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Intersyndical

Téfal : action mail pour faire réagir le ministère

D’ici le 5 juin 2015, l’intersyndicale nationale CGT, CNT, FO, FSU, UNSA, SUD vous invite tous les jours à vous adresser au Ministre par mail aux adresses suivantes :

  • le cabinet du ministre : cab-ted-inst@cab.travail.gouv.fr
  • le Directeur général du travail : yves.struillou@travail.gouv.fr
  • le DRH : joel.blondel@sg.social.gouv.fr
  • le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales : pierre-louis.bras@sg.social.gouv.fr

pour expliquer votre colère et demander :

« Notre collègue Laura Pfeiffer doit comparaître le 5 juin devant le tribunal correctionnel d’Annecy pour recel et violation du secret professionnel alors qu’elle n’a fait que son travail en dénonçant les pressions exercées par l’entreprise TEFAL.

Je demande au Ministre :

– le soutien public, ferme et entier de M. Rebsamen à notre collègue Laura Pfeiffer ;

– la condamnation des agissements de l’employeur de TEFAL à l’encontre de notre collègue ;

– l’abandon des poursuites pour recel et violation de secret professionnel ;

– le rappel public du principe d’indépendance des agents de contrôle par M.Rebsamen ;

– un courrier du Ministre à Mme Taubira sur les déclarations publiques à la presse du Procureur d’Annecy qui veut « se faire l’inspection » voit dans ce procès l’occasion « d’un rappel à l’ordre pour [notre] corps…» et «…une occasion de faire le ménage » à l’inspection du travail ! ;

– la protection fonctionnelle immédiate pour Laura ;

– la reconnaissance des arrêts de travail de Laura comme accident de service. »

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Articles de presse

Téfal : "une occasion de faire le ménage" dans le corps de l'inspection du travail ?! (Humanité)

Dans cet article, le Procureur qui a donné suite à la plainte de Tefal déclare notamment que c’est « une occasion de faire le ménage » dans le corps de l’inspection du travail !

Voici l’article de Fanny DUMAYROU paru dans l’Humanité le 21/05/2015.

Chez Tefal, les lanceurs d’alerte trainés devant la justice

L’inspectrice du travail qui avait dénoncé fin 2013 les agissements de la société Tefal pour la mettre hors jeu et le salarié de l’entreprise qui lui avait transmis les documents internes prouvant ces manœuvres sont convoqués le 5 juin devant le tribunal correctionnel d’Annecy.
Des victimes qui se retrouvent sur le banc des accusés. Des pots de terre écrabouillés par le pot de fer. À Annecy (Haute-Savoie), l’affaire Tefal tourne en caricature du fonctionnement de la justice. Fin 2013, nous révélions dans nos colonnes, sur la base de documents internes à l’entreprise, comment la direction de l’usine Tefal de Rumilly, près d’Annecy, avait organisé la mise hors jeu d’une inspectrice du travail qui devenait gênante puisqu’elle remettait en cause l’accord sur les 35 heures (voir l’Humanité du 12 décembre 2013). Un an et demi plus tard, l’entreprise n’a toujours pas été inquiétée, pas plus que la hiérarchie de l’inspectrice, qui avait relayé les pressions de Tefal. En revanche, l’inspectrice elle-même, Laura Pfeiffer, ainsi que le salarié de Tefal qui lui avait anonymement transmis les documents explosifs sont cités à comparaître le 5 juin prochain devant le tribunal correctionnel d’Annecy. À la suite de la plainte déposée par l’entreprise, le salarié, qui a depuis été licencié pour faute lourde, se voit reprocher le vol des documents. L’inspectrice est poursuivie pour recel et violation du secret professionnel, pour avoir transmis ces éléments aux syndicats de son corps de métier.

« Le simple fait de comparaître 
est très inquiétant »

Le coup est rude pour les deux personnes dont la situation évoque immanquablement celle de lanceurs d’alerte. « C’est l’arroseur arrosé, c’est violent pour notre collègue et pour toute la profession, dénonce Marie-Pierre Maupoint, inspectrice du travail et porte-parole de SUD travail en Rhône-Alpes. On se demande qui est le délinquant dans cette affaire ! Le jugement n’est pas encore tombé, mais le simple fait de comparaître est très inquiétant. » Alors que Laura Pfeiffer a reçu lundi sa convocation par voie d’huissier, les syndicats CGT, SNU (FSU), CNT, SUD et FO de l’inspection du travail annoncent déjà une journée de grève et un rassemblement devant le tribunal le 5 juin, avec le soutien des unions départementales CGT et FO. « Ce procès est éminemment politique, c’est le procès de notre métier, de l’inspection du travail, démantelée depuis des années par les gouvernements successifs et qui doit faire face aux attaques incessantes du Medef et du patronat à travers la mise en cause de ses agents », estiment-ils dans un communiqué commun publié hier.
En engageant les poursuites contre l’ex-salarié de Tefal et Laura Pfeiffer, le procureur d’Annecy, Éric Maillaud, a opéré un choix, puisque sur son bureau figurent également les deux procédures engagées par l’inspectrice elle-même. Après avoir pris connaissance des fameux documents fin 2013 – échanges de mails entre responsables des ressources humaines et tableau de bord où apparaît un véritable plan d’action pour l’écarter – elle a dressé un procès-verbal contre Tefal pour obstacle à ses fonctions, transmis au parquet en avril 2014. En juillet, elle a aussi porté plainte pour harcèlement contre son directeur qui a relayé les pressions de Tefal et contre la direction régionale du travail, qui refuse depuis des mois la reconnaissance en accident de service d’un arrêt maladie consécutif aux pressions. Les enquêtes sont en cours sur ces deux procédures. Le procureur respecte-t-il simplement un ordre chronologique ? Rien n’est moins sûr. Contacté par l’Humanité, Éric Maillaud se montre très peu choqué par les agissements de Tefal : « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice du travail lui casse des pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord, mais en même temps c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des Bisounours », relativise-t-il, laissant entendre qu’il risque fort de classer sans suite le procès-verbal de l’inspectrice. À propos de la plainte pour harcèlement, il estime que le directeur du travail – qu’il « connaissait bien et qui était un homme charmant » – pourrait être plus la victime que l’auteur du harcèlement. Rappelant le principe de l’opportunité des poursuites – la liberté pour le parquet d’engager des poursuites ou pas –, le magistrat dit avoir « beaucoup hésité à poursuivre une inspectrice du travail », mais le fait qu’elle ait « arrosé tous les syndicats » de documents « obtenus de manière frauduleuse » lui paraît inadmissible : « On n’en est qu’au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage. »

