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EPIT, et ça continue encore et encore !

Cette année encore des centaines de contrôleurs du travail ont été écartés de la sélection 2015 de l’EPIT.

Rien ne justifie cette sélection

Certains diront qu’on ne peut pas retenir tout le monde, qu’il faut bien des critères,

d’autres diront que c’est injuste, certains agents ayant été écartés du jury et que les critères de sélection sont mal identifiés… Tout ceci sans remettre en cause le fondement même de ce concours qui n’a pour effet que de diviser les agents.

L’EPIT est violent car il exige des contrôleurs du travail de justifier de leur capacité à devenir inspecteur. Seulement quelles sont les différences entre inspecteurs du travail et contrôleurs du travail ? Qu’est-ce qui justifiait par le passé l’existence de deux corps différents pour des métiers similaires ? Qu’est-ce qui légitime l’existence d’un concours pour assurer de toute façon les mêmes missions ?

Quelles différences réelles ?

Il est vrai qu’à l’inspection, les inspecteurs signent leurs décisions administratives. Pourtant au Service régional de contrôle, les contrôleurs comme les inspecteurs les rédigent sans avoir le pouvoir de les assumer. Doit-on pour autant rétrograder les inspecteurs du SRC en contrôleurs ?

Les inspecteurs étaient auparavant chefs de service, ça n’est plus le cas. Et les contrôleurs qui ont été chefs de service à l’emploi, pourquoi ne sont-ils pas promus d’office ?

Enfin la sacro-sainte différence faites entre le contrôle des entreprises de plus et de moins de 50 salariés n’a pas plus de pertinence depuis la mise en place de la nouvelle organisation de l’inspection du travail. De fait, les contrôleurs en section occupent maintenant les mêmes postes que les inspecteurs et nombre d’entre eux contrôlent d’ores et déjà des entreprises de plus de 50 salariés. Et pis de toute façon, quelles sont les entreprises les plus faciles à contrôler ? Celles avec un DRH poli à qui l’entreprise n’appartient pas ou celles des petits artisans ?

Finalement, pourquoi avoir autant d’exigences pour le passage des contrôleurs en inspecteurs, alors qu’à tous les échelons de la hiérarchie, l’administration est capable de se contenter de ce que les agents ont à offrir, et parfois c’est bien peu de chose…

Du gâchis et une casse humaine !

L’EPIT est aussi un immense gâchis de temps. Combien d’heures de formation, de jours de préparation par les candidats pour censément évaluer leur expérience professionnelle alors que certains sont déjà en poste depuis 20 ou 30 ans ? Quelle casse humaine pour ces mêmes agents lorsqu’ils échouent pour la deuxième ou troisième fois !

Au fond, l’EPIT ne représente que le mépris qu’a notre ministère pour le travail réel accompli par les agents. Si l’accent est ici mis sur la question des contrôleurs, nous pourrions avoir, à peu de choses près, la même analyse pour le passage des secrétaires en SA.

Concernant les critères de sélection la mascarade a atteint cette année des sommets. De l’aveu de nombreux membres du jury, il est quasi-impossible de départager les candidats. Le caractère aléatoire des questions posées aux candidats notamment empêche toute évaluation objective ou égalité de traitement. Certains se voient poser des questions centrées exclusivement sur leur dossier, d’autres des questions générales de « posture professionnelle » sans aucun lien avec leur dossier, d’autres se voient enfin poser des questions techniques en fonction de la composition du jury. Ce pseudo examen vire à l’arbitraire. Le jury a d’ailleurs renoncé cette année au classement des lauréats.

Une période transitoire qui n’en finit plus…

En attendant, pour les agents de contrôle en section, la période transitoire s’avère très difficile à gérer. Les inspecteurs doivent, outre leur section, s’occuper tout ou partie du contrôle des entreprises de plus de 50 salariés des sections occupés par les contrôleurs « résiduels ».

Pour les contrôleurs qui acceptent le contrôle des plus de 50 salariés, après y avoir été fortement incités par notre ministère, leur statut reste le même et leur rémunération également.

Pour les contrôleurs à l’emploi, c’est soit le passage obligé par la section via l’hypothétique EPIT, soit la perspective peu engageante de rester dans un corps en extinction, avec tout ce que cela implique en terme de perte de droits à mutation et de place dans le collectif de travail.

Qu’est-ce qui s’oppose au passage de tous les contrôleurs en inspecteurs et à l’application de ce principe pourtant basique : à mêmes métiers, même statut, même salaire ?

Arrêtons de nous cacher derrière de faux-semblants ! Derrière l’alibi méritocratique d’un concours interne qui ne dit pas son nom, on ne cherche pas à sélectionner des hypothétiques « meilleurs » agents qui seraient seuls « aptes » à devenir inspecteurs, mais à justifier de nouvelles suppressions de postes d’agents de contrôle. Car n’en doutons pas : à l’issue de la période transitoire qui doit nous mener à un corps unique d’inspecteurs, il y aura beaucoup moins d’agents de contrôles en section. Les départs en retraite des contrôleurs ne sont pas tous remplacés et le « stock résiduel » de contrôleurs sera exposé à des mobilités forcées.

Le corps unique doit se faire mais très rapidement par la requalification de tous les contrôleurs en inspecteurs par ordre d’ancienneté sans conditions d’examen ou de concours.

La CNT revendique :

  • la suppression de l’EPIT ;
  • le passage de tous les contrôleurs en inspecteur : travail, emploi et formation professionnelle dans le corps de l’IT sur leur poste ;
  • le passage des agents de catégorie C en SA avec possibilité de passerelle vers le corps de l’inspection ;
  • la garantie d’organisation et d’effectif des secrétariats par rapport au nombre d’agents de contrôle ;
  • l’augmentation des effectifs pour répondre à la demande sociale tant à l’emploi qu’au travail.

