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Mois : octobre 2020
Communiqué intersyndical au sein du Ministère du travail – 27 octobre 2020
Nos organisations syndicales, comme la plus grande part de nos collègues, ne supportent plus la mise en cause constante du professionnalisme des agents et le relais par la hiérarchie de pressions extérieures indues.
Plusieurs organisations syndicales ont saisi conjointement l’OIT (organisation Internationale du Travail) en 2020 d’une plainte concernant le respect des prérogatives de l’inspection du travail ouvertement bafouées par l’ancien directeur général du travail et l’ancienne ministre du travail qui partagent un même mépris de caste.
Depuis plusieurs années la Direction générale du travail (DGT), mais aussi les hiérarchies régionales, se font les instruments de remises en question professionnelles des agents de contrôle plus basées sur l’importance de l’entreprise concernée (Tefal, restaurateur étoilé, SNCF, etc.) que sur une difficulté sérieuse de lecture de la réglementation du travail.
Aujourd’hui face à ce type de mises en cause largement diffusées à titre d’exemple par la DGT, deux agentes de l’inspection du travail ont cité à comparaitre pour diffamation publique l’ancien DGT et son adjoint.
Rappel des faits
En 2017, l’Inspectrice du travail, épaulée par sa responsable, a initié un référé contre une très grosse compagnie aérienne de la plateforme aéroportuaire de ROISSY qui l’avait saisie d’un désaccord sur les mesures conservatoires à mettre en œuvre à la suite d’un Danger Grave et Imminent (DGI) porté par les représentants du personnel de l’entreprise. Précisons que ce DGI pointait un risque d’accident d’avion, avec donc des conséquences majeures possibles pour les équipages mais aussi pour les passagers.
Ces deux agentes ont fait l’objet, en juin 2018, d’un courrier à tonalité disciplinaire signé d’Yves Struillou, le Directeur Général du Travail. Il leur était reproché, notamment, d’avoir travaillé « hors système d’inspection du travail » et, à cette occasion, une « procédure consultative préalable obligatoire » était mise en place pour les seuls DGI déposés par cette entreprise (en l’occurrence, une saisine préalable de la Direction générale de l’aviation civile). En conclusion de ce courrier très rude, le DGT choisit bizarrement de ne pas enclencher de procédure disciplinaire, ni même de verser son courrier au dossier des agentes.
En décembre 2019, en réponse à un tract syndical mentionnant cette affaire, le DGT a diffusé le courrier disciplinaire, en le modifiant sous forme de « note de service » à toutes les DIRECCTE de France [services déconcentrés de l’État], en occultant les noms des agentes et en apposant une nouvelle date (20 décembre 2019) sur la lettre de juin 2018 !!!
Ce faisant, les agentes, dont l’identité était facile à trouver, ont été publiquement mises en cause devant tous leurs collègues dans leur pratique professionnelle. C’est pourquoi les agentes ont entamé une action judiciaire en diffamation publique à l’encontre du DGT et de son adjoint. Cette citation directe a été déposée en justice et elles démontreront à cette occasion que l’intégralité du contenu de ces courriers est inexacte. La première audience pour fixer la date du procès et le montant de la consignation se tiendra le 27 octobre 2020 devant le tribunal correctionnel de Paris.
Les agentes se sont vu refuser la protection fonctionnelle par la DRH…
Nos organisations :
- Soutiennent les collègues et seront à leurs côtés à chaque étape de cette affaire ;
- Exigent de l’autorité centrale et de la ministre l’arrêt de ces pratiques contraires à la convention 81 de l’OIT et à la défense des prérogatives des agent.es de contrôle ;
- Demandent que les collègues bénéficient de la protection fonctionnelle.
