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Réformes des retraites: prochaine étape de la destruction de la Sécurité sociale

« ne parlez pas d’acquis, en face le patronat ne désarme jamais. »

Ambroise Croizat

 
La nouvelle cible annoncée du gouvernement sera le régime des retraites, institution majeure de notre société garantissant une certaine solidarité (bien mise à mal au gré des dernières réformes) entre les générations. Le principe est déjà annoncé : la retraite par points, mais le gouvernement préfère attendre que les élections européennes soient passées avant d’annoncer les mesures concrètes. Néanmoins les grandes lignes sont connues.

Les conséquences des précédentes réformes

Les conséquences des précédentes réformes se font déjà largement sentir sur la santé des travailleurs. Avec le passage de la retraite à 62 ans, le nombre et la durée des arrêts maladie des travailleurs de plus de 60 ans n’a cessé d’augmenter. Rien d’étonnant à cela : les TMS (troubles musculo-squelettiques) ne s’arrangent pas avec l’âge et, quel que soit le mal dont on souffre, continuer à travailler alors qu’on devrait pouvoir souffler un peu affecte nécessairement la santé.
Des économistes s’alarment du coût de ces arrêts maladie, qui serait de 7 milliards d’euros par an. Et des médecins pestent désormais contre l’injonction qui leur est faite de limiter les arrêts maladie, alors que ces travailleurs âgés ne peuvent s’en passer, faute de revenus suffisants.
Tout ceci illustre les conséquences d’un système où les travailleurs sont pressés comme des citrons et contraints de travailler parfois jusqu’à la tombe. Plus d’un siècle après les premières retraites ouvrières, nous ne sommes pas loin d’être revenu.e.s à ce qu’on appelait à l’époque « la retraite des morts ».
Pourtant le gouvernement veut aller plus loin. …

Retraites par points kesako ?

Là où les précédentes réformes portées par des gouvernements antérieurs visaient toujours à reculer l’âge de départ à la retraite, et à allonger le nombre d’annuités nécessaire pour bénéficier d’un régime à taux plein, le pouvoir actuel annonce une refonte de notre modèle de cotisation. En effet, derrière la mort annoncée des régimes de retraite spéciaux, il s’agit de remplacer le système de cotisation par trimestre par un système à points.
L’alibi, comme toujours quand il s’agit de niveler par le bas les droits sociaux, sera celui de l’égalité entre les différents régimes de retraite, morcelés aujourd’hui en une quarantaine de régimes différents. Le gouvernement vise un nouveau système dit « universel », valable pour tous, le public comme le privé, et calculé en points accumulés tout au long d’une carrière. Les experts en communication du gouvernement se sont bien activés et le même leitmotiv n’a pas tardé à être repris par tous les politiciens d’En Marche : « un euro cotisé va ouvrir les mêmes droits pour tous ». De son côté, la ministre Agnès Buzyn martèle à qui veut l’entendre que le projet en cours d’élaboration institue une « universalité des droits » inédite. Afin de leurrer son monde le gouvernement s’est même engagé à maintenir la possibilité de partir à 62 ans.
Voilà pour la communication.
La réalité va être une paupérisation croissante des retraités. Aujourd’hui, le régime de base de la sécurité sociale fonctionne sur la base des annuités de cotisation : c’est le nombre de trimestres cotisés qui ouvre le droit à une retraite à taux plein. Le montant de ce taux plein est calculé à l’aune des meilleures années du travailleur.
Avec le système à points, on cotise désormais tout au long de sa vie pour obtenir les dits points, mais impossible de connaître leur valeur. Impossible donc de savoir à l’avance le montant de sa retraite. Le gouvernement pourra ainsi mécaniquement faire baisser le montant des pensions de l’ensemble des retraités en réduisant simplement la valeur dudit point.
Ainsi dans une logique de retraite par points, il n’y a plus réellement d’âge légal de départ à la retraite. Chacun devient le seul responsable de son propre sort en fonction du nombre d’euros cotisés tout au long de sa vie. Et chacun pourra rapidement vérifier qu’il n’a pas le nombre de points suffisant pour pouvoir partir à 62 ans.
En Suède, où la retraite par points est déjà mise en place, l’âge de départ officiel est toujours fixé à 62 ans, mais les Suédois font leurs comptes et sont de plus en plus nombreux à retarder cette échéance pour toucher une retraite plus importante. Peu importe l’âge légal, on part quand on en a les moyens financiers.
Ce faisant ce projet de réforme s’attaque également aux plus précaires en calculant les pensions sur l’ensemble de la vie active. Avec la fin du système de calcul de la retraite sur la base des meilleures années, ce sont les carrières les plus hachées, les plus entrecoupées de périodes de chômage ou d’arrêts qui se voient particulièrement impactées par la réforme : les femmes, les intérimaires, les précaires, etc. Ici, c’est l’ensemble de la vie active qui pèse dans le calcul ce qui tend à tirer les pensions vers le bas. Un tel système est d’autant plus inquiétant qu’il prend place dans un contexte socio-économique où le modèle du CDI reflue toujours davantage pour laisser la place à des formes de contrats de travail plus précaires et volatiles et qui condamnent nombre d’entre nous à des périodes d’inactivité forcées.
Ainsi, sous le vernis « égalitaire » que nous vendent communicants et politiciens, le nouveau système de retraite qui se profile n’en reste pas moins bien plus inégalitaire et injuste que celui qui prévaut actuellement.