L’article en pdf : Téfal-une-occasion-de-faire-le-ménage-humanité

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Intersyndical Rhônes-Alpes

L’inspectrice du travail de Tefal renvoyée en correctionnelle pour avoir fait son travail !

Nota : un appel des organisations syndicales nationales du ministère du travail est intervenu depuis la rédaction de cet appel régional.

Organisations syndicales de la DIRECCTE Rhône-Alpes : CGT – FSU – CNT – SUD – FO

Notre collègue, inspectrice du travail de Haute Savoie, vient de recevoir une citation à comparaitre au tribunal correctionnel d’ANNECY le 5 juin 2015 à 14h00 en tant que prévenue pour recel (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende !) et violation du secret professionnel (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende !) à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise TEFAL.

  • Après avoir été décrédibilisée, isolée, humiliée et mise sous pression par sa direction à la demande de TEFAL, le tout sous la surveillance des services des renseignements généraux de la préfecture de Haute-Savoie…
  • Après plusieurs mois d’arrêts maladie dus à la violence de la pression subie et avoir été placée dans l’impossibilité de poursuivre son contrôle de l’entreprise TEFAL…
  • Après avoir subi l’acharnement de la DIRECCTE et du ministère refusant de reconnaitre son accident de service et alors qu’elle lutte encore pour le faire reconnaitre via le tribunal administratif…
  • Après leurs menaces contre son avenir professionnel pour avoir osé révéler ce dont elle était victime en saisissant le CNIT, qui a fini, après enquête, par lui donner raison…
  • Après que le CNIT a rendu un avis particulièrement cinglant le 10/07/2014 dénonçant les pressions indues exercées par Tefal sur notre collègue IT et l’absence de réaction de la hiérarchie…
  • Après deux ans de souffrance et avoir eu le courage de retourner faire son travail dans l’entreprise TEFAL et constater les infractions pour lesquelles elle avait été évincée…

… Notre collègue est poursuivie aujourd’hui par le parquet d’ANNECY à la demande de TEFAL pour avoir fait son travail et dénoncé l’obstacle à ses fonctions.

Tandis que la hiérarchie n’a toujours pas condamné publiquement les agissements de l’entreprise TEFAL et continue de lui faire des cadeaux, en refusant notamment de suivre les rapports alarmants de l’inspection du travail, TEFAL veut écraser notre collègue avant que les projecteurs ne soient braqués sur ses agissements et les infractions qu’elle a commises au détriment des travailleurs.

L’entreprise tente de se faire passer pour une victime avant d’être jugée pour avoir voulu évincer l’inspection du travail de l’entreprise et continuer de violer en toute impunité les droits des travailleurs et le code du travail.

Ce procès est éminemment politique ! C’est l’éternel bras de fer entre David et Goliath, entre ceux qui font respecter le droit du travail et ceux qui le violent. C’est également le procès de notre métier, de l’inspection du travail, démantelée depuis des années et qui doit faire face aux attaques incessantes du MEDEF et du patronat à travers la mise en cause de ses agents (Indre, Marteau…).

Les organisations syndicales soutiennent notre collègue inspectrice du travail, dénoncent ces attaques et appellent tous les agents du ministère à se mettre en grève et à se rassembler le 5 Juin 2015 à 13h30 devant le tribunal correctionnel d’Annecy pour protester contre cette énième tentative de détruire notre collègue et d’humilier nos services.

Elles appellent également les collègues qui ne pourraient pas se déplacer à organiser localement des manifestations de soutien dans les régions les plus éloignées.

Nous demandons au RUT, DIRECCTE, DGT et au Ministre du Travail de condamner publiquement et fermement cette attaque contre notre collègue et nos missions et de lui procurer les moyens d’assurer sa défense (protection fonctionnelle).

Soyons solidaires et unis pour défendre notre collègue et une inspection du travail au service des salariés.

 

Le tract intersyndical en pdf : TEFAL veut écraser l’inspection du travail

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Articles de presse

A l’inspection du travail, la casserole Tefal

Article de Luc Peillon paru dans le journal Libération daté du 15/10/2014
Pour avoir mis en cause l’accord sur les 35 heures, Laura Pfeiffer subit les pressions conjuguées de son administration et de la société d’électroménager. «Libération» a eu accès à un document embarrassant pour la hiérarchie de la jeune femme, comme pour l’entreprise.
L’inspectrice du travail, son chef, la taupe et le DRH: c’est le quatuor du rocambolesque feuilleton qui, depuis un an et demi, met sens dessus dessous l’administration du travail de Haute-Savoie. L’histoire, dite «affaire Tefal», oppose une jeune inspectrice à son supérieur hiérarchique… lui-même allié à la direction de l’entreprise d’électroménager. Elle rebondit aujourd’hui avec un nouvel élément dont Libération a eu connaissance, et qui illustre de façon inquiétante les relations parfois obscures entre entreprises et administration du travail. Et, accessoirement, le peu de soutien dont les agents de terrain bénéficient de la part de leur ministère.
L’affaire, dévoilée par l’Humanité, commence en janvier 2013. Une jeune inspectrice du travail, Laura Pfeiffer, est sollicitée par un syndicat de l’entreprise Tefal, implantée dans la banlieue d’Annecy. Avec près de 2000 salariés, la boîte est l’un des plus gros employeurs de la région. Alors que la direction veut modifier le contrat de travail de certains employés, l’inspectrice découvre une irrégularité dans l’accord 35 heures signé treize ans plus tôt. Elle demande sa renégociation avec pour conséquence éventuelle de transformer…
L’article en intégralité en pdf : « A l’inspection du travail, la casserole Tefal » Libération 20141015