Communiqué intersyndical au sein du ministère du travail, 16 octobre 2020 :
« Une sanction qui semble avoir de moins en moins de sens. » …
… C’est la conclusion du reportage de France 3 Champagne Ardenne qui revient sur la sanction de notre collègue. C’est aussi la nôtre : cette sanction n’a jamais eu de sens car Anthony SMITH n’a fait que son travail, en demandant des mesures pour permettre la protection des salariés pendant la crise du COVID.
La Ministre veut « tourner la page », on la comprend car cette « affaire » n’est pas individuelle elle touche directement au sens de notre travail, à l’indépendance de l’Inspection du travail et constitue une attaque de nos missions qui guette tous les agents de ce ministère.
À l’heure où notre ministère nous demande, sur injonction du Ministère de l’Intérieur, d’aller contrôler le port du masque par les salarié.es en entreprise – étrange inversion où l’on voudrait confier un pouvoir de coercition à l’inspection du travail en lieu et place des employeurs alors que notre rôle est d’abord de s’assurer que ces derniers fournissent les moyens de protection nécessaires et les conditions de travail permettant le port effectif des EPI.
À l’heure où la ministre désavoue publiquement son Directeur Général du Travail pour avoir monté un dossier disciplinaire « ni fait ni à faire » dans lequel l’autorité centrale a failli à ses missions de protection de l’indépendance de l’Inspection du travail en relayant des pressions extérieures patronales et politiques, agissements contraires à la convention 81 et au Code du travail.
À l’heure où les services souffrent d’un manque criant d’effectifs et où des baisses pour 2020 sont annoncées dans de nombreux département avec toujours ce ratio absurde d’un agent pour 10 000 salariés, où les services d’activité partielle déjà sur sollicités se trouvent en difficulté pour repérer les fraudes, où tous les services sont sous pression pour « rendre des postes » ou préparer leur transfert à la Préfecture dans le cadre de l’OTE
À l’heure où le code du travail n’est plus la référence de notre ministère, où tout repose sur des fiches pratiques, protocoles ou questions réponses de la DGT et de la DGEFP, affaiblissant l’intelligibilité de la norme pour ceux qui l’appliquent comme pour ceux qui doivent la faire appliquer !
Il faut continuer à nous mobiliser pour défendre nos missions,
nos services déconcentrés, l’Inspection du travail et son indépendance.
Nous disons que 2020 n’est pas une année comme les autres à plus d’un titre et nous appelons les collègues à décider collectivement en assemblée générale locale des actions suivantes comme notamment :
- Continuer d’exiger le retrait de la sanction contre Anthony SMITH en interpelant à chaque occasion (réunions des instances, réunions de service…) l’ensemble des responsables hiérarchiques pour leur rappeler leurs obligations et responsabilité en matière de respect : des missions, des agents, des moyens et de l’indépendance de l’inspection du travail, en demandant à ce que les responsables impliqués dans le relai des pressions indues répondent de leurs actes.
- Garder la main sur l’exercice de nos missions en décidant collectivement et localement des actions pertinentes à mettre en œuvre afin de ne pas se laisser enfermer par des oukases nationaux ou régionaux comme par exemple pendant cette période de crise sanitaire (« actions Covid »…). Cela peut commencer pour ce faire par l’organisation de réunions de pratiques professionnelles entre pairs pour : partager ses préoccupations professionnelles, bâtir un travail collectif sans esprit de compétition entre agents ou services
- Arrêt de la saisie de l’indicateur « Plan d’action » sur Wikit.
Vous trouverez ci-dessous le rapport de la Cour des comptes d’avril 2020, intitulé « LE BILANDE LA TRANSFORMATION DE L’INSPECTION DU TRAVAIL. Exercices 2014 à 2019 ».
Ce rapport est une demande du président la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale formulée par une lettre du 11 juillet 2019, la commission souhaitant voir réalisé une enquête sur les services de l’inspection du travail.