 
Le tract en pdf : EPIT 2015 Examen professionnel d’accès à l’inspection du travail

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Intersyndical

Tefal : nouvelle provocation du procureur d’Annecy

Communiqué CNT-SUD-SNUTEFE-FO-CGT

Quelques jours avant le 5 juin 2015, date de l’audience du tribunal correctionnel devant lequel devaient comparaître notre collègue inspectrice du travail et l’ex salarié de Tefal lanceur d’alerte, le procureur d’Annecy s’était exprimé dans la presse d’une façon particulièrement choquante pour l’inspection du travail, voire haineuse envers les inspecteurs et contrôleurs du travail : « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice du travail lui casse les pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord. Mais en même temps c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des bisounours…. On en est encore au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps [celui de l’inspection du travail] qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage ». « Les inspecteurs du travail ne devraient pas pouvoir se syndiquer ».
Aujourd’hui, à quelques jours de l’audience finalement reportée au 16 octobre 2015, nous apprenons que le Parquet d’Annecy a notifié à l’administration du travail que le procès-verbal établi pour entrave au fonctionnement du CHSCT de Tefal par l’inspectrice poursuivie était classé sans suite – peut-être que Monsieur le Procureur d’Annecy considère qu’empêcher  le fonctionnement régulier d’un CHSCT est normal  dans son monde « d’influence et de communication ».
La politique pénale de ce procureur apparaît dans toute sa vérité : choyer les puissants et déstabiliser les autres.
Cette énième provocation du procureur Maillaud ne fait que renforcer la détermination des agents du ministère du travail et de leurs représentants – et plus largement des salariés – à se mobiliser le 16 octobre 2015 à partir de 13h devant le Palais de Justice pour soutenir leur collègue incriminée ainsi que le salarié lanceur d’alerte. L’intersyndicale demande expressément à la hiérarchie de l’administration du travail de faire appel auprès du Procureur Général contre la décision de classement sans suite.
Le 14 octobre 2015

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Téfal : appel à la mobilisation du 16 octobre 2015

Le 16 octobre 2015, tous ensemble à Annecy pour défendre l’inspection du travail, notre collègue, et les droits des salariés dans les entreprises !

Le 5 juin 2015 à l’appel des organisations syndicales du ministère du Travail et des Unions Locales de syndicats de salariés, plus de 500 personnes se sont rassemblées à Annecy pour soutenir notre collègue inspectrice du travail de Haute Savoie, mise en cause par l’entreprise TEFAL pour « recel et violation du secret professionnel ».

Le tribunal correctionnel d’Annecy a décidé de renvoyer l’affaire au 16 octobre 2015 à 14h00.

Par notre mobilisation, nous soutenons tant le salarié de TEFAL – lanceur d’alerte qui a eu le courage de révéler les manœuvres de son employeur en direction du préfet et du directeur du travail de Haute-Savoie – que notre collègue inspectrice du travail, qui était la cible de ces manœuvres et a en conséquence subi des pressions de la part de sa hiérarchie dans le but de l’empêcher de mener à bien son travail de contrôle.

Soyons encore plus nombreux à la nouvelle audience !

Les organisations syndicales appellent tous les agents du ministère à se mettre en grève et à se rassembler le 16 octobre 2015 à 13 heures devant le tribunal correctionnel d’Annecy.

 

Nous n’oublions pas les propos tenus par Eric Maillaud, procureur de la République d’Annecy,  dans deux éditions du journal l’Humanité qui trahissent le caractère politique de ce procès: « Qu’une grande entreprise vienne dire au directeur du travail qu’une inspectrice du travail lui casse les pieds, je ne suis pas juridiquement d’accord. Mais en même temps c’est la vie réelle, on vit dans un monde d’influence et de communication, ce n’est pas le monde des bisounours…. On en est encore au stade des poursuites, mais ce peut être un rappel à l’ordre pour un corps [celui de l’inspection du travail] qui se doit d’être éthiquement au-dessus de la moyenne, une occasion de faire le ménage ». « Les inspecteurs du travail ne devraient pas pouvoir se syndiquer ». Il décide aussi d’instruire la plainte de TEFAL dans un temps record, alors que les procédures dressées par l’inspectrice du travail à l’entreprise, notamment pour obstacle à ses fonctions (un délit qu’il qualifie « d’un mélange insupportable des genres »), sont toujours en cours d’enquête.

Par ces propos, par les choix qu’il a opérés, le procureur de la République confirme que la seule chose qui est reprochée à notre collègue, qu’il n’hésite pas à traiter outrageusement de « voyou », est d’avoir fait son travail et d’avoir mobilisé, dans ce combat qui la dépasse, les organisations syndicales de son ministère.  Si le Procureur avait voulu démontrer l’existence d’une justice de classe, il ne s’y serait pas pris autrement…

Avec le Syndicat des Avocats de France et celui de la Magistrature nous clamons d’une même voix : « quelle singulière  conception de l’ordre public, ce procureur peut-il avoir ? »

Plus largement, face à l’offensive du gouvernement contre le code du travail dont s’est fait l’écho le procureur de la République dans la presse, nous défendons notre mission de service public et le droit pour les travailleurs du public comme du privé de se syndiquer et de lutter pour faire respecter leurs droits et en conquérir de nouveaux.

Nous n’oublions pas enfin le silence insupportable du Ministre et de la hiérarchie de notre ministère qui persiste malgré l’avis particulièrement cinglant rendu le 10/07/2014 par le CNIT dénonçant les pressions indues exercées par TEFAL sur notre collègue IT.

Personne ne fera le ménage chez nous ! Ce procès politique doit cesser !

