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Téfal : Lettres au ministre du travail et à la Garde des Sceaux

Lettre à la garde des Sceaux

Les organisations syndicales du Ministère du Travail : CGT, SUD-Solidaires, SNUTEFE-FSU, CNT et UNSA.

Madame La Ministre,

Nous souhaitons appeler votre attention sur une situation que nous considérons comme extrêmement préoccupante pour les services de l’Inspection du Travail.

En effet, notre collègue, Laura PFEIFFER, Inspectrice du Travail dans le département de Haute-Savoie, a été victime, au cours de l’année 2013, une cabale organisée à son encontre par l’entreprise TEFAL qui n’a pas hésité à intervenir auprès du préfet de département et des supérieurs hiérarchiques de l’Inspectrice afin d’obtenir qu’elle soit mutée sur un autre secteur d’activité et ainsi se soustraire au contrôle de l’inspection du travail.

Des documents internes à l’entreprise attestent de ces agissements. Ces documents ont été transmis volontairement à Madame PFEIFFER par un salarié de l’entreprise intervenant de manière anonyme.

Ces agissements de l’entreprise TEFAL procèdent d’une influence extérieure indue au sens de la convention 81 de l’OIT qui garantit l’indépendance des agents de l’Inspection du Travail dans l’exercice de leurs missions de contrôle.

Dans un avis n° 13-003 rendu le 10 juillet 2014, le Conseil National de l’Inspection du Travail, sur saisine de Madame PFEIFFER, reconnaissait que : « Dans l’affaire en cause, tant l’entreprise que l’organisation patronale qu’elle a sollicité ont cherché à porter atteinte à ces exigences (l’indépendance de l’inspection du travail) en tentant d’obtenir de l’administration (préfet) et du responsable hiérarchique le changement d’affectation de l’inspectrice et par là-même la cessation de contrôle à l’égard de l’entreprise…..»

Madame PFEIFFER dressait alors à l’encontre des responsables de l’entreprise TEFAL un procès-verbal d’obstacles à fonctions, transmis en date du 20 juin 2014 au Procureur de la République d’Annecy.

Or, nous apprenons que Madame PFEIFFER est citée à comparaître ce 5 juin 2015 devant le tribunal correctionnel, à la suite de la plainte de l’entreprise TEFAL pour les chefs d’accusation suivants : recel de documents confidentiels – article 321-1 du code pénal et violation du secret professionnel – article 226-13 du code pénal.

Monsieur Eric MAILLAUD, Procureur de la République d’Annecy, qui a choisi d’engager les poursuites contre l’Inspectrice du Travail à la suite de la plainte de l’entreprise TEFAL, mais n’a pas, à ce jour, instruit le procès-verbal d’obstacle à fonctions, déclare en outre à la presse : « qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du Travail qu’une inspectrice lui casse les pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord mais, c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des Bisounours » – et encore qu’il considère comme inadmissible que l’inspectrice du travail ait utilisé des documents obtenus « de manière frauduleuse » et que.. (la poursuite) : « ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage » -cf. l’Humanité du 21 mai 2015.

Sans remettre en cause l’indépendance des magistrats, nous nous permettons de vous interroger sur le parti pris de Monsieur le Procureur de la République, qui considère manifestement que la protection des agents de l’Inspection du Travail dans l’exercice de leurs fonctions est moins importante que la protection des intérêts particuliers d’une entreprise privée. Nous nous interrogeons également sur la portée des propos qu’il a tenus au journal l’Humanité particulièrement au regard de ses déclarations : « c’est une occasion de faire le ménage ».

Nous ne pouvons imaginer qu’il s’agisse là d’instructions données par votre tutelle aux parquets.

Nous nous permettons donc de vous interroger : en matière d’application de la Convention 81 de l’OIT et d’indépendance de l’Inspection du Travail ainsi qu’en matière de traitement des procès- verbaux d’obstacle à fonctions ou d’outrages dressés par les agents de l’Inspection du Travail, quelles sont les instructions données aux parquets par la Chancellerie?

Enfin, nous sommes particulièrement inquiets de la situation qui va en résulter pour l’ensemble des agents du corps de l’Inspection du Travail intervenant sur le département de la Haute-Savoie voire plus largement sur l’ensemble du territoire national. En effet, la condamnation d’un agent de l’inspection du travail, sur plainte de l’entreprise, alors même que celui-ci n’a fait que son travail en relevant procès-verbal et en transmettant au procureur de la République les documents démontrant l’existence d’agissements constituant obstacles à ses fonctions, peut être interprétée par les employeurs comme une liberté de faire obstacle aux fonctions des agents de l’Inspection du Travail. A nos yeux, même la seule poursuite judiciaire pose, en cela, problème et devraient, à notre sens, être abandonnée.