Nous avons analysé ce rapport dans notre tract Toujours plus loin, toujours plus fort dans la destruction d’une inspection du travail au service des salariés
En mai dernier la cour des comptes a publié un rapport intitulé de façon sentencieuse : « LE BILAN DE LA TRANSFORMATION DE L’INSPECTION DU TRAVAIL ». Ce bilan se veut être celui des années 2014-2019. En un mot il s’agit de dresser le bilan de la réforme Sapin intervenue en 2014.
Sans surprise ce bilan est considéré par les rapporteurs comme « encourageant » et allant dans le bon sens. A cet égard le rapport reprend à son compte les éléments de langage de la DGT pour justifier la réforme en arguant d’une action « plus collective », et en justifiant la multiplication des sections spécialisées, ainsi que la remise en cause progressive d’une inspection du travail généraliste, au nom de la « complexité » du monde du travail.
Utilisant les éléments de langage de la novlangue managériale qui a envahi tous les services publics, les rapporteurs situent eux-mêmes cette réforme, « à l’instar des autres services de contrôle », comme une réorientation de l’activité vers des plans d’action prioritaires au nom de « l’homogénéité » et de la « performance collective ». Et, effectivement, nous pouvons lui accorder ce dernier point, même si nous ne l’aurions pas formulé de cette façon, cette réforme n’a rien d’original. Elle se situe dans une réorientation générale de tous les services publics en charge des délinquances complexes (répression des fraudes, services fiscaux), c’est-à-dire de la délinquance en col blanc, vers la valorisation interne de plans d’actions au détriment de la relation de service aux usagers. L’augmentation des échelons hiérarchiques, des managers à temps plein, et autres bullshit jobs, au détriment des agents de terrain, ne fait elle-même qu’accompagner cette tendance de fond.
Mais pour nos rapporteurs tout ceci n’est pas suffisant. « Il convient toutefois de lever certains obstacles pour rendre [la réorganisation] plus efficace et la conforter ». Tel un plan d’ajustement structurel du FMI prévoyant de soigner les dégâts du libéralisme par plus de libéralisme encore, la cour des comptes nous propose « d’affermir » la réorganisation de l’inspection du travail.
De quoi s’agit-il ?
Sans surprise, et dans la continuité des orientations actuelles, le rapport propose encore plus de spécialisation, de faire sauter l’échelon de la section d’inspection, et de renforcer encore le pouvoir hiérarchique sur les agents.
En finir avec la section
Il s’agit donc tout d’abord d’attaquer les deux principes organisationnels actuels, la section généraliste et territoriale. Cette section d’inspection honnie qui permet néanmoins, difficilement, une couverture territoriale de l’ensemble des salariés, une approche globale des situations de travail par son caractère généraliste, et le maintien d’une certaine indépendance et autonomie dans l’organisation du travail vis-à-vis de la hiérarchie. Ce principe d’organisation qui subsiste et permet, tant bien que mal, de tenter de maintenir un service public au service des salariés, voilà l’ennemi pour nos managers-rapporteurs !
Au passage la suppression des sections présente un autre avantage pour la Cour des comptes. Elle permettra une mutualisation complète des tâches au sein des UC et d’invisibiliser les suppressions de postes continues. Ce dernier point est parfaitement et cyniquement identifié par les rapporteurs qui semblent en faire un argument de plus pour supprimer une bonne fois pour toutes la section qui est considérée comme « l’échelon fragile de la nouvelle organisation territoriale ».
Les rapporteurs sont obligés de reconnaître une diminution de 15,7% des sections par rapport au schéma originel (de 2223 à 1874) et les réorganisations permanentes induites du fait des suppressions de postes. Le rapport mentionne « une diminution regrettable des effectifs affectés au contrôle » avec une diminution de 6,5 % d’agents affectés au contrôle (passant de 2031 ETP en 2014 à 1898 ETP aujourd’hui. Parallèlement les assistants ont vu leurs effectifs fondre de 11,3% sur la même période et les agents de renseignement de 11,5%. Au-delà de la politique de réduction des effectifs appliquée « à l’ensemble des ministères », Les rapporteurs poussent l’audace jusqu’à dénoncer « une mauvaise allocation des moyens ». On s’attendrait donc à ce que les effectifs ponctionnés sur les agents de contrôle pour venir grossir les rangs de chefs en tout genre soient dénoncés. Que nenni !