Il porte atteinte au droit international du travail garanti par l’OIT et à la justice sociale! En grève avec les syndicats interprofessionnels de Haute-Savoie, nous serons solidaires à Annecy pour défendre nos missions, notre collègue, le salarié lanceur d’alerte, les droits des salariés dans les entreprises et les valeurs du syndicalisme.

Nous demandons :

  • L’abandon des poursuites contre notre collègue et le lanceur d’alerte.

  • La poursuite devant la justice des procédures initiées par notre collègue.

  • Une condamnation publique des agissements de TEFAL et des propos du parquet par le ministre du travail et la reconnaissance de l’accident de service de notre collègue.

 
Les organisations syndicales du ministère du travail : CGT, CNT, FO, FSU, SUD
 
Le tract en pdf : Tract intersyndical mobilisation du 16 octobre 2015 Annecy

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Simplification : piège à cons !

Et revoilà l’éternel refrain de la « simplification » du code du travail. La ritournelle est éculée ; elle a déjà servi maintes fois, notamment lors des récentes lois Macron et Rebsamen. Elle revient néanmoins en force ces temps-ci.

Dans ce concert de revendications « simplificatrices », la dernière intervention, complaisamment relayée par les médias, revient à Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen qui ont commis un livre, « Le travail et la loi » sur ce sujet, proposant l’« allègement du code du travail » face à sa « complexité croissante ». La solution toute trouvée : réduire le code du travail à « 50 principes fondamentaux ».

Pierre Gattaz, président du Medef, s’est empressé de les féliciter comme il se doit et a opportunément proposé « l’ouverture d’un dialogue sur le sujet ».

Elle était précédée quelques temps auparavant par une lettre de mission du premier ministre Manuel Valls adressée à Jean-Denis Combrexelle sur « les rigidités du code du travail » le 1er avril dernier. Notre ancien DGT, qui n’a jamais démérité pour pondre des décrets illégaux sur mesure pour le patronat, doit remettre son rapport en septembre au gouvernement.

On le voit, loin d’être des initiatives isolées, ces différentes interventions ressemblent fort à une offensive coordonnée en vue de créer les conditions idéologiques d’une régression majeure encore à venir dans le champ du droit du travail.

Les lois Macron et Rebsamen à peine adoptées, le gouvernement enclenche la vitesse supérieure en préparant une nouvelle dérégulation d’ampleur.

De quoi s’agit-il et comment va s’opérer cette nouvelle dérégulation ?

Achever le principe de faveur

La lettre de Manuel Valls est suffisamment explicite à ce sujet pour en avoir une idée assez précise.

Au nom du « dialogue social », et d’« une meilleurs adaptabilité des normes au besoin des entreprises » Valls souhaite revoir l’articulation les différents niveaux de négociation, c’est-à-dire la hiérarchie des normes en droit du travail. Selon lui « la place donnée à l’accord collectif par rapport à la loi dans le droit du travail en France est encore trop limitée ».

Le principe de faveur entre les différents niveaux de négociation collective est déjà mort, puisque c’est désormais l’accord d’entreprise qui prime sur le niveau de négociation supérieure depuis 2004. Il demeure néanmoins entre la loi et le champ de la négociation collective, et ce, malgré l’extension continue des possibilités de déroger à la loi dans un sens défavorable aux salariés depuis les lois Auroux en 1982, notamment pour tout ce qui touche au temps de travail. Appelant désormais explicitement à déroger au cadre réglementaire dans sa lettre de mission, Valls veut donc « aller plus loin […] concernant le rôle de l’accord collectif dans l’élaboration des normes ».

Cette question n’est pas neuve, elle est la grande bataille du patronat depuis près de 15 ans. Plus précisément depuis qu’Ernest Antoine Seillière a lancé sa « refondation sociale » en 2000 avec comme objectif revendiqué que les règles de travail négociées dans l’entreprise, là où la pression sur les salariés est la plus forte, puissent s’imposer à la loi et aux conventions collectives.

Plus récemment en 2014, le Medef publiait un « Livre jaune » programmatique, qui réaffirmait cette priorité: « Le cœur de la définition des règles sociales doit être l’entreprise. Cela suppose une révolution importante car aujourd’hui, c’est la loi qui fixe ces règles ».

Valls est donc en train de mettre la dernière main à ce projet déjà ancien d’inspiration patronale.

En un mot, Manuel Valls donne comme mission à Combrexelle de tuer une bonne fois pour toutes le principe de faveur.

Nul doute que certaines dispositions resteront au niveau de la loi sans possibilité de déroger. Pour le reste ça sera dérégulation généralisée. Nos juristes de cour et la hiérarchie de notre ministère appellent aussi cette orientation d’une nouvelle expression qui fait florès depuis quelques temps : la « fondamentalisation du droit ». La dérogation devient la règle et l’application de la loi l’exception, c’est là le vrai sens de cette « fondamentalisation du droit ».

« Simplification », « dialogue social », « fondamentalisation du droit », trois expressions pour désigner la même orientation et volonté de dérégulation. Prétendre simplifier au nom du dialogue social (c’est-à-dire concrètement en complexifiant toujours plus le droit du travail par la multiplication des possibilités de déroger), en racontant que ce faisant on « fondamentalise » le droit (par la réduction à la portion congrue de la loi à quelques droits auxquels on ne pourrait pas déroger).

Tout doit disparaître

Quels thèmes pourraient être particulièrement visés ?

