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Rhônes-Alpes Tracts

Décryptage du projet de réforme en Rhône Alpes

Une mascarade de concertation

En préambule, nous ne pouvons que déplorer la tonalité anti syndicale de ce document. Nous retrouvons ici la rhétorique patronale classique antisyndicale dans la bouche de notre directeur régionale opposant une majorité silencieuse qui serait évidemment pour la réforme aux syndicats de lutte qui seraient contre cette majorité. Ainsi selon notre directeur les syndicats réussissent le tour de force d’être à la fois responsables de « l’efficacité plus ou moins limitée des assemblées générales » tout en voyant leur éventuelle influence réduite à une absence d’ « approbation majoritaire explicite ».

Chers directeurs, une petite clarification s’impose : si les agents ne se sont pas précipités dans vos groupes de travail et assemblées générales, c’est parce qu’ils ne se reconnaissent pas dans votre jeu de dupe et non pas parce que les méchants syndicalistes musèlent les agents du ministère du travail.

La spécialisation : un affichage politique

Nous ne pouvons que constater la mise en place des « souhaits », pour ne pas dire ordres, du ministère et ce bien qu’aucun diagnostic préalable ne permette de les justifier.
Ainsi, nous aurons en Rhône Alpes, une UC « vallée de la chimie » et une UC travail illégal.
Sur quels fondements ?
Concernant l’unité régionale d’appui et de contrôle « travail illégal », le principe fondamental explicitant sa création tient dans le fait que « la lutte contre le travail illégal est l’une des priorités portées par le Ministère du travail ». Or, le constat de l’organisation actuelle est que « l’activité des services de contrôle est jusqu’à présent très concentré sur le travail dissimulé par dissimulation d’activité ou de salarié ( 72% de l’activité des services de contrôle), les secteurs les plus ciblés étant le BTP et les HCR ».
Pourquoi si les agents s’occupent déjà du travail dissimulé par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, créer une UC ad hoc déconnectée des demandes réelles des salariés reçus dans nos permanences ? Quel intérêt et quelle plus value ?

S’agissant de l’UC Chimie, c’est la même logique d’affichage politique qui préside à la création de cette UC. La seule justification réelle avancée est la reconnaissance par les « partenaires sociaux ». D’une part il s’agit encore et toujours d’une politique d’affichage, d’autre part lorsque l’on gratte un peu on constate que les seuls « partenaires » à s’être prononcés clairement pour cette UC spécialisée sont le patronat de la chimie.

Et que dire de l’affichage politique sur la mise en place de section à dominante transports ou réseaux lorsqu’ on constate la mise en place d’une section prise en charge des entreprises en réseau (SNCF, transport urbain) en Ardèche alors qu’aucun train de voyageurs n’y circule, que le transport urbain est assurée par une entreprise de transports de voyageurs qui fait elle même partie de la dizaine d’entreprises de transport ardéchoises !

STOP A L’AFFICHAGE POLITIQUE ! REVENONS A LA REALITE DU TERRAIN ET DES DEMANDES DES SALARIES !

Et la dégradation des conditions de travail futures des agents

Ce projet va immanquablement entrainer une dégradation des conditions de travail des agents par une augmentation de la charge de travail et la multiplication potentielle de conflits de compétence entre agents. Il faut d’abord rappeler que les effectifs seront en diminution pour les agents en situation de contrôle. De 241 agents (A et B) ils passeront à 229 sans la l’URACTI (composée de 9 agents dont un RUC). La charge de travail pour les agents de contrôle généralistes va également du fait de la spécialisation.

Dégradation des conditions de travail des agents dans les UC et réseau ad hoc.