Le projet du gouvernement : la destruction totale de la sécurité sociale

C’est bien à un projet politique d’ensemble auquel nous sommes confrontés. Après l’assurance-chômage début août, après l’assurance-maladie, le gouvernement s’attaque donc à notre système de retraite. Il y a un point commun à toutes ces contre-réformes : en finir avec le salaire socialisé (les cotisations sociales, comme part de notre salaire, payées par les employeurs) pour fiscaliser une protection sociale minimale et donner le reste au privé. A cet égard, depuis le 1er janvier, 60 % des retraités actuels (soit 7,5 millions de personnes) ont déjà subi la hausse (1,7 %) du taux de la contribution sociale généralisée (CSG) qui a été décidée par le gouvernement pour compenser la suppression des cotisations maladie et chômage basées sur les salaires.
Le patronat a toujours rêvé de revenir sur le principe même de la sécurité sociale entendue comme protection sociale basée sur un salaire socialisé (le salaire brut) financé par les employeurs. Il est aujourd’hui en passe de gagner. Cette contre-révolution nous fera passer à une protection sociale minimale au rabais financée par l’impôt (donc financée cette fois par tous les citoyens), le reste dépendant du privé, c’est-à-dire des moyens de chacun.
Mais que l’on ne s’y trompe pas ! Si l’État reprend la main sur la sécurité sociale à travers l’impôt ce n’est sûrement pas pour offrir le même niveau de prestations. Auparavant la part du salaire socialisée revenait directement à la sécurité sociale sans pouvoir être affectée ailleurs. Les revenus du travail retournaient aux travailleurs. Désormais, c’est l’État qui décidera quelle part de son budget doit être affectée au financement de la protection sociale. Ainsi ce projet, par l’insécurité qu’il instaure en matière de pension, fera également la part belle aux fonds de pension privés qui déjà se frottent les mains à la perspective de l’afflux que va provoquer chez eux cette réforme. A cet égard le système suédois comporte aussi un volet obligatoire par capitalisation.
Là où la sécurité sociale, conçue un salaire socialisé, permettait d’appliquer concrètement le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » ; le nouveau système de protection sociale, fondé sur le couple fiscalisation/privatisation, fera dépendre toujours plus le niveau des prestations sociales des moyens personnels de chacun.
Parallèlement il serait bien entendu naïf de croire que la disparition successive des cotisations chômage, maladie, et bientôt retraite, va entraîner une quelconque augmentation du salaire net qui compenserait la perte. C’est donc bien à un hold-up global sur nos salaires auquel nous assistons. Ce hold-up se met en place progressivement, mais sûrement, sans réelle réaction.

