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En région Rhônes-Alpes

Séminaire renseignements Auvergne-Rhône Alpes : une leçon de billard à trois bandes !

Pour rappel, le 29 septembre dernier, la DIRECCTE Auvergne-Rhône Alpes organisait le séminaire 2016 des services renseignements. Ce séminaire avait pour thème central le plan régional TPE-PME : « L’objectif de ce plan transversal : bâtir une offre de services en matière d’information RH à l’attention des petites et moyennes entreprises ».

Comment l’administration centrale entend-elle poursuivre le démantèlement du droit social et accentuer la soumission des services aux forces patronales ; le tout sans se couvrir de honte ni entraîner une réaction collective des agents ? Cela devient assurément difficile : nous connaissons maintenant la loi travail, nous vivons tous les jours dans son monde. L’administration est contrainte de forcer sa créativité stratégique et ses contorsions rhétoriques.

Bande 1 : La démagogie pro patronale :

Pour ne pas éveiller les soupçons, l’administration doit se trouver là où on l’attend. C’est ainsi que le DIRECCTE a commencé par se couler dans l’air du temps – et tirer les bénéfices du cirque médiatique – en affirmant gravement que les Français ne se préoccupaient plus que de deux sujets : « la sécurité et l’emploi » (termes permettant de retourner les problèmes bien réels de la guerre et de l’exploitation des travailleurs).

L’ambiance posée, la DIRECCTE (Philippe NICOLAS) et la DGT (Denise DERDEK) continuent en saluant le rôle des TPE/PME dans la création d’emplois de qualité. Est évoqué la complexité du code du travail, et le coût que représente pour ces entreprises le recours nécessaire à un service comptable. À la fin de l’année, vu la facture, pour le patron de TPE/PME, « la coupe est pleine » !

La ritournelle néolibérale est connue : la jungle du code du travail et les coûts indirects qu’elle génère sont donc de nature à freiner l’embauche.La nouvelle mission des services de renseignement est alors évidente: « Accompagner la gestion des ressources humaines pour des emplois de qualité ». « L’intérêt pour nous c’est de parler le langage des TPE PME pour marquer des points en termes de recrutement ».

Autrement dit, ces frais de comptabilité doivent pouvoir être amoindris par un service de renseignements réorienté à destination des employeurs. La DGT dans ses œuvres, on imagine bien alors qu’un frémissement saisisse l’assemblée des agents.

L’administration centrale décide donc de jouer sur la fibre républicaine.

Bande 2 : La République socialiste :

Le service public est à destination de tous les citoyens. La tradition du système de l‘inspection du travail, au service avant tout des travailleurs est une erreur, un parti pris, une violation du principe d’égalité. Le patron est un citoyen à
part entière.

Le discours est certes édifiant, mais se pose tout de même un problème technique : le patron ne vient pas assez au service renseignement.

Il faut donc que le renseignement « sorte de ses bureaux et aille en réunion » avec les organisations patronales ; qu’il n’attende pas que ce nouvel usager-citoyen vienne le voir, mais qu’il « aille vers lui ». La DGT est formelle, le problème de ce service de renseignement c’est qu’il « ne répond pas aux questions qui ne vous sont pas posées », qu’il n’apporte pas « des renseignements à des publics qui ne vous en demande pas ».

C’est la nouvelle politique de l’offre à destination des patrons-citoyens-créateurs d’emploi : « C’est l’effet d’offre qui provoque l’acte d’achat ». Phénomène keynésien (sic) selon l’orateur.

En cet instant, on craint qu’une telle vision de la République égalitaire se heurte à la mémoire des agents. Ils connaissent tous un peu d’histoire sociale et ils savent que le contrat de travail n’est pas un contrat de droit civil classique (malgré ce qu’en pensait Monsieur Macron). En effet, le lien de subordination est l’essence même du contrat de travail. Le code du travail vient mettre des limites à ce que permettraient cette inégalité et la situation de dépendance économique du travailleur face au détenteur de capital. En somme, le droit social nous dit que si le patron est un citoyen comme un autre, sa situation réelle est pourtant sans commune mesure avec celle du salarié.