Certes ils auraient « un temps nécessaire à l’exercice de cette mission », bien que cette formulation soit particulièrement obscure. Cela signifie t’il qu’ils auront des journées dédiées ? Un secteur allégé ? Parce que selon l’option choisie leurs conditions de travail ne seront pas du tout les mêmes ! Mais l’organisation fonctionnelle et hiérarchique entre le DUC fonctionnel et celui géographique n’est pas calée, l’articulation entre les agents de contrôle de la zone, ceux de l’UC ou du réseau ad hoc et les agents de la cellule pluridisciplinaire sera arbitrée par…un comité de pilotage spécifique à chaque réseau !

Dégradation des conditions de travail des agents « généralistes »

Avec la suppression de postes d’agents de contrôle dans tous les départements et la ponction, sur ce nombre d’agents de contrôle en baisse, d’un agent pour le travail illégal. Ils seront donc moins nombreux mais auront plus d’entreprises à contrôler. Rien que de très normal donc…

Et que dire du sort des contrôleurs du travail, qui, pour 800€ minimum de moins chaque mois que les inspecteurs du travail vont devoir assurer les mêmes tâches pendant une période transitoire d’une…dizaine d’années ! Quand le ministère se décidera-t-il à appliquer ce principe phare du droit du travail « A travail égal, salaire égal » ?

 

La CNT s’oppose à ce projet et demande pour contrôler le respect des droits des travailleurs dans les meilleures conditions un véritable renforcement des moyens d’action de l’inspection du travail par un renforcement :

  • de nos effectifs ;
  • de l’indépendance des agents de contrôle en supprimant la tutelle des DUCs ;
  • de la politique pénale en matière de droit du travail notamment par le renforcement des sanctions pénales du travail (le Code du travail est un des rares à disposer d’infractions sans sanctions) ;
  • des moyens d’action et de l’indépendance des services de la justice.

Le tract en pdf : tract réforme inspection du travail Rhône Alpes

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Bas-Rhin – Strasbourg Rhônes-Alpes Tracts

Entretien individuel d’évaluation : c’est encore non !

« l’évaluation individualisée, provoque, et c’est d’ailleurs un des objectifs affichés de la méthode, la concurrence généralisée entre les travailleurs » (Christophe Dejours, Souffrance en France).

Nous maintenons notre opposition à un système d’évaluation dont le principe est toujours le même : mettre en concurrence les agents par la carotte (les parts variables et les réductions d’ancienneté) et le bâton (les suppressions de primes et la stagnation).

Fondamentalement l’entretien d’évaluation reste un pseudo-contrat d’objectifs individuels sur la base de l’atteinte des objectifs de l’année précédente. Que ces objectifs soient quantitatifs ou non, il s’agit toujours du même management par objectifs et de la même « culture du résultat ». Ce faisant l’agent se retrouve à porter seul la responsabilité de sa charge de travail et du manque de moyens pour faire face à sa mission.

Il faut donc rappeler que l’évaluation individuelle des performances (de son vrai nom issu du management privé) est un système essentiellement discriminatoire qui vise à mettre les agents en concurrence pour éviter de poser la question des moyens collectifs. La carotte qu’on nous agite sous le nez est elle-même fixée à l’avance et ne va pas augmenter, quand bien même on se tuerait tous au travail pour atteindre ces objectifs. L’enveloppe globale pour les primes est prédéfinie et le quota d’agents susceptibles de bénéficier de réductions d’ancienneté est également fixé à l’avance.

La course à l’objectif est donc un leurre individuel et nuisible à l’ensemble du collectif de travail. Sur fond d’idéologie méritocratique, elle vise à faire croire que l’on peut, et surtout qu’il est légitime, de progresser individuellement au détriment de ses collègues (en se racontant que si on obtient plus que le collègue ou le voisin ça doit sûrement être parce qu’on est meilleur que lui ou plus méritant).