Emmanuel Macron annonçait déjà la couleur, à la veille de son entrée au ministère de l’Économie : « Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. C’est déjà possible pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas l’étendre à toutes les entreprises, à condition qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? »

Concernant le temps de travail, il s’agit ni plus ni moins que d’autoriser de déroger par accord à la base légale de 35h, seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Concernant les rémunérations, la loi du 14 juin 2013, transcription législative de l’Accord national interprofessionnel (ANI), autorise déjà, en cas de difficultés économiques, une réduction des salaires par simple accord d’entreprise – les fameux accords « de maintien de l’emploi ». Il s’agit de généraliser cette logique en dehors des cas de difficultés économiques.

D’ores et déjà la loi Macron adoptée le 10 juillet allonge la durée maximale des accords « de maintien de l’emploi » qui passera de 2 à 5 ans.


* – * – *

Des « experts » orientés comme il se doit…

Manuel Valls recommande que le groupe de travail de Combrexelle s’entoure « d’experts reconnus » et examine la « contribution des think tanks ». Message reçu, voilà une belle brochette d’ « experts » néolibéraux, dont une des caractéristiques est de passer allègrement du public au privé :

Yves Barou, après avoir été directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry, est l’actuel président de l’AFPA, et a intégré la direction RH de l’entreprise Thalès. Michel Didier est quant à lui président du Coe-Rexecode, un « institut privé d’études économiques » proche du Medef. Il est aussi proche du très libéral Cercle des économistes ; tout comme Pierre Cahuc, favorable à la réduction du « coût » du travail et à l’assouplissement des conditions de licenciement.

Dans la commission, on trouve aussi, pêle-mêle, le président du groupe Alpha (un cabinet de conseil en relations sociales), Pierre Ferracci, la DRH de Lafarge France, Sylvie Peretti, une ex-DRH enseignant désormais en business school, Sylvie Brunet, ou encore le juriste Paul-Henri Antonmattei, fervent soutien de François Bayrou lors de la dernière présidentielle.

A noter, qu’outre des propositions de dérégulation généralisée, ce groupe est censé proposer « des recommandation de méthode sur la conduite de ce changement ». En gros, comment faire passer la pilule…

* – * – *


Chantage à l’emploi : encore et toujours

Les présupposés idéologiques de cette dérégulation sont toujours les mêmes. Le droit du travail, toujours « trop complexe », toujours « trop rigide », serait responsable du chômage. C’est l’éternel chantage à l’emploi, qui sert d’alibi à la dérégulation.

Outre le fait que cette assertion a toujours été démentie par les faits : 30 ans de dérégulation n’ont pas fait disparaître le chômage, bien au contraire. C’est oublier qu’au sens strict, les entreprises ne créent pas l’emploi. Elles ne font que convertir en embauche les demandes de biens et de services qui leurs sont adressées. Une entreprise ne va pas embaucher parce qu’on la dispense de mettre en place un comité d’entreprise ou un règlement intérieur, mais parce que son carnet de commandes se remplit. C’est la situation économique qui commande l’emploi, pas le droit du travail.

Pour autant le droit du travail serait encore et toujours ce gueux à abattre pour en finir avec le chômage.

L’ANI, transcrit dans la loi du 14 juin 2013, était une première légalisation de ce chantage de l’emploi, il s’agit juste maintenant de généraliser cette logique comme arme de destruction massive du droit du travail.

Négocier, mais avec qui ?

Un tel projet de dérégulation ne peut obtenir pleinement son effet que si l’on trouve toujours des « partenaires » pour négocier. Ainsi un autre mouvement de fond a accompagné le renvoi toujours plus grand vers la négociation collective d’entreprise pour définir la norme applicable, celui de la remise en cause du monopole syndical sur la négociation.

Certes, au niveau interprofessionnel ou de la branche, on trouvera un ou des syndicats jaune pour négocier tous les reculs sociaux. Mais au niveau de l’entreprise, il n’y a quelque fois pas du tout de syndicats. Or c’est bien les syndicats qui ont normalement le monopole de la négociation collective.

Avec les 35h un mouvement de fond a commencé à étendre les possibilités de négociation à d’autres acteurs que les syndicats en l’absence de ceux-ci. Or la mission Combrexelle s’intéresse opportunément au référendum d’entreprise afin de contourner les syndicats.

Pour les entreprises dotées en représentants du personnel, il convient d’aller vite, Manuel Valls réclame donc une rationalisation des obligations d’information-consultation des IRP.

C’est chose faite avec la loi Rebsamen qui permet la fusion des institutions représentatives du personnel, ainsi qu’un regroupement des obligations d’information et de négociation avec les représentants salariés.

Ainsi derrière l’apparente neutralité technocratique d’une commission d’ « experts » libéraux et les discours sur la « simplification » du droit du travail ou la promotion du « dialogue social », se cache la dernière et violente expression de la lutte des classes. C’est le principe même d’un droit du travail comme droit protecteur des salariés fixant des limites à la relation d’exploitation, tout en harmonisant les droits des salariés sur le territoire national, qui est en jeu.

Ce droit est issu de plus d’un siècle de luttes sociales, seule la lutte permettra de le défendre !

 
Le tract en pdf : Simplification du code du travail : piège à cons !
La lettre de mission du Premier ministre : lettre_de_mission_Combrexelle

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L’inspectrice du travail de Tefal renvoyée en correctionnelle pour avoir fait son travail !

Nota : un appel des organisations syndicales nationales du ministère du travail est intervenu depuis la rédaction de cet appel régional.

Organisations syndicales de la DIRECCTE Rhône-Alpes : CGT – FSU – CNT – SUD – FO

Notre collègue, inspectrice du travail de Haute Savoie, vient de recevoir une citation à comparaitre au tribunal correctionnel d’ANNECY le 5 juin 2015 à 14h00 en tant que prévenue pour recel (passible de 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende !) et violation du secret professionnel (un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende !) à la suite d’une plainte déposée par l’entreprise TEFAL.