Mais la DGT a plus d’un tour dans son sac : coup de théâtre, retournement socialiste (et saut périlleux dialectique) ! Aller au-devant des employeurs certes, mais pour forcer l’application de notre code du travail protecteur ! Parler aux employeurs c’est aller à la source du pouvoir dans l’entreprise ; les renseigner c’est promouvoir la protection et permettre aux agents de contrôle de mieux qualifier l’intentionnalité en cas d’infraction.

La transversalité travail-renseignement pour la protection sociale et l’emploi ; l’économie de moyens, la mutualisation des ressources pour toucher ces PME/TPE qui ne voient « parfois jamais d’agent de contrôle » et où « l’effectivité du droit y est dégradée ».

Malgré la loi ElKhomri, on se dit qu’il reste un code du travail encore un peu protecteur en France et qu’il convient en effet de le promouvoir. Alors oui, toucher les employeurs peut être une solution. Présenté ainsi, qui refuserait ce rappel à l’ordre du patronat ?

Finalement la DGT aime le patronat, mais n’aime-t-elle pas avant tout le patronat qui respecte le code du travail ?

Bande 3 : La réforme à venir :

Voici donc le service de renseignement prêt à accepter ce nouveau discours plein de pragmatisme. D’autant que si une plate-forme téléphonique régionale est promise pour la modique somme de 50 000 euros par UD, il est aussi promis que les départs à la retraite des agents seront remplacés, s’il le faut par des lauréats du CRIT. Pourquoi grogner contre les largesses du Ministère ?

Mais les esprits chagrins se poseront une question : malgré les lois Sapin, Rebsamen, Macron et ElKhomri, est-ce que notre code du travail est suffisamment éviscéré pour convenir au patronat et enclencher cette stratégie de la DGT ?

Peut-être pas tout à fait, mais c’est maintenant que l’on construit les habitudes de demain pour un service de renseignements. Demain, lors de la grande réforme du code du travail. Le patronat pourra venir apprendre comment shunter les syndicats, conclure des accords dérogatoires, licencier en toute sécurité… et occuper la place du salarié dans les permanences. Ce salarié volontiers procédurier et prompt à l’action prud’homale qui, on l’aura compris, est aussi un frein à l’emploi.

L’objectif sera atteint bien qu’il semblait impossible : démanteler le droit social et mettre encore un peu plus les ressources de l’État au service de l’exploitation des travailleurs.

Nous ne demandons rien à l’administration centrale ou aux Ministres.

Nous demandons à tous une réflexion et des actions collectives pour que l’inspection et le renseignement restent fidèles à la mission originelle :

Le service et la défense des salariés.

Le tract en pdf : seminaire-renseignements-auvergne-rhone-alpes

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Répression des médecins du travail

Il est interdit à tout médecin de rechercher une cause professionnelle pour une psychopathologie du travail !

Dominique Huez et Bernadette Berneron médecins du travail sont tous les deux condamnés à nouveau, suite à la plainte de deux employeurs, à un “avertissement” par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins en appel, cela pour avoir attesté du lien entre la santé altérée et le travail de leurs patients. 

Que nous dit l’ordre des médecins ?

Suite à ces deux jugements, que peut-on conclure ? Selon l’Ordre des médecins toute plainte de celui qui aurait un intérêt à agir serait recevable, et ce en contradiction de l’article R.4126-1 du code de la santé publique, au prétexte que la liste mentionnée à cet article ne serait pas limitative. L’intérêt de l’employeur est ainsi mis au même rang que celui du patient ou des associations de défense des patients. Les patrons peuvent donc y aller et porter plainte contre un médecin du travail devant le Conseil de l’Ordre dès lors que son avis ne leur convient pas.

Toujours selon l’Ordre des médecins, lors des conciliations et devant une chambre disciplinaire, la question du secret médical ne se poserait pas puisque le dossier du patient est alors transmis à l’employeur. De plus la plainte de l’employeur est instruite sur ses seules déclarations sans que soit entendu le salarié, ce qui n’entraverait donc pas de son point de vue le droit à un procès équitable.