Plutôt que de recruter des agents, ou de redonner des entreprises à contrôler aux RUCS, les rapporteurs ont trouvé la solution : supprimons la section. Tel un médecin cassant le thermomètre pour supprimer la fièvre, les rapporteurs semblent ne pas voir de problème à faire des UC des coquilles vides.
Ultime compromis la suppression des sections est seulement envisagée « à moyen terme », « après avoir expérimenté des modes d’organisation alternatifs dans les territoires où les difficultés pour pourvoir les postes sont les plus marquées. »
Le renforcement de la spécialisation, et le grignotage corrélatif de l’inspection généraliste, se fera par extension de « l’organisation en unités spécialisées, régionales ou infrarégionales à de nouveaux risques ou secteurs professionnels ». (DGT)
Toujours plus de chefferie
Pour accompagner le tout et « affermir » la réforme, le rapport propose de renforcer l’autorité hiérarchique en « confortant l’autorité hiérarchique du RUC ». Pourtant le même rapport est obligé de reconnaître que le RUC est « une autorité qui n’a pas su trouver sa place ». Les rapporteurs ne vont malheureusement pas jusqu’à reconnaître que ce poste, création purement idéologique et coquille vide, fait parti des bullshit jobs qui pourrait être supprimé. Toujours plus d’échelons hiérarchiques reste un principe indépassable. La seule proposition est alors « renforcer sa formation management » et, ultime concession, de permettre, « lorsque les circonstances le justifient, de consacrer une part minoritaire de son activité au contrôle ».
Dans le même ordre d’idée le flicage instauré par les nouvelles règles de « déontologie » est bien évidemment considéré comme un « progrès ». Cette même déontologie qui n’a empêché aucune dérive hiérarchique, aucune pression extérieure indue, mais qui s’est avérée être ce qu’elle est, un outil prédisciplinaire contre l’action des agents et l’action syndicale.
La question de l’indépendance est elle balayée d’un revers de main. Celle-ci est rendue au rang d’une « méfiance culturelle des agents de contrôle vis-à-vis d’une hiérarchie ». Sous-entendu, un archaïsme auquel il convient de mettre un terme, et un procès d’intention vis-à-vis de notre hiérarchie qui a toujours su résister aux pressions patronales et/ou politiques comme le montre toutes les affaires récentes.
On le voit, nous avons bien affaire à un projet politique : la mise à mort définitive d’une inspection du travail territoriale et généraliste c’est-à-dire conçue comme service public au service des salariés. A cet égard la conclusion générale du rapport est parfaitement claire. Contre une inspection du travail dite « traditionnelle » et « défendue par de nombreux agents », l’idéologie managériale relayée par la DGT et la Cour des comptes, défend, elle, un contre-modèle par la promotion d’une administration auto-centrée sur son nombril et la valorisation hiérarchique permanente à grands coups de plan d’actions et de politique du chiffre. Le tout sur fond de renforcement permanent de l’autorité hiérarchique. Tout ceci se fait comme toujours au nom de l’ « efficacité » et de « l’homogénéité ». Mais derrière l’éternel argument de « l’efficacité » nous assistons bien à un changement de modèle, car par quelque bout qu’on le prenne, leur « efficacité » se réduit toujours à de la valorisation interne et à de l’affichage d’une politique du chiffre. Quant à leur « homogénéité » elle signifie toujours en dernier recours, reprise en main hiérarchique et atteinte à l’indépendance des agents. Le point aveugle de cette orientation est comme toujours le rapport à l’usager.