Vous n’ignorez pas que les obstacles et atteintes aux fonctions des agents de l’Inspection du Travail n’ont cessé de se multiplier depuis le dramatique double assassinat de Sylvie TREMOUILLE et Daniel BUFFIERE le 2 septembre 2004 à Saussignac.

C’est pourquoi, nous vous demandons d’intervenir solennellement auprès des Procureurs de la République, représentants de l’Etat devant les tribunaux, afin que les obstacles à fonctions ou outrages commis par des employeurs à l’encontre des agents de l’inspection du Travail soient sévèrement poursuivis et que la Justice soit ainsi garante de la protection des agents et par là- même de l’effectivité du droit du travail dans les entreprises.

Nous vous prions d’agréer, Madame La Ministre, nos respectueuses salutations.

Les organisations syndicales CGT, SUD Solidaires, SNUTEFE-FSU, CNT et UNSA

Copie : Monsieur le Ministre du Travail
Monsieur le Directeur Général du Travail
Organisation internationale du travail


Lettre au ministre du travail

Les syndicats CGT, SNUTEFE-FSU, SUD Solidaires, FO, CNT et UNSA du Ministère du Travail

Monsieur le Ministre,

Notre collègue, Laura PFEIFFER, inspectrice du travail de Haute Savoie, vient de recevoir une citation à comparaitre au tribunal correctionnel d’ANNECY le 5 juin 2015 à 14h00 en tant que prévenue pour recel (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375000 euros d’amende) et violation du secret professionnel (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise TEFAL.

A plusieurs reprises, les organisations syndicales du ministère vous ont alerté et ont dénoncé les pressions extérieures indues dont a souffert Madame Pfeiffer dans cette affaire et les conséquences engendrées sur sa santé physique et mentale.

La hiérarchie (locale et nationale) de notre ministère n’a jamais condamné le comportement de l’entreprise TEFAL à l’égard de notre collègue, qui n’a fait que son travail.

Notre collègue a dû saisir le CNIT pour que, enfin, une instance reconnaisse dans des termes très clairs qu’elle a été victime d’influences extérieures indues. En effet, le CNIT reconnait que « Même si ces pressions n’ont pas été suivies d’effet, il est regrettable que, dès lors qu’elles ont été rendues publiques, aucune intervention publique des autorités administratives ou de l’autorité centrale de l’inspection du travail ne soit venue les condamner et rappeler les principes de droit interne et international qui garantissent l’indépendance de l’inspection du travail, qu’il s’agisse tant des règles relatives à la mobilité géographique des inspecteurs du travail que de leur protection contre les influences extérieures indues ».

En outre, en mai 2014, Madame Pfeiffer a dressé procès-verbal à l’encontre de la société TEFAL pour obstacle à ses fonctions et entrave au bon fonctionnement du CHSCT de l’entreprise. Ces deux procédures sont semble-t-il sur le point d’être classées au moment même où notre collègue est mise en cause dans l’exercice de ses fonctions. C’est intolérable : des explications doivent pouvoir être données aux agents du ministère sur ces contradictions de la justice. C’est pourquoi nous vous demandons de vous rapprocher de la garde des sceaux afin de connaître le sens d’une poursuite pénale contre un agent qui n’a fait que son travail et dénoncé les pressions exercées par l’entreprise TEFAL.

Nous vous demandons, enfin, de condamner les agissements de cette entreprise et de rappeler publiquement le principe d’indépendance des agents de l’inspection du travail (l’article 6 de la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail).

Le ministère et vous-même devez apporter votre soutien public, plein et entier à la collègue mise en cause dans l’exercice de ses missions et lui accorder sans réserve la protection fonctionnelle qu’elle n’a toujours pas obtenue à ce jour.

Nous vous demandons également de reconnaître les deux accidents de service déclarés par Madame PFEIFFER à la suite de cette affaire.

Nous vous demandons de répondre au choc ressenti par tous les agents du ministère et de l’inspection du travail en particulier à l’annonce de cette information en acceptant le principe d’autorisations exceptionnelles d’absence le 5 juin 2015 afin que les collègues puissent manifester leur soutien à une inspectrice du travail qui n’a fait que son travail.

Recevez, Monsieur le ministre, nos salutations syndicales.

Les organisations syndicales CGT, SNUTEFE-FSU, SUD, CNT, UNSA et FO

Les lettres en pdf : lettre au ministre du travaillettre à la Garde des sceaux

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