Or, la notion de mérite est profondément arbitraire : s’agit-il en fait de performance ? Ce n’est pas la même chose que le mérite, car le mérite dépend de la performance pondérée par l’effort, les capacités de l’agent plus ou moins valorisées, la qualité de son environnement de travail, l’implication de ses collègues (qui dépend d’une dynamique plus large) etc. toutes choses difficiles sinon impossibles à évaluer

Plus généralement, l’évaluation/récompense individuelle ne sert aucunement à mesurer et encourager les résultats ou la progression, ni à produire de l’émulation, mais à créer de la hiérarchie.

Tout ceci est une mascarade organisée par l’administration qui isole les agents, produit de la souffrance en nous rendant responsables de nos conditions de travail et nous détourne de la lutte collective pour l’avancée des droits pour tous !

En conséquence nous réaffirmons notre position de boycott de ces entretiens

 
Le tract en pdf : tract_boycott_entretien_2014
Lettre de refus à remettre à l’évaluateur : lettre refus entretien professionnel 2014

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Articles de presse

La dernière digue menacée

Un article de Fanny Doumayrou paru dans l’Humanité daté du 4 février 2014
 
Les inspecteurs du travail étaient en grève hier contre la réforme de leur secteur. Ils craignent une réduction des moyens et des marges de manœuvre pour faire appliquer le droit du travail.

«Vous êtes souvent la dernière digue, c’est pour cela qu’on est solidaire du combat qui est le vôtre », lance Laurent Degousée, militant de SUD commerce, à Paris. Hier midi, quelque deux cents agents de l’inspection du travail d’Île-de-France, appelés à la grève par les syndicats CGT, FO, SNU (FSU) et SUD, se sont rassemblés aux abords de l’Assemblée nationale, où sera discuté, dès demain, le projet de loi qui va bouleverser le fonctionnement de leurs services.

De nouveaux pouvoirs, vraiment ?

C’est l’aspect de la réforme que le ministre du Travail, Michel Sapin, met en avant. Selon lui, le projet donne de nouveaux pouvoirs aux agents de l’inspection, qui se plaignaient, justement, du manque de pouvoirs directs sur les entreprises bafouant le Code du travail.

Jusque-là, ils pouvaient dresser des procès-verbaux transmis à la justice, mais les deux tiers étaient classés ou perdus de vue, sans parler de la faiblesse des condamnations, quand l’employeur était jugé. Le projet de loi crée deux nouveaux leviers face aux employeurs : une amende administrative jusqu’à 2 000 euros par salarié pour certaines infractions, et une possibilité de transaction, consistant, une fois le procès-verbal dressé, à « négocier » une amende pour éviter un procès. Mais ce sont les directeurs régionaux du travail (Direccte) qui auront la main sur ces dispositifs.

La suite de l’article sur l’inspection du travail

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Articles de presse

L'affaire Tefal agite les inspecteurs du travail

Un article de Rachida El Azzouzi paru sur le site Mediapart le 3 février 2014

En Haute-Savoie, la direction du groupe Tefal a fait pression sur la hiérarchie d’une inspectrice du travail pour l’écarter et obtenu gain de cause. Pour les inspecteurs, c’est un signal d’alarme, alors que le plan Sapin, qui entend justement placer leur hiérarchie en position d’arbitre, arrive jeudi à l’Assemblée.

Les agents de l’inspection du travail ne décolèrent pas contre leur ministre de tutelle, Michel Sapin. Alors que doit s’ouvrir jeudi 5 février à l’Assemblée nationale le débat autour du projet de loi sur la formation professionnelle, dans lequel est noyé le très décrié projet de réforme des services de l’inspection du travail (lire ici notre article), ils ont entamé ce lundi 3 février une semaine de grève, ponctuée de manifestations, à travers la France comme à Paris devant l’Assemblée. Objectif : alerter les parlementaires sur « les dangers » du plan Sapin, massivement rejeté en interne il y a un an.