Pour conclure…

Bien sûr, à l’heure où le gouvernement ne cesse de s’attaquer aux droits, aux allocations, aux institutions du service public, il est plus que jamais nécessaire de préparer l’organisation d’un mouvement social d’ampleur capable de faire plier un gouvernement. Mais il nous faut aussi remettre en avant l’exigence première de la gestion des caisses de retraite par les organisations syndicales. Cette revendication de gestion des caisses par les organisations syndicales engage à remettre en avant le contrôle de la richesse et de sa répartition par les producteurs eux-mêmes. Elle remet au cœur de la vie syndicale, le réel exercice du contrôle des mandats dans la gestion des caisses sociales. De même, cette revendication doit être une porte ouverte sur des horizons nouveaux en nous invitant à penser un projet de société organisée par les travailleurs eux-mêmes, débarrassée de l’individualisme et des valeurs liberticides, délétères, concurrentielles que prônent patrons et politiques, possédants et exploitants.
 
Le tract en pdf : Réforme des retraites

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Sécurité sociale : le blitzkrieg social continue

Fidèle à sa stratégie de blitzkrieg social, après avoir promulgué sa loi de destruction du code du travail, le gouvernement attaque maintenant la sécurité sociale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale continue non seulement la politique d’austérité mais attaque également les fondements d’une protection solidaire.

Derrière l’austérité la mise à mort du système de protection sociale par répartition

Le budget de financement de la sécurité sociale c’est encore et toujours des coupes budgétaires. C’est 4,2 milliards de restrictions demandées, dont 1,2 milliard à un hôpital public déjà exsangue.

Au-delà des coupes budgétaires sur l’assurance-maladie, alors que l’espérance de vie en bonne santé diminue et qu’un Français sur deux renonce à se soigner faute de moyens, un véritable bouleversement du mode de financement de la Sécu a aussi été voté.

Les cotisations sociales (qui n’ont pas augmenté depuis 1979 faut-il le rappeler) doivent cette fois baisser de façon durable. Il s’agit ni plus ni moins que de supprimer les cotisations maladie et chômage contre une hausse de 1,7 point de la CSG.

securite sociale -fermons-la-porte-a-la-misere-webPour faire passer la pilule, le gouvernement met en avant une augmentation du « pouvoir d’achat ». En un mot, les cotisations sociales baissant, le salaire net augmenterait d’autant dès janvier 2018.

Outre le fait qu’il faut être d’une naïveté confondante pour sérieusement croire que les baisses de cotisations vont se reporter automatiquement sur le salaire net que les patrons augmenteraient d’autant, cette baisse signe une changement complet de modèle social.

La Sécurité sociale telle que nous la connaissons résulte du long combat du mouvement ouvrier pour se protéger mutuellement des risques de la vie et du travail. Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins. Il ne s’agit pas d’une aumône ou d’une charité qui serait accordé par l’État ou d’une œuvre philanthropique mais de la socialisation d’une partie du salaire pour pallier aux accidents de la vie. Dans ce système par répartition l’argent part du travail pour aller au travailleur en échappant au capital.

Ainsi, loin de provoquer une « hausse du pouvoir d’achat », la majorité retire du salaire brut alors même que le brut appartient dès le départ au salarié. Pour le dire simplement : dans le brut, il y a le salaire pour le mois, le net, et le reste, c’est le salaire pour la vie.

Vers le couple fiscalisation/ privatisation

En passant d’un système de répartition sur la base de cotisations sociales à une fiscalisation de la protection sociale le gouvernement rompt avec le principe « à chacun selon moyens, à chacun selon ses besoins » au profit d’une CSG non progressive et qui va accélérer les déremboursements. En effet, une fois que la protection sociale aura été entièrement fiscalisée, le gouvernement aura beau jeu de revoir constamment les prestations à la baisse au nom d’une éternelle dette publique.