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Textes du patron

Affaire Téfal : la réaction du Ministère du travail à l'avis du CNIT

Le DGT Yves Struillou bredouille une réponse tentant de dédouaner le Ministère du travail du rôle du responsable de l’Unité territoriale et de l’absence total de soutien de l’administration centrale.
« 3. Sur la protection contre les interventions indues et le rôle de la hiérarchie
Le CNIT rappelle que les garanties d’indépendance n’ont pas pour effet de priver l’autorité hiérarchique de son pouvoir de contrôle des activités de l’inspecteur du travail. Le conseil distingue le rôle de supervision de la conformité au droit des positions de l’inspecteur du travail de celui de co nseil aux inspecteurs en matière de stratégie de contrôle.
Le contrôle du respect par l’inspecteur du travail du principe de la séparation des pouvoirs – qui réserve au seul juge le droit de constater la nullité d’un accord collectif – fonde l’intervention du responsable de l’unité territoriale.
S’agissant de la protection contre les interventions indues, le Conseil constate que l’entreprise et l’organisation patronale ont tenté d’obtenir le changement d’affectation de l’inspectrice du travail. Après avoir acté que ces tentatives ont été infructueuses, il regrette que dès lors qu’elles ont été rendues publiques, aucune intervention publique des autorités administratives ou de l’autorité centrale de l’inspection du travail ne soit
venue les condamner et rappeler les principes en droit interne et international qui garantissent l’indépendance de l’inspection du travail.
Si je ne peux que condamner la tentative de l’entreprise et de son organisation patronale, je constate que cette condamnation par l’autorité centrale n’a pas pu avoir lieu en temps voulu du fait de l’ouverture d’une en
quête judiciaire et de la saisine du CNIT. Une plus grande fluidité des relations entre l’inspecteur du travail et la hiérarchie du système d’inspection du travail aurait permis une intervention plus prompte et plus efficace permettant de rappeler publiquement le principe de la liberté de décision.« 
Le commentaire de la DGT sur l’avis du Conseil national de l’inspection du travail adressé aux Direcctes en pdf : DGT_avis_CNIT
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Articles de presse Rhônes-Alpes

Téfal a bien tenté d'écarter l'inspection du travail

Article paru dans l’Humanité datée du 23 septembre 2014.
 

Le conseil national de l'inspection du travail confirme que l'inspection du travail a bien fait l'objet de pressions de la part de Téfal et du Medef local.
Le conseil national de l’inspection du travail confirme que l’inspection du travail a bien fait l’objet de pressions de la part de Téfal et du Medef local.

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Bas-Rhin – Strasbourg En région Rhônes-Alpes Tracts

Affaire Téfal, le CNIT rend son avis: «Oui mais non, bien au contraire…»

Dans son délibéré publié le 18/09/2014, le Conseil National de l’Inspection du Travail (CNIT) vient de donner son avis sur l’ « affaire TEFAL ». Rappelons que le CNIT était saisi de cette affaire pour répondre en gros aux questions suivantes :

y-a-t-il eu tentative d’atteinte à l’indépendance d’une inspectrice du travail de Haute-Savoie par le biais d’une « influence extérieure indue » de l’entreprise TEFAL et du MEDEF local afin de contrer son action de contrôle de l’entreprise TEFAL ? Cette pression extérieure a-t-elle été répercutée en interne par la direction de l’UT ?

Disons le tout de suite, cet avis, mi-chèvre mi –chou (ou mi-figue mi-raisin, au choix), réussit le tour de force de pointer la responsabilité de l’administration… tout en faisant son maximum pour la dédouaner de l’accusation d’avoir relayé une « influence extérieure indue ».

Regardons tout cela plus en détail.

Le silence pesant de l’administration…

Dans une première partie, à la question « y-a-t-il eu des pressions extérieures indues ? », le CNIT répond clairement : OUI.

« Dans l’affaire en cause, tant l’entreprise que l’organisation patronale qu’elle a sollicitée ont cherché à porter atteinte à ces exigences en tentant d’obtenir de l’administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d’affectation de l’inspectrice et par là-même la cessation de l’action de contrôle à l’égard de l’entreprise ».

Vient alors la question de l’attitude de notre administration face à ces pressions.

A cet égard le CNIT considère « qu’il est regrettable que, dès lors qu’elles ont été rendues publiques, aucune intervention publique des autorités administratives ou de l’autorité centrale de l’inspection du travail ne soit venue les condamner et rappeler les principes de droit interne et international qui garantissent l’indépendance de l’inspection du travail, qu’il s’agisse tant des règles relatives à la mobilité géographique des inspecteurs du travail que de leur protection contre les influences extérieures indues.».

Ce faisant le CNIT pointe clairement l’attitude de la totalité de la ligne hiérarchique : directeur départemental, directeur régional, DGT et Ministre.