L’une de leurs grandes craintes porte sur la disparition programmée des sections d’inspection du travail actuelles (un inspecteur, deux contrôleurs, deux secrétaires intervenant en toute indépendance, dans un secteur géographique délimité) au profit d’unités de contrôle (UC) de 8 à 12 agents encadrés par un DUC dans la novlangue du ministère, un supérieur hiérarchique qui, fait nouveau, aurait lui aussi des pouvoirs de contrôle dans les entreprises. Pour les agents, il s’agit là ni plus ni moins d’un coup porté à leur indépendance, pourtant garantie par l’article 6 de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui les place à l’abri de toute pression externe ou intervention indue, qu’elles émanent du patronat ou du pouvoir politique.

« Demain, le directeur d’UC pilotera et animera l’unité de contrôle, c’est-à-dire qu’il sera chargé d’orienter l’action de contrôle en fonction des priorités politiques du ministère et de mettre au pas les plus récalcitrants vis-à-vis des programmes de contrôle décidés par la hiérarchie sans lien avec les problématiques de terrain. Il disposera de pouvoirs de contrôle et pourra donc intervenir sur un dossier ou dans une entreprise pour se substituer à l’inspecteur ou contrôleur », dénoncent dans un communiqué commun les syndicats des services de l’inspection du travail de la région Rhône-Alpes (CGT, FSU, SNU-Tefe, FO, CNT et Sud).

Les syndicats rhônalpins sont particulièrement mobilisés. Et pour cause. À Annecy en Haute-Savoie, où ils ont organisé ce lundi 3 février une manifestation devant le siège du Medef rassemblant 150 personnes, ils viennent d’expérimenter cette dérive que la réforme pourrait généraliser. C’est « l’affaire Tefal », une histoire édifiante de pression patronale sur une inspectrice un peu trop regardante par l’intermédiaire de sa hiérarchie. Révélée par le journal l’Humanité en décembre dernier, l’affaire, embarrassante pour le ministère du travail qui refuse de s’exprimer sur le sujet, a conduit à la saisine du Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) début décembre.

L’instance de “sages”, qui veille à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées en toute impartialité, mène actuellement une enquête administrative pour statuer sur le relais par la hiérarchie de cette éventuelle pression extérieure indue laquelle, si elle était confirmée, constituerait une violation de la convention 81 de l’OIT.

Les faits remontent au 19 avril 2013. L’inspectrice du travail chargée de l’entreprise Tefal, l’un des plus gros employeurs de Haute-Savoie avec 1 800 salariés, filiale du groupe Seb basé à Rumilly, près d’Annecy, est convoquée par son supérieur hiérarchique, le directeur départemental du travail, Philippe Dumont. Entre quatre yeux, durant 2 h 20, ce dernier lui reproche de « mettre le feu dans cette grosse entreprise » en voulant renégocier l’accord sur la réduction du temps de travail, qu’elle juge illégal, après s’être penchée sur le texte à la demande des représentants du personnel de l’usine.

Il lui intime l’ordre de revoir sa position rapidement, lui rappelle qu’elle est en début de carrière. L’inspectrice lui demande s’il s’agit de menaces, de pression ou de chantage. Il répond qu’elle n’a qu’à le prendre comme elle veut mais qu’il s’agit d’une mise en garde. La jeune femme ressort du bureau « démolie, complètement déstabilisée », témoigne un de ses collègues. Son médecin l’arrête quelques jours. Elle reprend du service avant de retomber en arrêt maladie en juin, cette fois pour une longue durée.

En octobre dernier, un courriel anonyme adressé à l’inspectrice du travail relance l’affaire : « Je suis en possession de documents hyperconfidentiels, prouvant que vous avez été victime de pression, je sais que le groupe SEB et la société Tefal ont exercé via des personnes du Medef une pression sur votre responsable, M. Dumont, afin qu’il vous fasse taire », écrit le mystérieux lanceur d’alerte avant de fournir des documents accablants issus du service de ressources humaines de Tefal, notamment des échanges de mails internes sur plusieurs mois que Mediapart s’est procurés et publie ci-après.