Au-delà, la Sécu ne s’appartiendra plus à elle-même et sera noyée dans les autres finances publiques. Son statut de bien collectif s’en voit menacé. Au final, une fois les prestations de la protection sociale réduites à la portion congrue, c’est le privé Axa, Malakoff et compagnie qui prendra en charge le reste. Pour eux, pas besoin de manifester, il leur suffit de laisser nos gouvernants successifs faire la sale besogne. Et pour avoir droit à la santé il nous faudra les payer, bien plus cher que nos cotisations actuelles. Une minorité pourra le faire. Les autres vieilliront mal, certains plus du tout.

L’avenir sourit surtout aux grands groupes d’assurance privée

securite sociale -tous solidaires tous beneficiaires-webLa logique sera la même concernant l’assurance chômage par la réduction des allocations à un minima social qui intégrerait les démissionnaires et les indépendants avec contrôles et culpabilisation accrue pour les chômeurs.

Déjà le gouvernement prévoit la suppression du tiers payant généralisé et une hausse du forfait hospitalier. En revanche les aides aux patrons ne connaissent pas la crise avec la pérennisation et l’augmentation à 24 milliards d’euros par an du CICE.

La Sécurité sociale, bien qu’imparfaite aujourd’hui, mérite non seulement d’être défendue mais d’être améliorée et étendue. Il faut notamment en finir avec le paritarisme en revenant à son idée originelle en confiant sa gestion aux travailleurs et aux travailleurs uniquement car nous sommes les seuls créateurs de richesses. Les patrons n’en que sont les usurpateurs et les profiteurs.

Il est primordial de se mobiliser afin de défendre notre sécurité sociale.

Cette lutte s’inscrit au cœur de la lutte de classes menée par le patronat et le gouvernement visant à liquider toutes les conquêtes du mouvement ouvrier depuis 1945.

 
Le tract en pdf : tract CNT securite sociale novembre 2017

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Interprofessionnel Tracts

2013 Retraites sécu : le hold-up se prépare ! La jeunesse trinque !

Des réformes consternantes, notre système de retraite par répartition en a déjà connu depuis 1993 : 1995, 2000 (pour les retraites complémentaires du secteur privé), 2003, 2010… 2013 sera de nouveau une année de réforme ! Le gouvernement Ayrault, dans la droite ligne des projets du Medef, compte bien utiliser une nouvelle fois le pseudo-argument du déficit pour justifer la contre-réforme de notre système de retraite et plus généralement, de la Sécu.

Celle-ci s’inscrit dans la continuité des politiques d’austérité et de précarisation menées depuis quelques années : accords de compétitivité facilitant les licenciements (Accord national interprofessionnel – ANI), multiplication des contrats précaires, flexibilité, gel des salaires). Objectif : casser les systèmes de solidarité par le système de capitalisation.

20 ans de contre-réformes

L’offensive de l’État et du patronat a commencé en 1993, en plein mois d’août lorsqu’Edouard Balladur et Simone Veil firent voter leur loi contre le système de retraite par répartition du secteur privé. La durée de cotisation passait de 37,5 à 40 annuités. Le calcul du salaire de référence servant au calcul de la retraite s’allongeait des dix aux vingt-cinq meilleures années. Le montant des retraites n’était plus indexé sur les salaires mais sur les prix.

Faute de réactions syndicales, en 1994 et 1996, le patronat faisait subir aux retraites complémentaires du secteur privé une régression de même ampleur que celle passa en force et imposa les 40 qui avait été imposée aux retraites annuités de cotisation pour de base par la loi Balladur-Veil.

En 1995, Juppé s’attaque à la fois aux retraites de la Fonction publique et à celles des régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF-GDF…). Face à la force du mouvement social et des grèves, il ravala ses 40 annuités.

En 2003, Fillon ne commit pas la même erreur et s’attaqua uniquement aux salariés de la Fonction publique et jura, la main sur le cœur, que les salariés relevant des régimes spéciaux n’étaient pas concernés par l’allongement de la durée de cotisation. Malgré des millions de manifestants et près de six mois de luttes, le gouvernement passa en force et imposa les 40 annuités de cotisation pour qu’un salarié puisse bénéficier d’une retraite de base à taux plein. Cette défaite historique, dont certaines directions bureaucratiques des syndicats y prenaient largement leur part, devait inciter le pouvoir à continuer ses attaques.