  • Après avoir été décrédibilisée, isolée, humiliée et mise sous pression par sa direction à la demande de TEFAL, le tout sous la surveillance des services des renseignements généraux de la préfecture de Haute-Savoie…
  • Après plusieurs mois d’arrêts maladie dus à la violence de la pression subie et avoir été placée dans l’impossibilité de poursuivre son contrôle de l’entreprise TEFAL…
  • Après avoir subi l’acharnement de la DIRECCTE et du ministère refusant de reconnaitre son accident de service et alors qu’elle lutte encore pour le faire reconnaitre via le tribunal administratif…
  • Après leurs menaces contre son avenir professionnel pour avoir osé révéler ce dont elle était victime en saisissant le CNIT, qui a fini, après enquête, par lui donner raison…
  • Après que le CNIT a rendu un avis particulièrement cinglant le 10/07/2014 dénonçant les pressions indues exercées par Tefal sur notre collègue IT et l’absence de réaction de la hiérarchie…
  • Après deux ans de souffrance et avoir eu le courage de retourner faire son travail dans l’entreprise TEFAL et constater les infractions pour lesquelles elle avait été évincée…

… Notre collègue est poursuivie aujourd’hui par le parquet d’ANNECY à la demande de TEFAL pour avoir fait son travail et dénoncé l’obstacle à ses fonctions.

Tandis que la hiérarchie n’a toujours pas condamné publiquement les agissements de l’entreprise TEFAL et continue de lui faire des cadeaux, en refusant notamment de suivre les rapports alarmants de l’inspection du travail, TEFAL veut écraser notre collègue avant que les projecteurs ne soient braqués sur ses agissements et les infractions qu’elle a commises au détriment des travailleurs.

L’entreprise tente de se faire passer pour une victime avant d’être jugée pour avoir voulu évincer l’inspection du travail de l’entreprise et continuer de violer en toute impunité les droits des travailleurs et le code du travail.

Ce procès est éminemment politique ! C’est l’éternel bras de fer entre David et Goliath, entre ceux qui font respecter le droit du travail et ceux qui le violent. C’est également le procès de notre métier, de l’inspection du travail, démantelée depuis des années et qui doit faire face aux attaques incessantes du MEDEF et du patronat à travers la mise en cause de ses agents (Indre, Marteau…).

Les organisations syndicales soutiennent notre collègue inspectrice du travail, dénoncent ces attaques et appellent tous les agents du ministère à se mettre en grève et à se rassembler le 5 Juin 2015 à 13h30 devant le tribunal correctionnel d’Annecy pour protester contre cette énième tentative de détruire notre collègue et d’humilier nos services.

Elles appellent également les collègues qui ne pourraient pas se déplacer à organiser localement des manifestations de soutien dans les régions les plus éloignées.

Nous demandons au RUT, DIRECCTE, DGT et au Ministre du Travail de condamner publiquement et fermement cette attaque contre notre collègue et nos missions et de lui procurer les moyens d’assurer sa défense (protection fonctionnelle).

Soyons solidaires et unis pour défendre notre collègue et une inspection du travail au service des salariés.

 

Le tract intersyndical en pdf : TEFAL veut écraser l’inspection du travail

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Tous en grève le 9 avril !

Loi Macron : le doit du travail fusillé à coup de 49.3 !

Mardi 17 février 2015, le gouvernement a décidé d’imposer via le recours à l’article 49-3, sa nouvelle offrande au patronat : la loi « Croissance, activité et égalité des chances économiques » dite loi Macron. Après le pacte de responsabilité et ses milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales, le gouvernement accède une nouvelle fois aux revendications du MEDEF : plus de compétitivité, de profit et d’impunité pour l’exploitation patronale, moins de protection, plus de flexibilité et de précarité pour les travailleurs.

Si les medias ont focalisé leur attention sur l’extension du travail du dimanche et de nuit, c’est une attaque généralisée contre les droits des travailleurs à laquelle nous assistons. Il s’agit de libérer les patrons et les capitaux des entreprises des « contraintes » du droit du travail, museler les syndicats et les institutions représentative du personnel dans les entreprises et empêcher les salariés de se défendre face aux pressions et aux licenciements.

La possibilité est désormais offerte aux patrons d’éviter les recours devant les prud’hommes en cas de litige, en proposant au salarié de régler son différent à l’amiable… comme si le rapport de force entre les deux parties était équilibré !

Ajoutons à cela l’assouplissement juridique des Plans de Sauvegarde de l’Emploi, permettant aux employeurs de choisir qui licencier comme ils l’entendent, l’allègement des peines concernant les délits d’entraves patronaux…

Tout y passe : c’est la grande braderie des droits et acquis sociaux!

Évidemment on comprend dès lors l’importance de la loi Macron pour les libéraux économiques de tous bords, lesquels se satisferont également du maintien des privilèges des professions libérales, de la libéralisation du transport interurbain et de quelques privatisations qui viennent compléter l’addition…

S’agissant plus spécifiquement de l’inspection du travail, à côté de quelques prérogatives supplémentaires pour les inspecteurs et contrôleurs du travail, le projet est de faire passer deux mesures par ordonnance pour faire en sorte que les employeurs ne se retrouvent plus devant les tribunaux.

Il s’agit d’une part du remplacement pour toute une partie du code du travail (durée du travail, salaire minimum, hygiène) des sanctions pénales par des amendes administratives.

Si la loi Macron était adoptée, l’inspecteur du travail ne pourrait plus que proposer au Directeur régional d’infliger une amende au patron. Au vu du peu d’indépendance dont certains font preuve, les dossiers sensibles pourraient être facilement enterrés.