Dans un contexte avéré de tentative d’atteinte à l’indépendance d’une inspectrice, le silence persistant de l’administration, alors même que l’indépendance de l’inspection était gravement mise en cause, a fini par devenir assourdissant. A tel point que même le CNIT s’en étonne et ajoute : « Le système de l’inspection du travail ne peut fonctionner que si la hiérarchie soutient et protège les inspecteurs au regard de potentielles influences extérieures indues. »

Or la seule préoccupation et intervention de la hiérarchie dans cette affaire peut se résumer de la façon suivante : chaque échelon hiérarchique soutient celui du dessous, et l’ensemble de la chaîne, pour sauver le directeur de l’UT et enfoncer notre collègue inspectrice.

Car si notre administration est restée silencieuse pour défendre l’indépendance de l’inspection, elle n’a pas ménagé ses efforts en interne pour essayer d’étouffer l’affaire y compris dans ses quelques réponses aux journalistes qui l’interrogeaient.

S’il est des silences qui finissent par devenir assourdissants, face à l’évidence des pressions, qui ne dit mot consent.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.

La deuxième partie de l’avis du CNIT commence par relever que le principe d’indépendance des inspecteurs dans leur action de contrôle n’a pas pour effet de priver l’autorité hiérarchique « notamment au regard de leurs fondements juridiques ». En particulier « si un inspecteur du travail peut porter une appréciation sur la licéité d’un accord d’entreprise, il n’appartient qu’à l’autorité judiciaire d’en prononcer la nullité ».

Certes mais de quoi parle-t-on ?

Probablement de l’avis lapidaire contre notre collègue produit au CNIT par la DGT (signé du DGT récemment nommé au poste Yves Struillou, par ailleurs membre du CNIT au moment de la saisine). Dans son courrier la DGT a ainsi cru bon de descendre l’inspectrice en expliquant qu’elle se serait substituée au juge en donnant son avis sur la licéité d’un accord sur les 35 heures chez TEFAL. Car il faut peut-être le rappeler, à l’origine des foudres de TEFAL il y a l’examen d’un accord d’aménagement du temps de travail de cette entreprise sur demande des organisations syndicales de la boîte. L’inspectrice en cause a alors relevé un certain nombre d’irrégularités dans l’accord et a effectivement informé l’entreprise de ces irrégularités en donnant son avis sur sa légalité de l’accord comme tout agent de contrôle peut être amené à le faire lorsque nous sommes saisis par des salariés ou des organisations syndicales sur le sujet.

Ce qu’il faut retenir de ce passage n’est donc pas que seule l’autorité judiciaire peut prononcer la nullité d’un accord, ce qui est évident, mais que l’inspectrice était légitime à donner son avis sur l’accord après avoir été sollicitée par les organisations syndicales, contrairement a ce que pense notre DGT, et qu’elle n’a pas, par cet avis, outrepassé ses prérogatives professionnelles.

En outre « c’est à tort que, lors du même entretien, le responsable de l’unité territoriale a reproché à l’inspectrice du travail un contrôle inopiné au sein de l’entreprise en cause ».

OUI rappelle le CNIT (qui cette fois répond à une question de la saisine) nous pouvons rentrer dans un établissement sans prévenir la direction pour réaliser, si cela est nécessaire, un contrôle inopiné en un lieu précis de ce même établissement.

De même « les griefs formulés par des responsables de l’entreprise mettant en cause l’impartialité de l’inspectrice du travail accusée d’avoir fait preuve d’acharnement à son encontre sont dépourvus de fondement ».

Notre collègue n’a donc pas commis de faute professionnelle. Il est bon de le rappeler, compte tenu de la diabolisation, orchestré par le RUT du 74 en premier lieu et relayé par le DIRECCTE dans un second temps.

Faites ce que je dis mais faites ce que je dis

Si le rappel sur le droit de regard hiérarchique ne vise pas l’action de l’inspectrice, il vient avant tout répondre à une demande de la DGT faite en conclusion de son mémoire qui souhaitait : « dans le cadre des débats en cours à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de l’inspection du travail, [que soit] rappelé à tous les contours de l’exercice hiérarchique dans le système d’inspection du travail et les exigences découlant du respect qui s’impose à tous les agents publics du cadre institutionnel ».

Il vise ensuite directement le recadrage violent subi par l’inspectrice de la part de son directeur d’UT.

En langage diplomatique, l’avis du CNIT nous dit qu’en l’espèce l’exercice du pouvoir hiérarchique du RUT n’avait précisément aucun fondement juridique mais visait simplement à arrêter l’action de contrôle puisqu’il note que l’inspectrice a pu avoir « le sentiment qu’il était porté atteinte à son indépendance et à sa libre décision, en raison des motifs pour lesquels cette action a été contestée (contestation de la « stratégie de contrôle » et non des fondements juridiques de la démarche) d’une part et des termes très vifs de l’échange, qui ne répondaient pas aux conditions normales d’un entretien professionnel. »

En d’autres termes et en résumé pour le CNIT: OUI l’autorité hiérarchique peut avoir un regard sur l’action des agents sans contrevenir à leur indépendance pour peu que ce regard réponde à des considérations juridiques et/ou relève du conseil. Mais NON l’entretien menaçant et hurlant subi par l’inspectrice n’avait justement pas pour objet un sympathique échange professionnel ou une discussion juridique mais une volonté de « contester la stratégie de contrôle » !

Ainsi selon le CNIT, au vu de la teneur de l’entretien, l’inspectrice a pu légitimement avoir le sentiment qu’il était porté atteinte à son indépendance.

D’une façon générale le CNIT recommande alors « que l’attention des responsables hiérarchiques et des inspecteurs du travail soit appelée sur la distinction entre l’action de conseil aux inspecteurs qu’ils sont en droit de donner en matière de contrôle, et l’action de supervision qui doit être circonscrite aux fondements juridiques des actes ».