En 2007, le gouvernement poursuivit les contre-réformes et imposa les 40 annuités aux salariés des régimes spéciaux.

En 2010, l’ensemble des travailleurs du privé comme du public subit l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge de départ en retraite après l’expression d’un vaste mouvement.

Aujourd’hui, c’est tout le salariat que le patronat et ses alliés comptent attaquer de front !

Au motif de l’aggravation du déficit des caisses de retraites à 20 milliards d’euros d’ici 2020, le gouvernement prépare une fois de plus une réforme sur le système des retraites. Alors qu’il n’avance que la régression entre allongement de la durée de cotisation et remise de l’âge de départ en retraite, le pouvoir se dit soucieux de «justice et d’égalité».

« Rappelons que le régime par répartition a été mis en œuvre après la guerre. Avant cette date, les régimes étaient des régimes purement par capitalisation. », déclarait Pierre Gattaz actuel président du MEDEF.

Nous voyons bien que l’objectif premier du patronat est de faire reculer suffisamment la retraite par répartition. En ce sens, le patronat fera tout pour détourner nos cotisations vers les assurances privées qu’il pourra investir en Bourse à son seul profit. En appauvrissant les retraités, patronat et gouvernement espèrent faire main basse sur le magot en forçant les salariés à se tourner vers une «épargne» individuelle pour compléter leur pension.

C’est ainsi qu’après l’initiative gouvernement du gauche (les lois Fabius en 2001) les fonds de pension à la française (PERP) tentent à présent de s’imposer comme incontournables. Par ce biais, les travailleurs deviennent propriétaires de titres boursiers, actionnaires, et par voie de conséquences exploiteurs d’eux-mêmes.

Particulièrement juteux pour le capital boursier, ce type d’épargne n’offre en revanche aucune garantie pour les salariés.

Ce système, inégalitaire et individualiste, s’oppose à l’idée même de solidarité.

Au Royaume-Uni, les adhérents d’un fonds de pension ne retrouvent que 50 % des sommes qu’ils ont versées sur leurs fonds. Les 50 % restants s’étant évanoui en frais de gestion divers et en dividendes pour les actionnaires ! Citons aussi l’affaire Enron, fond de pension américain qui s’est écroulé du jour au lendemain ! N’oublions pas que le système par répartition a été mis en place après-guerre suite à l’échec du système par capitalisation viagère pendant la crise de 1929.

Le salaire socialisé, la retraite par répartition, c’est quoi ?

Un employeur fait deux versements, l’un au salarié qu’il emploie, le salaire direct, composante individuelle ou salaire net au bas de la feuille de paye, l’autre aux caisses de Sécurité sociale (Assedic, maladie, retraite, etc.) sous forme de cotisations sociales proportionnelles au salaire direct: c’est la composante collective, le salaire indirect ou salaire socialisé.

La cotisation sociale fait donc partie intégrante du salaire. Réduire la cotisation sociale, sous prétexte de soulager les « charges » de l’entreprise, c’est réduire le salaire ! Elle n’est pas un prélèvement ou une charge, ni un impôt, ni une taxe, ni une épargne, ni une assurance mais du salaire ! Salaire lui-même défini en référence à un barème, un tarif négocié au sein des conventions collectives, basé sur une grille de classification et non pas sur les résultats de l’entreprise.

Cette cotisation sociale, répartie entre la part du salarié et la part dite patronale, représente environ 40 % du salaire brut.