On assisterait d’autre part à la création d’un mécanisme de transaction pour les infractions qui resteraient passibles de sanctions pénales. Cette transaction pénale permettrait aux patrons délinquants de négocier une peine avec l’administration pour éviter d’être renvoyés devant un tribunal. Comme pour les sanctions administratives, ce seraient les directeurs régionaux qui décideraient d’accepter ou non la transaction et fixeraient la peine.

Mais le gouvernement ne semble pas décidé à s’arrêter là puisqu’une offensive contre les institutions représentatives du personnel et les droits des élus est d’ores et déjà en préparation, le gouvernement ayant annoncé qu’il comptait également légiférer sur ces sujets.

Pour tout cela, c’est la gôche qui s’y colle de façon autoritaire comme cela ne s’est pas vu depuis 2006 et l’échec du 49-3 face à la mobilisation sociale dite anti-CPE. Article 49-3 que naguère elle critiquait, appelant le peuple et sa jeunesse à descendre dans la rue.

Pour la CNT, c’est exactement ce qu’il s’agit de faire aujourd’hui : en prenant contact à la base avec tous ceux et toutes celles qui luttent contre le capitalisme et l’exploitation patronale ; en expliquant partout, dans les entreprises et dans la rue, pourquoi cette loi est avant tout une terrible régression sociale.

Partout, que nous soyons salarié-es du privé, du public, au chômage, retraité-e-s ou étudiant-e-s, faisons converger nos luttes et faisons échec à la loi des patrons !

Le 9 avril, mobilisons-nous massivement

contre la loi Macron et l’austérité !

Le tract en pdf : Tract loi macron loi des patrons 9 avril 2015

Une analyse plus détaillée du projet de loi Macron

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Un exemple de justice de classe : la délinquance patronale concernant le droit du travail

Article initialement paru sur Mouvements

Il est courant dans les milieux militants révolutionnaires ou tout simplement progressistes de dénoncer l’institution judiciaire et les arrêts qu’elle rend comme relevant d’une justice de classe. Reste à savoir ce que nous mettons derrière cette expression et quelle réalité nous désignons.

Dans Surveiller et punir, Michel Foucault évoque la justice de classe en ces termes : « si on peut parler d’une justice de classe ce n’est pas seulement parce que la loi elle-même ou la manière de l’appliquer servent les intérêts d’une classe, c’est que toute la gestion différentielle des illégalismes par l’intermédiaire de la pénalité fait partie de ces mécanismes de domination. Les châtiments légaux sont à replacer dans une stratégie globale des illégalismes »[1. FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Ed. Gallimard, Coll. NRF, P.277.].

Dans cette optique, c’est en s’attardant sur le traitement des délinquances dites « complexes » (environnementale, économique, droit du travail, etc.) et non, comme on le fait habituellement, sur la délinquance de droit commun, que le fonctionnement de la justice de classe se laisse appréhender au mieux.

Ce qu’on peut qualifier, à juste titre, de justice de classe ne se donne jamais aussi bien à voir que lorsque l’on se situe aux marges du droit commun, dans le traitement des illégalismes en col blanc. De ce point de vue, rendre visibles ces délinquances volontiers invisibles (médiatiquement, politiquement) se révèle souvent édifiant pour le profane.

Dans le cadre du présent article nous allons évoquer le traitement de la délinquance patronale à travers le prisme du droit du travail et du sort réservé à l’institution étatique chargée de faire respecter ce droit : l’inspection du travail.

Car pour reprendre les termes de Foucault, les infractions au droit du travail font bien l’objet d’une gestion entièrement différenciée d’un bout à l’autre de la chaîne pénale:

  • par les moyens réels accordés à l’inspection du travail, police du droit du travail ;
  • par la façon dont l’institution judiciaire traite les procédures de l’inspection du travail ;
  • par le type de pénalité appliquée au droit du travail, le droit pénal du travail étant dérogatoire ;
  • par la délégitimation systématique du droit du travail par le pouvoir politique et l’administration du travail, sur fond de discours sécuritaire ambiant.

1. Les moyens de l’inspection du travail

Institution étatique créée à la fin du XIXe[2. Après deux esquisses, en 1841, puis en 1874, c’est la loi du 2 novembre 1892 encadrant le travail des femmes et des enfants dans l’industrie qui crée un corps d’inspecteurs du travail chargés de faire appliquer les premières lois sociales.], l’inspection du travail a pour mission de veiller au respect du droit du travail dans les entreprises. Ce droit particulier régit les relations entre les employeur.euses et les salarié.es individuellement et collectivement. Historiquement, le droit du travail s’est construit contre le pouvoir absolu de l’employeur.euse, avec pour fonction d’instituer et de faire respecter des règles et des droits minimums communs à tous les salarié.es. C’est dire qu’il est un enjeu perpétuel de la lutte des classes et le baromètre du rapport de force qui se joue entre travail et capital.

Or, la première chose qui frappe lorsqu’on observe la police du droit du travail qu’est l’inspection du travail, c’est son sous-effectif chronique, structurel.

Dans un livre intitulé, Carnets d’un inspecteur du travail, Gérard Filoche, lui-même ancien inspecteur du travail, note que « créée il y a plus de cent ans, en 1892, l’inspection du travail qui ne comptait que quelques dizaines de membres à ces débuts n’en a guère plus proportionnellement, au début du XXIe siècle »[3. FILOCHE Gérard, Carnets d’un inspecteur du travail, Ed. Ramsay, p.306-307.].