En ce qui nous concerne, et pour reprendre les termes de la DGT qui lie cette affaire à la réforme de l’inspection du travail, « dans le cadre des débats en cours à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de l’inspection du travail » nous serions également tentés de faire la même recommandation à tous les futurs DUCs qui s’apprêteraient à faire du zèle.

On se fait un bisou et on oublie tout ?

Après tout ça on s’attendrait en toute logique que le CNIT dénonce le relais des pressions extérieures indues de TEFAL et du MEDEF par notre hiérarchie. Et bien non !

Dans un exercice de haute voltige, qui nous a fait craindre un claquage dialectique en plein vol, le CNIT décrète soudain que « l’intervention du responsable d’unité territoriale […] n’avait pas pour objet et n’a pas eu pour effet de modifier les suites données par l’inspectrice du travail ».

Donc recadrer un agent « en des termes très vifs ne répondant pas aux conditions normales d’un entretien professionnel» (en Hurlant pendant 1h30 sur un agent) en « contestant sa stratégie de contrôle » (en lui donnant une semaine pour revoir sa position à l’égard de TEFAL) n’aurait pas pour objet de « modifier les suites données par l’inspectrice du travail » (en fait d’empêcher que le contrôle n’ait lieu).

On peut donc avoir le sentiment légitime de subir une pression sans que cela en soit une, saperlipopette! On croit rêver. Mais quel était donc l’objectif de l’entretien alors ?

Ainsi, si le CNIT déclare que cet entretien ne s’est pas déroulé dans des « conditions normales », il prend soin de l’extraire de son contexte pour en désamorcer la charge explosive.

Il est effectivement bien dommage que le CNIT n’ait pas rappelé le contexte dans lequel intervient cet entretien. On peut ainsi regretter qu’il n’ait pas relevé la coïncidence troublante entre un rendez-vous le 18 avril 2013 entre la direction de TEFAL et le directeur de l’UT, et le recadrage violent subi par l’inspectrice le lendemain matin le 19 avril 2013. Quelle troublante coïncidence, nous en sommes encore tout troublés ! Des esprits mal intentionnés et retords (comme nous) pourraient en être troublés au point de penser que la direction de l’UT a ainsi relayé les pressions de TEFAL. Mais tout ça n’est probablement que purement fortuit.

Il est également bien dommage que le CNIT n’ait pas pris la peine de répondre à toutes les questions de la saisine notamment : le RUT peut-il recevoir une entreprise sans en avertir l’inspecteur du travail ? Le RUT peut-il condamner le comportement professionnel d’un inspecteur du travail sans avoir au préalable communiqué au dit inspecteur les plaintes qu’il aurait reçu, ni entendu les explications de ce dernier ? Car c’est aussi ce qui s’est passé, sauf qu’il n’y a pas eu de plainte officielle de l’entreprise, comme cela arrive souvent, juste « un contact » en off de plusieurs mois avec le RUT et le préfet…

Mais le CNIT a certainement raison, convoquer un inspecteur du travail, le lendemain de la visite de l’entreprise à l’insu de l’inspecteur, pour lui reprocher, en lui hurlant dessus, son action et sa stratégie de contrôle dans cette même entreprise ne doit pas avoir pour objet de chercher une modification de l’action de l’inspecteur… Car oui, dire explicitement, en plein renforcement de la ligne hiérarchique, que la hiérarchie est du côté des patrons ça la foutrait un peu mal.

Enfin, il est bien dommage que le CNIT ne se soit pas prononcé sur les missions du RUT et sur la proximité entre certaines entreprises et les services des renseignements généraux. Fait-il parti des missions du RUT de démarcher les entreprises contrôlées par les agents de l’inspection pour placer des jeunes en stages en leur sein ? Et est-il normal que les entreprises de Haute-Savoie obtiennent du préfet la surveillance des inspecteurs du travail par les services des renseignements généraux ?

De plus, le CNIT prend soin également de ne pas décrire « les effets » qu’a eu cet entretien sur l’inspectrice du travail, soit l’abandon du contrôle annoncé à l’entreprise sur la durée du travail des salariés, du fait des irrégularités constatés dans l’accord d’aménagement du temps de travail, la création d’un sentiment d’illégitimité à poursuivre son action de contrôle dans l’entreprise entrainant l’abandon par cette inspectrice des dossiers en cours d’instruction (ATs – entrave CHSCT – chantier Amiante), et la détérioration de sa santé se traduisant concrètement par un arrêt de travail pour accident de trois mois…

De qui se moque-t-on en disant que l’entretien n’a pas eu « pour effet de modifier les suites données par l’inspectrice du travail »?

Ainsi, selon le CNIT, tout au plus nous serions face à une « défiance réciproque » inexplicable et inexpliquée. On préserve ainsi l’intégrité de l’autorité hiérarchique en renvoyant à un conflit de personne. Et le CNIT de conclure dans un lénifiant appel « au respect mutuel » : faites vous un bisou et on oublie tout !

On le craignait, et nous voyons ici clairement les limites politiques du CNIT :

– Le CNIT peut dire qu’il y a eu des pressions extérieures indues.

– Le CNIT peut s’étonner que notre hiérarchie n’ait pas joué son rôle en ne dénonçant pas ces pressions

– Le CNIT peut relever que le directeur de l’UT a outrepassé l’exercice normal son pouvoir hiérarchique en contestant la stratégie de contrôle de notre collègue.

– Le CNIT peut rappeler que notre collègue n’a pas commis de faute professionnelle dans l’exercice de sa mission.

– Le CNIT peut reconnaître que dans ce contexte l’inspectrice a pu légitimement avoir le sentiment qu’il était porté atteinte à son indépendance

Mais après avoir dit tout ça, dans un revirement presque désespéré, le CNIT ne peut pousser l’audace jusqu’à dire que notre hiérarchie a répercuté des pressions extérieure indues.