On y découvre l’étendue de la pression exercée sur l’inspectrice ainsi que le profond mépris de la direction de Tefal pour l’administration du travail. On y apprend aussi que la direction, par le biais de son directeur des ressources humaines, Dan Abergel, a rencontré le 18 avril Philippe Dumont, le directeur du travail, à la veille donc de l’entretien musclé de ce dernier avec sa subordonnée.

«Tefal a même eu recours aux services de la DCRI !»

Trois documents retiennent tout particulièrement l’attention. Il y a d’abord la copie de cet échange de mails envoyé le 28 mars par Aurélie Rougeron, une responsable du service des ressources humaines de Tefal au DRH, Dan Abergel : « J’ai échangé avec P. Paillard (un responsable de l’UIMM, le patronat de la métallurgie, ndlr) au sujet de l’inspectrice. Il me dit que le DDTE (directeur départemental du travail et de l’emploi, ndlr) a le pouvoir de la changer de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre. Intéressant, non ? » Le DRH lui répond qu’il faut « prendre RDV avec Dumont » et « voir le préfet ».

Quelques mois plus tard, le 26 juillet, ce dernier se fend d’un autre mail, cette fois à Patrick Llobregat, président de Tefal, et à d’autres dirigeants du groupe. Il a pour objet « nouvelles du front », fait le point sur plusieurs dossiers, dont « deux infos importantes » obtenues « par le biais de nos interlocuteurs au Medef ». Un paragraphe concerne l’inspectrice : « Notre inspectrice du travail est depuis quelques semaines en arrêt pour “pression psychologique”. De plus, il semble qu’elle ait attaqué Dumont en justice sur le sujet (info confidentielle du Medef). Entre nous, quand on connaît Dumont, c’est plutôt le profil du harcelé que du harceleur… Je pense donc que si elle revient, nous devrons être extrêmement vigilants. »

Autre document aggravant : un tableau Excel nommé « Capteurs sociaux » que vous pouvez consulter ici. Il consigne « les faits marquants », « les points de vigilance » au sein de l’entreprise mois après mois : les accidents du travail, les ruptures conventionnelles, les conflits collectifs… et les relations avec l’inspection du travail. Chaque événement est frappé d’une couleur selon le « degré de risque ». « Vert (aucun risque), orange (à surveiller), rouge (danger), noir (danger +) », précise tout en bas la légende. Figure ainsi, en noir, soit « danger + », le « courrier de l’inspectrice remettant en cause l’accord 35 heures » ; dans la colonne « mode de fonctionnement de l’inspectrice du travail », en rouge, soit « danger » : « elle nous inonde de courriers sur tous les sujets depuis janvier 2013 ».

Ce fichier met précisément au jour les pratiques et les méthodes de Tefal pour se débarrasser de l’inspectrice du travail au fil des mois. La direction a même été jusqu’à solliciter le 5 avril un « entretien avec Carole Gonzalez, des renseignements généraux » à propos du « comportement de l’inspectrice » avant de rencontrer le 18 avril le directeur départemental du travail, M. Dumont, qui recadrera le lendemain, 19 avril, l’inspectrice… Le 25 mai, on découvre aussi cette précision : « conversation avec Dumont : on attend de voir si son action porte ses fruits. »

La direction de Tefal, qui n’a jamais démenti les pressions ni les documents révélés dans la presse, refuse de commenter ce dossier. Elle balaie le sujet d’un laconique : « Il n’y a pas d’affaire. » « Les syndicats de salariés de Tefal ont été entraînés dans un débat qui n’est pas le leur. Ils ont été instrumentalisés par les syndicats de l’inspection du travail qui cherchent par tous les moyens à dire leur opposition au projet de réforme de leur ministère », avance son service de communication. Pourtant, en interne, la direction prend « l’affaire » très au sérieux, et cherche à identifier par tous les moyens le mystérieux informateur. Début janvier, elle a saisi une douzaine d’ordinateurs pour analyser les disques durs et porté plainte contre X à la suite de la divulgation des documents.