En 1902, il y avait 110 inspecteur.trices pour 3 millions de salarié.es, trois lois et 80 décrets. Aujourd’hui, on compte environ 2100 agent.es de contrôle en section d’inspection pour environ 10 000 articles du code du travail (3700 lois et 6300 décrets)[4. Ces chiffres ne prennent en compte que le code du travail dit « généraliste ». Depuis la fusion des services généralistes avec l’inspection du travail des transports, il faut également y rajouter le code des transports et la réglementation sociale européenne propre à ce secteur.]et 18,2 millions de salarié.es[5. Soit 3,7 inspecteurs pour 100 000 salarié.es en 1902 contre 11,5 pour 100 000 aujourd’hui. Les chiffres relatifs à l’action de l’inspection du travail sont issus du rapport sur « L’inspection du travail en 2013 » publié par le ministère du travail pages 7-8. http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_IT_2013_Web.pdf].

Avec des effectifs aussi dérisoires, il n’y a guère de miracle possible. Aujourd’hui comme hier, les agent.es de contrôle sont pris.es sous un flot continu de sollicitations qu’il.les ne peuvent traiter de façon satisfaisante. L’urgence devient la norme et le retard est structurel. Si l’on devait ne retenir qu’un chiffre, en rapportant le nombre de contrôles en entreprises au nombre total d’entreprises, les entreprises ont actuellement une chance de se faire contrôler une fois tous les 11 ans[6. Toujours selon le rapport sur l’inspection du travail suscité, 294 000 interventions ont été effectuées en 2013. Parmi ces interventions 57% relevaient de contrôles à proprement parler soit 167580 contrôles pour 1, 80 millions d’entreprises assujetties au contrôle de l’inspection du travail.]. A titre comparatif, on peut également noter que le ratio du nombre de salarié.es par agent.e de contrôle est de 8710, en augmentation constante depuis 5 ans[7. En 2010 ce ratio était de un agent de contrôle pour 8114 salariés.], là où l’on compte approximativement un.e policier.ère ou gendarme pour 270 administré.es[8.  En 2010 on comptait 243 000 policiers et gendarmes. Cf http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-mucchielli/191110/policiers-et-gendarmes-ont-ils-les-moyens-dassurer-la-securite-q].

Autant dire que, même avec la meilleure volonté des agent.es de contrôle, la pression de l’administration sur les entreprises ne saurait être féroce. Ces quelques rappels factuels nous paraissent être un préliminaire indispensable à rapporter aux larmoiements perpétuels du patronat sur la pression intolérable que l’administration ferait peser sur les entreprises. Dans une déclaration du 13 mai 2014, Pierre GATTAZ, président du MEDEF, déclarait encore « sur le terrain, le MEDEF constate une multiplication des contrôles tatillons et inutiles »[9. http://www.medef.com/medef-tv/actualites/detail/article/le-medef-sengage-pour-lemploi-mais-sinquiete-sur-le-pacte-de-responsabilite-1.html].

Malheureusement, la police du travail n’en a tout simplement pas les moyens.

2. Le devenir des procédures de l’inspection

Lors de leurs contrôles, les agent.es sont amenés à constater des infractions. Plusieurs suites sont alors possibles.

Il faut d’abord souligner que les agent.es privilégient très largement les courriers d’observation, qui constituent de simples rappels à la loi. Comme le relève la journaliste Fanny Doumayrou, l’action de contrôle consiste le plus souvent en un « long et fastidieux travail de pression sur l’employeur, à coup de lettres d’observations et de contre-visites, sous la menace plus ou moins explicite d’un procès-verbal »[10. Fanny DOUMAYROU, Qui défendra les inspecteurs du travail ?. Le Monde Diplomatique, Décembre 2012.].  Les PV n’interviennent donc la plupart du temps qu’en dernier recours et ne correspondent qu’à une petite partie des infractions constatées : en 2013, sur 294 000 interventions recensées, 183 500 lettres d’observations ont été rédigées et 6374 PV ont été établis. Par rapport aux constats d’infraction, seulement 4 % des situations donnent lieu à transmission de PV[11. Ici encore nous sommes très loin des éternels couinements patronaux sur une administration qui serait obnubilée par  une sanction immédiate : « Nous demandons, là aussi, au gouvernement, à l’administration, de faire très attention à ce qu’on passe d’un climat de contrainte-contrôle-sanction qui existe depuis une trentaine d’années en France à un environnement d’accompagnement, de conseil, de motivation. Je pense même qu’au sein des administrations sociales ou fiscales, il serait bon d’éviter la sanction immédiate, le contrôle immédiat et d’avoir, comme en Angleterre, aux Etats-Unis, des administrations conseillères, qui aident et qui permettent de dire « on a détecté ça, c’est un point de dysfonctionnement, voilà ce qu’il faut que vous fassiez et vous avez 3 mois, 6 mois pour vous mettre d’équerre ».http://www.medef.com/medef-corporate/salle-de-presse/conferences-de-presse/conferences-de-presse/article/point-presse-mensuel-de-mai-2014.html].

Deux raisons principales viennent expliquer cette réticence à établir des P.V.

Tout d’abord, le manque de moyens et donc de temps pour dresser des procès-verbaux, l’investissement nécessaire à la rédaction d’un procès-verbal étant souvent plus important que la rédaction d’une lettre d’observations.

Mais, d’autre part, on peut y voir un effet du découragement des agent.es devant le sort qui est réservé à leurs procès-verbaux. Lorsqu’il y a procès-verbal, celui-ci est ensuite transmis au procureur de la République, qui demeure libre d’en faire ce qu’il veut selon le principe « d’opportunité des suites »[12. Si la loi Perben II impose une motivation au classement, cette motivation se réduit de fait bien souvent à la formule passe-partout : « infraction insuffisamment caractérisée ».]. Les données disponibles à ce sujet sont édifiantes.