Tant et si bien que l’on peut résumer cet avis de la façon suivante :

« Quand on voit ce qu’on voit, vous avez raison de penser ce que vous pensez

mais nous ne pouvons nous permettre de le penser tout haut avec vous ».

L’avis du CNIT : Avis du Conseil national de l’inspection du travail – Téfal

Le tract en pdf: tract avis CNIT Téfal

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Articles de presse Rhônes-Alpes

« Ils font craquer les patrons »

Article paru dans Liaisons sociales Magazine de juin 2014, dans le dossier « Ils font craquer les patrons ».

Inspectrice sous pression

La garante du Code du travail

Cette inspectrice du travail à l’Unité territoriale de Haute-Savoie ne s’exprimera pas. « Elle estime n’avoir fait que son travail », lâche un collègue. Ce n’est pas l’avis de la DRH de Tefal (1600 salariés) à Rumilly. Elle «nous inonde de 
courriers sur tous les sujets depuis janvier 2013″, écrit-elle dans un document interne décrivant le plan d’action pour contrer la fonctionnaire, dont ce rendez-vous le 18 avril 2013 avec son supérieur hiérarchique, cette nouvelle conversation avec lui le 25 mai commentée d’un «on attend de voir si son action porte ses fruits »… Dévoilées par la CNT Travail puis l’Humanité mi-décembre, ces pièces éclairent l’affaire divisant l’UT 74. Puisque, au lendemain de son entrevue avec Tefal, le directeur départemental du travail a demandé à l’inspectrice de revoir sa position sur l’interprétation de la légalité de l’accord de RTT, dont elle avait demandé la renégociation.

Une mise en garde mal vécue l’intéressée, placée en arrêt de travail trois mois. Une atteinte au principe d’indépendance
pour les syndicats d’inspecteurs (CGT, FSU, CNT et SUD), qui en ont fait un symbole fin 2013, comme ceux de Tefal.

« Si on enlève toute autorité aux inspecteurs, quel recours reste-t-il aux salariés dont les droits sont bafoués? » vitupère 
son DSC CGT une pétition de 360 salariés à la main. « Quand un inspecteur du travail est incriminé par une entreprise,
l’autorité administrative dolt organiser, en toute transparence une confrontation contradictoire entre les parties. Ce n’a pas été fait», note le Snutef FSU, en pointant les tiraillements de l’administration entre ses missions emploi et contrôle. L’inspectrice, en temps partiel thérapeutique, attend l’avis du Consell national de l’inspection du travail, qu’elle a saisi, pour retrouver sa crédibilité d’intervention.
 
L’article en pdf : Droit_des_salaries_resistants_enquete_LS_magazine_06_2014_CNT-TAS

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Articles de presse

La dernière digue menacée

Un article de Fanny Doumayrou paru dans l’Humanité daté du 4 février 2014
 
Les inspecteurs du travail étaient en grève hier contre la réforme de leur secteur. Ils craignent une réduction des moyens et des marges de manœuvre pour faire appliquer le droit du travail.

«Vous êtes souvent la dernière digue, c’est pour cela qu’on est solidaire du combat qui est le vôtre », lance Laurent Degousée, militant de SUD commerce, à Paris. Hier midi, quelque deux cents agents de l’inspection du travail d’Île-de-France, appelés à la grève par les syndicats CGT, FO, SNU (FSU) et SUD, se sont rassemblés aux abords de l’Assemblée nationale, où sera discuté, dès demain, le projet de loi qui va bouleverser le fonctionnement de leurs services.

De nouveaux pouvoirs, vraiment ?

C’est l’aspect de la réforme que le ministre du Travail, Michel Sapin, met en avant. Selon lui, le projet donne de nouveaux pouvoirs aux agents de l’inspection, qui se plaignaient, justement, du manque de pouvoirs directs sur les entreprises bafouant le Code du travail.

Jusque-là, ils pouvaient dresser des procès-verbaux transmis à la justice, mais les deux tiers étaient classés ou perdus de vue, sans parler de la faiblesse des condamnations, quand l’employeur était jugé. Le projet de loi crée deux nouveaux leviers face aux employeurs : une amende administrative jusqu’à 2 000 euros par salarié pour certaines infractions, et une possibilité de transaction, consistant, une fois le procès-verbal dressé, à « négocier » une amende pour éviter un procès. Mais ce sont les directeurs régionaux du travail (Direccte) qui auront la main sur ces dispositifs.

La suite de l’article sur l’inspection du travail

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L'affaire Tefal agite les inspecteurs du travail

Un article de Rachida El Azzouzi paru sur le site Mediapart le 3 février 2014

En Haute-Savoie, la direction du groupe Tefal a fait pression sur la hiérarchie d’une inspectrice du travail pour l’écarter et obtenu gain de cause. Pour les inspecteurs, c’est un signal d’alarme, alors que le plan Sapin, qui entend justement placer leur hiérarchie en position d’arbitre, arrive jeudi à l’Assemblée.

Les agents de l’inspection du travail ne décolèrent pas contre leur ministre de tutelle, Michel Sapin. Alors que doit s’ouvrir jeudi 5 février à l’Assemblée nationale le débat autour du projet de loi sur la formation professionnelle, dans lequel est noyé le très décrié projet de réforme des services de l’inspection du travail (lire ici notre article), ils ont entamé ce lundi 3 février une semaine de grève, ponctuée de manifestations, à travers la France comme à Paris devant l’Assemblée. Objectif : alerter les parlementaires sur « les dangers » du plan Sapin, massivement rejeté en interne il y a un an.