« Cette affaire provoque un vif émoi en interne. La direction est très fébrile », raconte Nicolas Chartier, le secrétaire CGT du comité d’entreprise de Tefal. Il décrit un profond malaise social au sein de l’usine, des conditions de travail particulièrement dégradées notamment sur les lignes de production où les situations de risques psychosociaux sont en augmentation. Il pointe également « un management par la peur » depuis l’arrivée du nouveau DRH en 2011 et une direction venue du secteur automobile qui n’a « peur de rien », contrevenant régulièrement au code du travail, abusant de l’intérim, des ruptures conventionnelles (une centaine depuis 2008) ou encore entravant le bon déroulement de la mission des représentants du personnel.

« Comme Michelin, notre direction est championne de la dissimulation d’accidents et d’arrêts de travail professionnels (consécutifs à des accidents de travail). Elle force les salariés à se rendre à l’usine avec plâtres et pansements alors qu’ils devraient être à l’arrêt, ou elle leur demande de rester chez eux sans en avertir la Sécurité sociale », poursuit un autre délégué de l’intersyndicale CGT, FO, CFDT, CFE-CGC de Tefal.

Pour les quatre organisations syndicales, « il ne fait aucun doute que la direction a cherché à faire taire l’inspectrice du travail ». Solidaires, elles ont multiplié les actions de soutien, appelant au débrayage au lendemain de la révélation de l’affaire par l’Humanité en décembre dernier. Depuis, elles boycottent les négociations annuelles obligatoires, réclament « une nouvelle direction et un vrai dialogue social ». Elles ont manifesté ce lundi 3 février devant le Medef de Haute-Savoie aux côtés des agents de l’inspection du travail de Rhône-Alpes, où là aussi le climat social est délétère, les relations tendues avec la hiérarchie locale et régionale.

« Il y a un vrai conflit social, une vraie souffrance aujourd’hui dans les inspections du travail », note Marie-Pierre Maupoint, déléguée Sud. Elle espère que « le CNIT ira jusqu’au bout de la procédure, que le directeur du travail sera sanctionné, traduit devant le conseil de discipline, sinon écarté de tout poste hiérarchique ». « Les faits et différents documents transmis à notre collègue sont très graves. Ils laissent à penser que M. Dumont a failli à la convention de l’OIT, qu’il a agi de concert avec la direction de Tefal. Il apparaît même que Tefal a eu recours aux services de la DCRI ! », abonde un inspecteur du travail, scandalisé.

À la suite de ces pressions, leur collègue a été en arrêt maladie durant près de six mois. Les pressions subies l’ont par ailleurs amenée à faire une déclaration d’accident de service (équivalent public de l’accident du travail) contestée par la hiérarchie. Dans un courrier adressé au ministre du travail Michel Sapin le 13 décembre dernier, et à ce jour resté sans réponse (que vous pouvez lire ici), les syndicats (CGT, SUD, SNU-FSU et CNT) de l’inspection du travail de Rhône-Alpes dénoncent l’absence de soutien de la hiérarchie à l’inspectrice, l’attitude du directeur qui s’est « fait le relais des demandes exprimées par Tefal », et la « déshérence dans laquelle sont laissés les agents qui expriment leur souffrance ». Ils exigent « l’arrêt des pressions » sur l’action de leur collègue, la « reconnaissance immédiate » de son accident de service ainsi que « la garantie » de l’indépendance d’action de l’inspection du travail contre toutes influences indues comme le prévoit la convention internationale n° 81. Un droit bien mis à mal…

Quel que soit l’échelon, du cabinet de Michel Sapin à la DIRRECTE de Rhône-Alpes, l’administration du travail a refusé de commenter cette affaire. Philippe Dumont, le directeur départemental du travail de Haute-Savoie, mis en cause, n’a pas retourné nos appels.