Versée aux caisses, elle est immédiatement transformée en prestations sociales (elle transite en flux direct). Elle établit clairement le fait qu’à chaque instant, c’est le travail productif qui produit la valeur finançant la protection sociale, dont les retraites. C’est donc le salaire socialisé qui, en France, finance la protection sociale.
Le salaire socialisé permet la reconnaissance sociale de toutes les situations des travailleurs et de prendre en compte les aléas de la vie. Qu’ils soient actifs, précaires, chômeurs, retraités, les salariés sont reconnus en tant que travailleur : le chômeur indemnisé comme un salarié demandeur d’emploi, le retraité, comme un salarié pensionné.
Cet aspect est fondamental car il pose comme principes :

  • la solidarité entre les travailleurs
  • il confisque aux représentants de l’État la gestion d’une partie des revenus des travailleurs : le salaire socialisé. L’État intervient par l’impôt dans une logique d’assistanat, d’aide aux plus pauvres. Grâce à la cotisation, il n’y a pas de « pauvres » mais des « salariés inactifs », dont le revenu est maintenu.
  • La cotisation est une arme économique au service des travailleurs. Elle permet de financer les retraites, les allocations familiales, les remboursements des frais médicaux de millions de salariés. Elle est indexée sur le salaire net, et suit donc son évolution.

En tant que révolutionnaires, nous ne nous contenterons pas de maintenir le statu-quo de comptes «  équilibrés  » de la Sécu.
Les richesses produites dans les entreprises sont le fruit de l’activité des travailleurs, elles doivent donc leur revenir !
Le salaire socialisé est un levier pour se réapproprier notre dû.
C’est pourquoi la CNT considère qu’il faut rassembler l’ensemble des salariés sur la base d’un retrait de l’ensemble des contre-réformes depuis 1993 pour gagner la bataille sociale décisive qui permettra de gagner les suivantes (salaires, emploi, partage des richesses…).

Une manipulation idéologique : moins nombreux mais plus productifs

Les comparaisons des faiseurs de panique ne tiennent pas compte de la hausse de la productivité des actifs. Un actif de 1983 produisait bien moins de richesses qu’un actif de 2010 n’en crée à présent. Depuis 1983 et l’instauration de la retraite à 60 ans, la richesse créée par chaque actif a augmenté de 30 en euros constants. Cela signifie que 2 actifs d’aujourd’hui produisent quasiment autant de richesses que 3 actifs de 1983.
Le bon repère n’est donc la pas baisse du nombre d’actifs par retraité, mais la quantité de richesse produite et l’affectation de son produit. Car, de 1983 à aujourd’hui, la part des retraites dans le PIB n’a augmenté que de deux points, passant de 10,3 à 13 du PIB. Elle a donc augmenté moins vite que la productivité des actifs Ce repère est pourtant peu cité par les spécialistes. Tout vise à faire croire que la quantité de richesses produite dans le pays va stagner. Alors il faudrait calculer à montant de richesse constant au cours des quarante prochaines années ! C’est absurde ! Pour faire face à l’augmentation du nombre de retraités tout en annulant les contre-réformes qui ont frappé nos retraites depuis 1993, il faudrait augmenter de six points la part du PIB affectée au financement de nos retraites. En 2050, cela représente environ 230 milliards d’euros. Inutile de s’évanouir. Avec une augmentation de 2000 milliards à cette date cela laisserait encore 1670 milliards d’euros pour augmenter les salaires directs, les cotisations maladies ou réduire le temps de travail. Encore faut-il que les gains de productivité et le progrès technologique ne soient pas accaparés par le patronat.