L’une de leurs grandes craintes porte sur la disparition programmée des sections d’inspection du travail actuelles (un inspecteur, deux contrôleurs, deux secrétaires intervenant en toute indépendance, dans un secteur géographique délimité) au profit d’unités de contrôle (UC) de 8 à 12 agents encadrés par un DUC dans la novlangue du ministère, un supérieur hiérarchique qui, fait nouveau, aurait lui aussi des pouvoirs de contrôle dans les entreprises. Pour les agents, il s’agit là ni plus ni moins d’un coup porté à leur indépendance, pourtant garantie par l’article 6 de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui les place à l’abri de toute pression externe ou intervention indue, qu’elles émanent du patronat ou du pouvoir politique.

« Demain, le directeur d’UC pilotera et animera l’unité de contrôle, c’est-à-dire qu’il sera chargé d’orienter l’action de contrôle en fonction des priorités politiques du ministère et de mettre au pas les plus récalcitrants vis-à-vis des programmes de contrôle décidés par la hiérarchie sans lien avec les problématiques de terrain. Il disposera de pouvoirs de contrôle et pourra donc intervenir sur un dossier ou dans une entreprise pour se substituer à l’inspecteur ou contrôleur », dénoncent dans un communiqué commun les syndicats des services de l’inspection du travail de la région Rhône-Alpes (CGT, FSU, SNU-Tefe, FO, CNT et Sud).

Les syndicats rhônalpins sont particulièrement mobilisés. Et pour cause. À Annecy en Haute-Savoie, où ils ont organisé ce lundi 3 février une manifestation devant le siège du Medef rassemblant 150 personnes, ils viennent d’expérimenter cette dérive que la réforme pourrait généraliser. C’est « l’affaire Tefal », une histoire édifiante de pression patronale sur une inspectrice un peu trop regardante par l’intermédiaire de sa hiérarchie. Révélée par le journal l’Humanité en décembre dernier, l’affaire, embarrassante pour le ministère du travail qui refuse de s’exprimer sur le sujet, a conduit à la saisine du Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) début décembre.

L’instance de “sages”, qui veille à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées en toute impartialité, mène actuellement une enquête administrative pour statuer sur le relais par la hiérarchie de cette éventuelle pression extérieure indue laquelle, si elle était confirmée, constituerait une violation de la convention 81 de l’OIT.

Les faits remontent au 19 avril 2013. L’inspectrice du travail chargée de l’entreprise Tefal, l’un des plus gros employeurs de Haute-Savoie avec 1 800 salariés, filiale du groupe Seb basé à Rumilly, près d’Annecy, est convoquée par son supérieur hiérarchique, le directeur départemental du travail, Philippe Dumont. Entre quatre yeux, durant 2 h 20, ce dernier lui reproche de « mettre le feu dans cette grosse entreprise » en voulant renégocier l’accord sur la réduction du temps de travail, qu’elle juge illégal, après s’être penchée sur le texte à la demande des représentants du personnel de l’usine.

Il lui intime l’ordre de revoir sa position rapidement, lui rappelle qu’elle est en début de carrière. L’inspectrice lui demande s’il s’agit de menaces, de pression ou de chantage. Il répond qu’elle n’a qu’à le prendre comme elle veut mais qu’il s’agit d’une mise en garde. La jeune femme ressort du bureau « démolie, complètement déstabilisée », témoigne un de ses collègues. Son médecin l’arrête quelques jours. Elle reprend du service avant de retomber en arrêt maladie en juin, cette fois pour une longue durée.

En octobre dernier, un courriel anonyme adressé à l’inspectrice du travail relance l’affaire : « Je suis en possession de documents hyperconfidentiels, prouvant que vous avez été victime de pression, je sais que le groupe SEB et la société Tefal ont exercé via des personnes du Medef une pression sur votre responsable, M. Dumont, afin qu’il vous fasse taire », écrit le mystérieux lanceur d’alerte avant de fournir des documents accablants issus du service de ressources humaines de Tefal, notamment des échanges de mails internes sur plusieurs mois que Mediapart s’est procurés et publie ci-après.

On y découvre l’étendue de la pression exercée sur l’inspectrice ainsi que le profond mépris de la direction de Tefal pour l’administration du travail. On y apprend aussi que la direction, par le biais de son directeur des ressources humaines, Dan Abergel, a rencontré le 18 avril Philippe Dumont, le directeur du travail, à la veille donc de l’entretien musclé de ce dernier avec sa subordonnée.

«Tefal a même eu recours aux services de la DCRI !»

Trois documents retiennent tout particulièrement l’attention. Il y a d’abord la copie de cet échange de mails envoyé le 28 mars par Aurélie Rougeron, une responsable du service des ressources humaines de Tefal au DRH, Dan Abergel : « J’ai échangé avec P. Paillard (un responsable de l’UIMM, le patronat de la métallurgie, ndlr) au sujet de l’inspectrice. Il me dit que le DDTE (directeur départemental du travail et de l’emploi, ndlr) a le pouvoir de la changer de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre. Intéressant, non ? » Le DRH lui répond qu’il faut « prendre RDV avec Dumont » et « voir le préfet ».

Quelques mois plus tard, le 26 juillet, ce dernier se fend d’un autre mail, cette fois à Patrick Llobregat, président de Tefal, et à d’autres dirigeants du groupe. Il a pour objet « nouvelles du front », fait le point sur plusieurs dossiers, dont « deux infos importantes » obtenues « par le biais de nos interlocuteurs au Medef ». Un paragraphe concerne l’inspectrice : « Notre inspectrice du travail est depuis quelques semaines en arrêt pour “pression psychologique”. De plus, il semble qu’elle ait attaqué Dumont en justice sur le sujet (info confidentielle du Medef). Entre nous, quand on connaît Dumont, c’est plutôt le profil du harcelé que du harceleur… Je pense donc que si elle revient, nous devrons être extrêmement vigilants. »

Autre document aggravant : un tableau Excel nommé « Capteurs sociaux » que vous pouvez consulter ici. Il consigne « les faits marquants », « les points de vigilance » au sein de l’entreprise mois après mois : les accidents du travail, les ruptures conventionnelles, les conflits collectifs… et les relations avec l’inspection du travail. Chaque événement est frappé d’une couleur selon le « degré de risque ». « Vert (aucun risque), orange (à surveiller), rouge (danger), noir (danger +) », précise tout en bas la légende. Figure ainsi, en noir, soit « danger + », le « courrier de l’inspectrice remettant en cause l’accord 35 heures » ; dans la colonne « mode de fonctionnement de l’inspectrice du travail », en rouge, soit « danger » : « elle nous inonde de courriers sur tous les sujets depuis janvier 2013 ».

