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Entre impuissance publique et autoritarisme hiérarchique : le tournant répressif de notre administration

La réforme se met en place de façon chaotique contre vents et marées.

Les agents sont désormais tenus d’obéir à un RUC, manager à plein temps de leur activité.

Les CT sont pris dans un impossible « choix », soit accepter de prendre en charge les entreprises de +50 soit avoir ni le salaire, ni la formation correspondante ; soit refuser et se voir rendus responsables d’augmenter la charge de travail des IT.

Les IT vont voir leur charge de travail doubler, voire tripler pour une durée indéterminée du fait des intérims qu’on leur demande d’assumer.

Les secrétaires voient leurs conditions de travail se dégrader au sein de pools.

Les suppressions de postes sont continues et programmées sur plusieurs années.

La dégradation des conditions de travail est généralisée et la souffrance au travail des agents également.

La situation actuelle dans notre ministère est explosive et notre administration le sait pertinemment.

Cette réforme, cette dégradation de nos conditions de travail nous les dénonçons et nous les combattons depuis le début.

Ce qui est nouveau c’est l’attitude et la réaction de notre administration face aux résistances que nous menons.

Non contents de faire passer leurs réorganisations en broyant les agents sous « le char d’assaut de l’Etat », notre direction cherche maintenant à briser toute résistance à coups de plainte pénale et de menaces de procédures disciplinaires.

Cette nouvelle orientation répressive s’est illustrée de plusieurs façons ces dernières semaines et a été formalisée dans une intervention de notre DGT en septembre dernier à l’INT intitulée « pour faire vivre notre système d’inspection du travail : travailler mieux ensemble » qui mérite qu’on s’y attarde un peu.

« Là où il y a une volonté il y a un chemin » claironne notre DGT qui, étrangement, n’hésite pas à citer Lénine pour affirmer qu’il passera en force quitte à broyer les agents.

Là où il y a absence de volonté (de faire respecter le droit du travail), il y a un chemin : celui du « dialogue social »

L’intervention de notre DGT commence par un numéro d’autosatisfaction mâtiné d’un peu de pommade pour les agents (pas trop non plus) sur le « professionnalisme des services ».

Dans cet exercice de style, on notera juste le passage se félicitant de l’action des agents concernant le « dialogue social » et le respect du « droit syndical » qui ne manque pas d’humour (ou de culot) involontaire venant de la DGT quand on sait que notre direction n’hésite plus à porter plainte contre les syndicalistes qui dérangent au sein de notre ministère, voire contre une manifestation intersyndicale.

Vient ensuite un discours apologétique de la réforme à travers plusieurs orientations.

Le propos peut se résumer ainsi : Nous n’avons pas les moyens d’exercer notre mission, il faut donc se recentrer sur « les sujets les plus essentiels ». Et l’essentiel c’est nous (la hiérarchie du ministère) qui allons le définir. « Le choix des actions et le choix des entreprises à contrôler doit être la résultante d’un état des lieux et d’une analyse des risques » (p.6). Puisque, c’est bien connu, avant les agents contrôlaient tout et n’importe comment sans aucune analyse des risques. Heureusement que la DGT est là pour recadrer tout ça !

Il faut désormais agir « en système […] et non pas au gré des seules initiatives individuelles ». Au nom de « l’égalité de traitement » la DGT justifie ainsi la dépossession à venir des agents. A cet égard, en Rhône-Alpes notre direction, dans une note du 31 octobre 2014, pousse le délire obsessionnel de contrôle et de flicage jusqu’à demander aux RUC de contrôler tous les courriers entrants et sortants !

En un mot, si vous avez besoin de quelque chose, la DGT vous expliquera comment vous en passer et où aller !

La DGT pousse le bouchon jusqu’à affirmer que cette nouvelle organisation en « système » est pensée pour notre bien, afin de « protéger l’action légitime des agents de l’inspection du travail dans l’exercice de leurs missions quand cette action est en cause ». Il n’est que de rappeler l’inaction de la DGT dans l’affaire TEFAL, pour voir ce qu’il en est réellement de l’action protectrice de la DGT quand un inspecteur est effectivement mis en cause par le patronat dans le cadre de ses missions. Mais si la condamnation des agissements de l’entreprise TEFAL n’est pas « venu(e) en temps voulu » (en fait qui n’est jamais venue), c’est simplement « par manque de fluidité » selon les termes DGT dans le message accompagnant la diffusion de l’avis du CNIT sur cette même page… Ouf ! Tout va bien !

Parallèlement à ce ton martial employé pour défendre la caporalisation de l’inspection, notre DGT emploie un ton nettement plus doux et compréhensif à l’égard du patronat, au nom de l’éternelle tarte à la crème du « dialogue social ».

Concernant le contrôle des TPE celui-ci « reposera de plus en plus sur des actions collectives afin d’impliquer et sensibiliser les professions, en utilisant des méthodes adaptées à cette catégorie d’employeurs ». Exit les plaintes des salariés, vive les actions collectives et la « sensibilisation » adaptée ! Voilà une vision de l’égalité de traitement particulièrement limpide !