Concernant les écrits médicaux, pour l’Ordre, aucun évènement s’inscrivant dans une histoire médicale du patient et qui porterait potentiellement préjudice à un tiers étranger au patient (en l’occurrence les employeurs), ne saurait être mentionné au titre de la démonstration clinique d’un diagnostic médical de lien entre la santé et le travail !

L’ordre des médecins n’aurait pas non plus à tenir compte du fait que la justice prudhommale ou le droit assurantiel AT-MP aux termes d’une enquête contradictoire, ait pu corroborer les faits cités dans l’écrit médical. En l’espèce le tribunal des prud’hommes avait pourtant reconnu le harcèlement moral de la société contre le salarié concerné par le certificat médical en cause.

Ainsi pour l’Ordre un écrit médical ne peut avoir pour forme que celle du “certificat de coup et blessure” et ne doit pas jamais porter le projet d’attester des causes de la pathologie dans le seul intérêt de la santé du patient.

Toute attestation d’un lien entre la santé et le travail est donc interdite arbitrairement par l’Ordre des médecins et tout tiers à la santé du patient peut saisir l’Ordre pour faire condamner les récalcitrants !

Le diagnostic d’un lien santé-travail est renvoyé au rang d’un certificat de complaisance et non d’une analyse globale de la situation de travail par des professionnels de la santé au travail !

Quid de la responsabilité des employeurs ?

Que devient la responsabilité de l’employeur dans la dégradation de la santé au travail, notamment en ce qui concerne la santé mentale ? Elle disparaît tout simplement.

L’employeur doit préserver la santé et la sécurité des salariés, il a même une obligation de résultat en la matière. C’est l’article L.4121-1 du Code du travail qui le dit. Mais qu’un médecin du travail vienne à pointer la responsabilité d’un employeur en particulier dans la dégradation d’un ou des salariés de son entreprise, et le voilà désormais à la merci de poursuites disciplinaires par l’Ordre des médecins.

De fait 100 plaintes d’employeurs sont déjà déposées annuellement. Nul doute que le message de ce nouveau jugement va être parfaitement entendu par le patronat et que les plaintes vont continuer à se multiplier !

Une exigence de « neutralité » toute patronale

Quand on connait l’importance des avis du médecin du travail pour qu’un salarié puisse faire reconnaître le préjudice subi afin de faire valoir ses droits devant les juridictions prud’homales ou le TASS (notamment dans les cas de harcèlement moral dont la définition même évoque explicitement l’incidence sur la santé), on ne peut donc qu’être atterré par une telle décision.

Devant la vision toute patronale de l’exigence de « neutralité » que promeut ainsi l’Ordre des médecins, la santé des patients-salariés devient un intérêt parmi d’autres et l’Ordre des médecins se fait le fidèle gardien de l’Ordre des dominants et de leurs intérêts. La déontologie devient ainsi le cache-sexe de la lutte des classes au profit des employeurs.

On pense ici également à un récent avis de la CADA (parmi d’autres contradictoires sur le sujet) nous expliquant que nous n’avions pas à transmettre d’information aux salariés susceptible de nuire à l’intérêt d’une des parties (en gros interdiction de communiquer nos lettres d’observation). Là où le devoir d’information du public s’efface devant les intérêts patronaux, le diagnostic médical doit également s’effacer devant les mêmes intérêts.

Et on ne peut également que s’inquiéter du futur code de déontologie qui nous est promis dans le cadre de la loi travail dont l’argumentaire prévoit explicitement qu’il aura pour fonction de définir « pour les contrôlés, le bénéfice des garanties fixées par la loi lors d’intervention des agents du système d’inspection du travail. »

La déontologie ne doit pas être le cache-sexe de la sauvegarde des intérêts patronaux contre l’exercice même de nos missions !

La CNT-TEFP exige :

  • l’annulation des sanctions contre les docteurs HUEZ et BERNERON
  • que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins du travail devant l’ordre des médecins
  • le respect du statut et des missions de tous les acteurs de la santé au travail contre toutes les tentatives d’ingérence patronale

D’ores et déjà six syndicats et associations ont formé un recours devant le Conseil d’État pour que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins attestant une souffrance au travail.

L’arrêt de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du 26-09-2016 HUEZ Dominique

Le tract en pdf :repression-des-medecins-du-travail