Ce fichier met précisément au jour les pratiques et les méthodes de Tefal pour se débarrasser de l’inspectrice du travail au fil des mois. La direction a même été jusqu’à solliciter le 5 avril un « entretien avec Carole Gonzalez, des renseignements généraux » à propos du « comportement de l’inspectrice » avant de rencontrer le 18 avril le directeur départemental du travail, M. Dumont, qui recadrera le lendemain, 19 avril, l’inspectrice… Le 25 mai, on découvre aussi cette précision : « conversation avec Dumont : on attend de voir si son action porte ses fruits. »

La direction de Tefal, qui n’a jamais démenti les pressions ni les documents révélés dans la presse, refuse de commenter ce dossier. Elle balaie le sujet d’un laconique : « Il n’y a pas d’affaire. » « Les syndicats de salariés de Tefal ont été entraînés dans un débat qui n’est pas le leur. Ils ont été instrumentalisés par les syndicats de l’inspection du travail qui cherchent par tous les moyens à dire leur opposition au projet de réforme de leur ministère », avance son service de communication. Pourtant, en interne, la direction prend « l’affaire » très au sérieux, et cherche à identifier par tous les moyens le mystérieux informateur. Début janvier, elle a saisi une douzaine d’ordinateurs pour analyser les disques durs et porté plainte contre X à la suite de la divulgation des documents.

« Cette affaire provoque un vif émoi en interne. La direction est très fébrile », raconte Nicolas Chartier, le secrétaire CGT du comité d’entreprise de Tefal. Il décrit un profond malaise social au sein de l’usine, des conditions de travail particulièrement dégradées notamment sur les lignes de production où les situations de risques psychosociaux sont en augmentation. Il pointe également « un management par la peur » depuis l’arrivée du nouveau DRH en 2011 et une direction venue du secteur automobile qui n’a « peur de rien », contrevenant régulièrement au code du travail, abusant de l’intérim, des ruptures conventionnelles (une centaine depuis 2008) ou encore entravant le bon déroulement de la mission des représentants du personnel.

« Comme Michelin, notre direction est championne de la dissimulation d’accidents et d’arrêts de travail professionnels (consécutifs à des accidents de travail). Elle force les salariés à se rendre à l’usine avec plâtres et pansements alors qu’ils devraient être à l’arrêt, ou elle leur demande de rester chez eux sans en avertir la Sécurité sociale », poursuit un autre délégué de l’intersyndicale CGT, FO, CFDT, CFE-CGC de Tefal.

Pour les quatre organisations syndicales, « il ne fait aucun doute que la direction a cherché à faire taire l’inspectrice du travail ». Solidaires, elles ont multiplié les actions de soutien, appelant au débrayage au lendemain de la révélation de l’affaire par l’Humanité en décembre dernier. Depuis, elles boycottent les négociations annuelles obligatoires, réclament « une nouvelle direction et un vrai dialogue social ». Elles ont manifesté ce lundi 3 février devant le Medef de Haute-Savoie aux côtés des agents de l’inspection du travail de Rhône-Alpes, où là aussi le climat social est délétère, les relations tendues avec la hiérarchie locale et régionale.

« Il y a un vrai conflit social, une vraie souffrance aujourd’hui dans les inspections du travail », note Marie-Pierre Maupoint, déléguée Sud. Elle espère que « le CNIT ira jusqu’au bout de la procédure, que le directeur du travail sera sanctionné, traduit devant le conseil de discipline, sinon écarté de tout poste hiérarchique ». « Les faits et différents documents transmis à notre collègue sont très graves. Ils laissent à penser que M. Dumont a failli à la convention de l’OIT, qu’il a agi de concert avec la direction de Tefal. Il apparaît même que Tefal a eu recours aux services de la DCRI ! », abonde un inspecteur du travail, scandalisé.

À la suite de ces pressions, leur collègue a été en arrêt maladie durant près de six mois. Les pressions subies l’ont par ailleurs amenée à faire une déclaration d’accident de service (équivalent public de l’accident du travail) contestée par la hiérarchie. Dans un courrier adressé au ministre du travail Michel Sapin le 13 décembre dernier, et à ce jour resté sans réponse (que vous pouvez lire ici), les syndicats (CGT, SUD, SNU-FSU et CNT) de l’inspection du travail de Rhône-Alpes dénoncent l’absence de soutien de la hiérarchie à l’inspectrice, l’attitude du directeur qui s’est « fait le relais des demandes exprimées par Tefal », et la « déshérence dans laquelle sont laissés les agents qui expriment leur souffrance ». Ils exigent « l’arrêt des pressions » sur l’action de leur collègue, la « reconnaissance immédiate » de son accident de service ainsi que « la garantie » de l’indépendance d’action de l’inspection du travail contre toutes influences indues comme le prévoit la convention internationale n° 81. Un droit bien mis à mal…

Quel que soit l’échelon, du cabinet de Michel Sapin à la DIRRECTE de Rhône-Alpes, l’administration du travail a refusé de commenter cette affaire. Philippe Dumont, le directeur départemental du travail de Haute-Savoie, mis en cause, n’a pas retourné nos appels.