gère le chômage.

Pour et par les exploités

En 1945, la Sécurité sociale se crée sous le contrôle des syndicats de salariés, dont sont issus les 3/4 des représentants. Ce sont les travailleurs qui gèrent un outil destiné aux travailleurs : une partie du salaire est prélevé, sous forme de cotisations sociales. Il appartient à la collectivité des travailleurs et permettra aux travailleurs inactifs de vivre, grâce à la solidarité collective.

Vocation universelle

Ce système a une vocation universelle, c’est-à-dire qu’il doit idéalement s’appliquer à tous les travailleurs actifs et inactifs. Tout inactif doit pouvoir bénéficier de ce salaire socialisé. En plus d’être un principe de solidarité effective assurant l’existence en cas de problème, c’est également une arme redoutable contre le patronat. Celui qui est assuré de toucher un salaire s’il ne travaille pas n’hésitera pas à se mettre en maladie s’il est malade, aura les moyens de refuser un travail trop mal payé ou trop pénible. Cette situation est inacceptable pour le patronat. Voilà pourquoi toute son activité est concentrée sur la destruction de ce système. Au contraire par la mise en place du RSA il est possible de faire travailler des salariés sans les cotisations sociales et les droits qui y sont rattachés normalement.

Principe révolutionnaire

La répartition est plus qu’une épine : c’est un pieu enfoncé dans le capitalisme, malheureusement pas suffisamment pour entraîner sa mort et il est vital pour les profits de s’en débarrasser. Le principe révolutionnaire de ce système comporte plusieurs niveaux:

  • il fonde son existence sur la participation de tous à la société commune, les actifs assurant la vie des inactifs en attendant de le devenir eux-mêmes ;
  • il échappe à la logique capitaliste : il est géré par les travailleurs, avec l’argent des travailleurs, il représente un système complètement alternatif au capitalisme puisque les cotisations perçues sont immédiatement reversées, il n’y a pas de capitalisation, pas d’alimentation des marchés financiers ;
  • il n’y a ni profiteurs, ni assistés ;
  • il redistribue les richesses produites.

Le régime par répartition, en tant que conquête dans le cadre de la société capitaliste, se heurte à des limites

Le principe de répartition, limité dans le cadre du capitalisme, n’abolit pas la relation exploiteurs/exploités et la production de plus-value accaparée par le capital. Tant que la répartition laissera en place une part réservée au profit, tant que les richesses produites ne seront pas intégralement socialisées, le capitalisme voudra grossir sa propre part, donc diminuer la part des salariés, donc détruire la répartition qui l’empêche de se réaliser pleinement.

Deuxième limite, la gestion paritaire des caisses par les organisations syndicales de patrons et de salariés. Les caisses (maladie, retraite, chômage) sont alimentées par une part du salaire (que les cotisations soient patronales ou salariales ne change rien, il s’agit toujours d’une part de la production qui revient in fine au salarié, sous forme de salaire net ou de salaire socialisé). Elles sont destinées aux travailleurs inactifs (malades, retraités, chômeurs). Il est inacceptable que le patronat contribue à leur gestion, ce qui constitue une mise sous tutelle des travailleurs : c’est comme si nos patrons géraient « paritairement » nos comptes en banque et avaient leur mot à dire sur la partie nette de notre salaire ! D’ailleurs, à l’origine, la Sécurité sociale était gérée majoritairement par les salariés et ce n’est qu’en 1967 que la parité a été instaurée, à cause des dissensions entre syndicats de salariés.

Troisième limite, la corruption des organisations syndicales. Selon un dossier réalisé par Capital, les organisations syndicales de salariés comme de patrons se servent allègrement dans les caisses, cela représentant selon le journaliste de cette revue environ 33 % de leur budget, soit davantage que les cotisations (environ 25 %) ! Tout le monde se tait, car beaucoup y gagnent (excepté les travailleurs) : les syndicats qui puisent, mais également l’État qui se sert aussi dans la cagnotte, en l’utilisant pour financer des réformes gouvernementales.

Quatrième limite : une évolution nettement en faveur du patronat. Depuis la création des caisses, la part relative des cotisations patronales n’a cessé de diminuer, tandis qu’augmentait la part des richesses produites, transformée en bénéfice net. Par ailleurs, le nombre des exonérations de charges augmente sans cesse et les mécanismes de compensation théorique par l’État ne fonctionnent presque jamais, le coût réel retombant la plupart du temps sur les caisses elles-mêmes. Cette limite est donc consubstantielle au système lui-même et au caractère précaire de toute conquête des travailleurs tant que le capitalisme existera.

Etablir ces limites ne permet qu’une conclusion: aucun acquis ne sera définitif tant que subsisteront le capitalisme et l’exploitation. Le régime par répartition n’en demeure pas moins un enjeu essentiel de la lutte des classes. De plus il demeure un levier essentiel de lutte en préfigurant une société débarrassée de celui-ci.

Aujourd’hui, pour la répartition

Le régime par répartition doit être notre objectif, en termes de lutte pour la défense de nos acquis sociaux et promouvoir une répartition des richesses par et pour les travailleurs. L’acharnement du patronat et de ses relais politique à remettre en cause ce système de répartition pour promouvoir un système d’assurance privé (pour les plus riches) couplé avec un système d’aide sociale minimale étatique (pour les plus pauvres) démontre, si besoin était, l’importance de l’enjeu.

Par ailleurs, d’autres dangers que nous avons évoqué plus haut menacent la répartition, de l’intérieur même du système: dégénérescence des syndicats de salariés qui en sont les cogestionnaires, ponctions effectuées par l’État et les syndicats de patrons et de salariés, etc.

Il faut donc définir des axes de lutte qui visent non seulement à préserver les acquis, mais également à reconquérir le terrain perdu et à aller au-delà. Il faut remettre l’enjeu de la répartition au coeur des perspectives révolutionnaires.

Propositions possibles

Concernant la gestion des caisses: éviction du patronat; gestion par les syndicats, mais contrôle indépendant de cette gestion. Pas de décision importante sans consultation des salariés.

Concernant les différentes caisses : réunir toutes les caisses qui avaient été séparées afin de les fragiliser pour les attaquer à tour de rôle.

Concernant le champ d’application : à tous les salariés inactifs (tous les chômeurs, tous les retraités…) selon le principe de la répartition du travail ; le chômage sert le patronat, c’est donc à lui de payer le surcoût par l’augmentation des cotisations patronales.

Concernant les ressources: stopper les exonérations de cotisations patronales et les augmenter massivement pour les ramener au moins au rapport originel.
Revenus de remplacement à 100% du revenu de référence, etc.
 
Après, il faudra descendre dans la rue !