L’espérance de vie et l’allongement de la durée de cotisations

Le premier des arguments avancés par les différents gouvernements de gauche comme droite pour remettre en cause nos acquis sociaux concernant les retraites, repose sur le fait qu’il serait normal de repousser l’âge légal de départ en retraites et d’allonger le nombre d’annuités puisque l’espérance de vie augmente.
La supposée augmentation de l’espérance de vie demeure largement différente pour un haut dirigeant et un travailleur du bâtiment. À cela, il faut prendre en compte un critère important : celui de l’espérance de vie en bonne santé ! Là, on constaterait qu’elle a reculé ces dernières années, les travailleurs ne pouvant pas profiter pleinement de leurs retraites.
Repousser l’âge de départ la retraite sous prétexte de « sauver » le système des retraites est particulièrement hypocrite quand on sait que les entreprises mettent au placard leurs salariés âgés et qu’au moment d’accéder à la retraite, 60 % des salariés ne sont plus dans l’emploi, licenciés, en pré-retraite ou encore trop cassés par le travail pour pouvoir continuer à le faire.
De plus, lorsque l’on connaît la situation du marché du travail, l’essor de la précarité ou encore l’allongement des études, il faudra nous expliquer comment travailler 43 ans et prendre sa retraite à 60, 62, voire 65 ans… L’augmentation des annuités nécessaires à 43 ans de cotisation pour une retraite à taux plein sera effective pour les générations nées à partir de 1973… Hollande avait promis de s’occuper des jeunes, voilà chose faite.
Quant à la possibilité offerte aux étudiants de racheter jusqu’à quatre trimestres de leurs périodes d’études, soit près de 4 000 euros pour une année, on voit mal qui en trouvera réellement les moyens !
Mais ne baissons pas les bras: la retraite est une affaire des jeunes car ils doivent aujourd’hui conquérir leur droit à la retraite face aux réformes successives, comme l’ont fait leurs aînés. Il n’y a pas de fatalité avant 1945 la retraite n’existait pas, tout comme la Sécurité sociale ou l’assurance chômage. Et pourtant, elles ont été créées grâce au rapport de force. Ne disons plus « de toute façon, nous n’aurons jamais de retraite » mais « battons-nous pour notre droit à la retraite, et nous l’obtiendrons ! ».
Le recul de l’âge de la retraite est une mesure inefficace et profondément injuste. La retraite n’est pas un cadeau mais un droit !
 

Le tract en pdf : Tract mobilisation concernant les retraites – journée du 8 octobre 2013

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Le salaire socialisé

A quoi correspond ce fameux coût du travail ?

Pourquoi entend-on dire que les cotisations sociales enchérissent le coût du travail, et surtout pourquoi ce discours est-il si facilement accepté ?

C’est avant tout par une méconnaissance de ce qu’est le salaire. La confusion est également entretenue par le terme même de charges sociales, et sa division comptable totalement artificielle entre la part salariale et la part patronale. Car au fond, il n’y a que de la salariale, mais prouvons-le.

En réalité il n’y a pas le salaire d’un côté et les charges de l’autre, il y a le salaire direct et le salaire indirect.

Pour déterminer le coût du travail, donc la valeur du salaire, il faut comprendre les 3 éléments dont se compose la force de travail :

  • Les biens et services nécessaires à l’entretien quotidien du travailleur, autrement dit ce qui lui permet de survivre et d’être efficace au travail (nourriture, logement, santé, habillement, loisirs, etc.)
  • Le coût de la formation, en amont du travail effectif, qui permet au travailleur d’exécuter ses tâches.
  • Le coût de l’entretien de la famille du travailleur (nourriture, logement, école, santé, etc.) qui permet au bourgeois de trouver la génération suivante prête à être exploitée à son tour.

Il faut ajouter deux choses à cela pour comprendre le coût réel du travail :

  • La quantité et la qualité de ces biens et services, de la formation, de l’entretien de la famille et des loisirs dépendent des normes sociales et culturelles d’une époque.
  • Ces normes sont aussi l’enjeu et le résultat d’un rapport de force, d’une lutte constante entre le travailleur et l’employeur. Tantôt en faveur d’un progrès social, tantôt en faveur de l’accroissement des inégalités et de la paupérisation des travailleurs.

Certes, mais où sont les prétendues charges là-dedans ?

La socialisation du salaire

Satisfaire aux éléments nécessaires à la reproduction de la force de travail est le rôle du salaire. Et pour y satisfaire efficacement, le salaire a dû se dédoubler. Un salaire individuel et direct, payé directement par l’employeur au salarié ; et un salaire social et indirect, composé de prestations gratuites ou quasi gratuites constituant les biens et services collectifs (hôpital, crèche, par exemple). Ces prestations sont une partie intégrante du salaire, dont la réalisation est financée par la partie indirecte du salaire, appelée cotisations sociales.