D’une façon générale, la DGT acte l’impuissance publique à faire respecter le droit du travail par absence de volonté politique et la dérégulation du droit du travail, d’une expression appelée à faire florès : «la fondamentalisation du droit social ». On peut résumer l’application de ce principe fumeux à nos services de la façon suivante : concentrez votre action de contrôle sur certains droits « fondamentaux » que nous vous désignerons dans le cadre d’actions collectives, le reste relève du « dialogue social » entre partenaires sociaux. Et voilà le problème de la charge de travail et de l’engorgement des services réglé d’un coup de baguette magique.

Et si un salarié impudent venait à se plaindre en dehors de la « fondamentalisation du droit » nous n’aurions plus qu’à lui répondre que sa plainte ne pourra être traitée… au nom de l’égalité de traitement. Elle est pas belle la vie !

Et peu importe si le « dialogue social entre partenaires sociaux » est le cache-sexe idéologique de la dérégulation et de la dépénalisation du droit du travail depuis 30 ans à travers notamment le renversement de la hiérarchie des normes avec priorité à l’accord d’entreprise ; jusqu’à la dernière attaque frontale contre les représentants du personnel à travers la remise en cause des seuils sociaux et du délit d’entrave.

Quand il s’agit d’acter le désengagement de l’État et l’impuissance publique en matière de respect du droit du travail, un peu de novlangue technocratique est toujours le bienvenu.

Là où il y a la volonté de criminaliser l’action syndicale, il y a un chemin : celui du dialogue pénal

Une fois l’apologie de la réforme passée, la DGT passe aux choses sérieuses en diffusant un message très clair : il faut respecter la ligne hiérarchique, aucune résistance à la mise en place de la réforme ne sera tolérée.

Et pour nous faire la leçon comme il se doit, rien de tel qu’un rappel solennel aux « règles déontologiques » version DGT. Notamment :

– rappel du principe de diligence normale avec injonction de répondre à « chaque situation dans les meilleurs délais ». Les services sont exsangues du fait de la suppression continue de postes ? Peu importe la DGT n’hésite pas à menacer ceux qui ne tiendront pas le choc.

– invention du principe « d’entraide entre membres d’un même service », ou comment retourner un appel intersyndical à refuser d’assurer les intérims structurels en une atteinte au « devoir d’entraide confraternelle ». Il fallait oser…

– appel au « devoir de respect des personnes » entre collègues du même niveau mais surtout « entre les agents et leurs supérieurs » bien entendu… Nous ne savons pas si la DGT considère que ce principe s’applique en sens descendant, et donc éventuellement envers un directeur s’autorisant régulièrement à employer un ton insultant envers ses agents (toute ressemblance avec un des directeurs sévissant en Rhône Alpes ne serait que purement fortuite).

– Vient enfin « le respect des obligations de service » qui vient clore ce rappel à l’ordre « déontologique ». Le message de la DGT est ici particulièrement clair et mérite d’être cité tel quel : « La garantie d’indépendance […] s’exerce dans un cadre administratif et d’une ligne hiérarchique. […] De ce point de vue, le refus de participer aux réunions de service, le refus de saisir les informations dans le système d’information ainsi que le refus d’assurer les intérims constituent des manquements graves à des obligations élémentaires dont la finalité est d’assurer la continuité du service public et l’égalité de traitement des usagers. Ces comportements doivent cesser. Il n’est nullement question bien évidemment de remettre en cause la liberté d’action syndicale mais de rappeler que cette liberté s’exerce dans un cadre légal. Les actions qui s’inscrivent dans ce cadre ont leur légitimité, celles qui le dépassent par définition s’en affranchissent elles-mêmes avec toutes les conséquences ».

Les conséquences qui en découlent nous les connaissons :

– plainte au pénal pour dégradation en réunion contre une manifestation intersyndicale qui a osé perturber un séminaire de nos hiérarques à l’INT ;

– menaces de sanctions disciplinaires contre toutes les actions collectives de boycott, devenues soudainement des actions « illégales » à la faveur d’une réinterprétation curieuse des règles déontologiques en règlement intérieur anti-syndicalisme de lutte.

Le message est clair, notre direction sait que la situation est explosive à l’occasion de la mise en oeuvre concrète de la réforme dans les services. Elle fait le choix de l’affrontement et de l’intimidation préventive contre toute volonté de résistance.

Ce rappel à des « règles déontologiques » sous l’aspect « règlement intérieur » est particulièrement indécent quand on connait la souffrance actuelle dans les services.

Absence de volonté à faire respecter le droit du travail et complaisance envers le patronat à l’extérieur, réaffirmation d’un autoritarisme hiérarchique à l’intérieur. Il s’agit bien d’un seul et même mouvement auquel nous sommes confrontés et contre lequel il nous faut lutter.

A nous de continuer la lutte pour défendre nos conditions de travail et le service public sans céder à l’intimidation.

Leur force c’est l’intimidation et les menaces, notre force c’est notre solidarité collective

 
Le tract en pdf: tract-répression-syndicale-ministère-travail