Cette partie du salaire est indirecte, elle introduit une médiation dans le temps et dans l’espace : je verse aujourd’hui pour ma retraite de demain, je verse à des organismes centralisateurs qui redistribuent.

Cette partie du salaire est sociale : la centralisation des cotisations permet de rémunérer ceux qui ne pourraient pas subvenir à leurs besoins par leur seul salaire direct (hospitalisation lourde par exemple).

Mais alors pourquoi avoir mis en place ce mécanisme, et ne pas avoir simplement ajouté au salaire direct la part des cotisations ? Pourquoi ne pas verser tout le salaire directement au salarié ?

Et bien c’est le principe de l’assurance : on aura beau économiser, doubler le salaire direct, on ne pourra jamais payer le coût d’une hospitalisation un peu longue (environ 1500 euros la journée minimum). Le seul moyen est de tous verser à un organisme centralisateur, et de compter sur la vérité statistique selon laquelle peu de gens s’écartent de la moyenne : peu de gens auront le malheur de subir une longue hospitalisation.

La cotisation de tous permet la sécurité de chacun.

Que se passe-t-il lorsque l’on exonère le patronat et qu’on défiscalise à tout va ?

Certes le profit augmente, mais une part du salaire n’est pas payée : la part socialisée. La qualité des prestations sociales diminue alors, les travailleurs sont obligés de prendre sur leur salaire direct pour payer ce qui n’est plus remboursé.

Il y a une limite à cela : si le salarié meurt, tombe malade, ou se retrouve sans le sou, il ne peut plus ni travailler, ni consommer. Le capitaliste a un problème. C’est souvent l’Etat qui va renflouer les caisses sociales, et tenter de relancer la consommation ou l’emploi (contrats aidés). L’Etat essaie de financer cela par les recettes fiscales. Mais qui paye le plus d’impôts (par rapport aux capacités contributives)? Les prolétaires et les classes moyennes. Les travailleurs payent donc ce qui leur est volé avec le peu de salaire direct qui leur reste (sous forme d’impôts).

Habituellement cela ne suffit pas et l’Etat doit recourir à l’emprunt. C’est la fameuse dette publique qui augmente. Or à qui l’Etat emprunte-t-il ? Précisément à ceux qui ont été précédemment exonérés d’impôts et de charges. Les investisseurs institutionnels (banques, fonds de pensions et d’investissements, etc.) regroupent et centralisent l’argent de la bourgeoisie qui voit dans la dette d’Etat un placement sûr. La scélératesse de la bourgeoisie est sans limite puisqu’elle commence par refuser de payer une partie du salaire (exonération de charges) puis l’impôt (niches fiscales), et termine en prêtant l’argent ainsi volé à l’Etat qui va lui rembourser avec intérêt.

Le patronat n’a plus qu’à suivre sa ritournelle classique : peser pour dévaloriser la force de travail. D’œuvrer, par le plaidoyer en faveur des exonérations, à une augmentation des profits globaux, à un rétrécissement et un appauvrissement des normes de vie de la population salariée. Ainsi s’explique la dénonciation de la dette, du trou de la sécurité sociale, des fonctionnaires mammouth, de l’inefficacité du travailleur, les 35 heures, la législation sur les heures supplémentaires et les conditions de travail pour en augmenter les cadences et la durée.

Les petits patrons en réelles difficultés du fait du système capitaliste ont tôt fait d’être séduits par les discours simples et clinquants des porte-paroles de la bourgeoisie, et de penser que leur intérêt réside dans les mesures néolibérales qui ne remplissent en vérité que grandement les poches d’une petite minorité.

Au bout de la logique, on finit par plaider pour l’intégration des charges dans le salaire direct et ainsi ouvrir la voie à la privatisation de la protection sociale. Des crises massives de sous-consommation sont alors à redouter. Nous voici prêts pour un grand bond en arrière de deux siècles.

Ceci nous enseigne qu’il faut sortir au plus vite du capitalisme et du salariat (donc du patronat), de sa logique contradictoire et mortifère.