Face aux protestations récurrentes des syndicats de l’inspection du travail concernant le devenir de leurs procédures, la Direction Générale du Travail (DGT) a créé en son sein un observatoire des suites pénales en 2007. Sur la période 2004-2009, près de 29 000 PV ont été dressés. Sur ce total, il s’avère que l’on a perdu la trace de presque un PV sur deux. La moitié des procès-verbaux se sont ainsi purement et simplement volatilisés ! Ce tour de magie se double d’un taux de classement sans suite de 25%. Au bout du compte, seul un quart des PV donnent effectivement lieu à des poursuites[13. http://www.sante-et-travail.fr/securite-du-travail—flagrant-deni-de-justice_fr_art_919_48804.html]. On est ici bien loin du discours sécuritaire sur la tolérance zéro et l’automaticité des condamnations. Celles-ci sont d’ailleurs dans leur immense majorité de simples amendes. En 2009, 7 082 procès-verbaux ont été dressés. Ils ont donné lieu à 1 147 poursuites, puis à 935 condamnations, dont 663 amendes et 144 peines d’emprisonnement très majoritairement assorties d’un sursis[14. http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_IT_2013_annexes_Web.pdf]. Et l’on retrouve ici la conclusion du sociologue Bruno Aubusson de Cavarlay qui déclarait en 1985 : « Veut-on caricaturer ? L’amende est bourgeoise et petite-bourgeoise, l’emprisonnement ferme est sous-prolétarien, l’emprisonnement avec sursis est populaire »[15. Bruno Aubusson de Cavarlay, « Hommes, peines et infractions : la légalité de l’inégalité », L’Année sociologique, vol. 35, n°2, Paris, 1985.].

3. Dans la tête des magistrat.es

Comment comprendre de tels chiffres ? En d’autres termes, comment s’opère ce tri spécifique des illégalismes liés au droit du travail ?

On peut commencer par écarter l’alibi technique. Les différents rapports IGAS annuels sur l’activité jugent les actes juridiques produits par l’inspection du travail comme étant plutôt de bonne qualité. Ce n’est donc pas la piètre qualité des procédures qui justifie un tel taux de classement des procès-verbaux.

Une première tentative d’explication consisterait à relever l’engorgement des tribunaux et le manque de moyens de la justice. Mais si cet engorgement est bien réel, une telle approche ne permet pas de comprendre comment s’effectue le tri des procédures et selon quels schémas de pensée.

Lors des rencontres périodiques organisées entre le parquet et les services de l’inspection, j’ai toujours été frappé par le discours des procureur.es, non pas tant par ce qu’il disait de nos procédures, mais par ce qu’il révélait de leur imaginaire pénal. Cet inconscient pénal peut se résumer par l’application de schémas de pensée de droit commun, en fait de la petite et moyenne délinquance sur les biens et les personnes, aux questions de droit du travail.

Plus précisément, cet inconscient pénal s’incarne dans l’idée plus ou moins explicitée que pour pouvoir condamner en bonne et due forme, il convient d’avoir une victime individuelle qui subit un préjudice immédiat de la part d’un bourreau, les deux étant reliés par un lien de cause à effet direct. Si l’on veut prendre un exemple, une personne agressée par une autre, voilà un schéma simple et qui correspond au sens commun judiciaire avec victime (l’agressé), bourreau (l’agresseur), préjudice (nombre de jours d’ITT éventuel) et lien direct entre l’agression et le préjudice subi.

C’est cette conception de l’infraction et de la responsabilité que j’appellerais l’inconscient de classe des magistrat.es. Conception qui témoigne d’une méconnaissance profonde du droit du travail et du monde du travail dans notre société capitaliste. La relation de travail, comme chaun.e sait, ne met pas face à face deux personnes « à égalité » mais se caractérise par une relation de subordination. C’est cette subordination qui justifie l’existence d’un droit spécifique du travail à côté des règles régissant les contrats commerciaux. Encore faut-il en tirer toutes les conséquences d’un point de vue judiciaire.

3.1. À la recherche de la victime…

Si l’employeur a un pouvoir général d’encadrement et de direction, son pendant est sa responsabilité générale concernant l’application du droit du travail, et notamment la préservation de la santé et de la sécurité dans son entreprise. Et ce, même si les infractions constatées ne correspondent pas au schéma d’une plainte  individuelle d’une victime avec un préjudice directement constatable.

Ainsi, certaines infractions ne sont littéralement pas comprises si l’on veut leur appliquer le schéma de droit commun à toute force. C’est notamment le cas des infractions au fonctionnement des institutions représentatives du personnel (IRP), comme l’absence de consultation d’un comité d’entreprise ou le défaut d’organisation d’élections de délégués du personnel.

Or, si l’on se reporte toujours aux données des suites pénales pour l’année 2009, les  procédures concernant la représentation du personnel sont celles qui sont le moins suivies par les magistrat.es : seules 23% d’entre elles ont donné lieu à des poursuites de la part du parquet. Sur ces 23% de procédures suivies, on peut encore retrancher 14% de dispense de peine et 4% de relaxe quand ces procédures arrivent en jugement.

Ces procédures ont l’inconvénient de ne pas permettre la mise en évidence de victimes ensanglantées: les enjeux ne sont alors bien souvent pas compris par les magistrat.es. Pourtant, une connaissance minimale du monde du travail ferait saisir l’importance fondamentale de l’existence et du bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel pour l’ensemble des droits des travailleur.ses  au sein d’une entreprise, et au-delà. Le désert syndical de plus en plus grand de notre société, notamment dû aux stratégies anti-syndicales du patronat bafouant le fonctionnement des IRP, devrait pourtant inciter l’Etat à en faire une priorité politique. Notre gouvernement, qui « aime l’entreprise » comme ceux qui l’ont précédé, a manifestement d’autres priorités puisque le projet de loi Macron prévoit d’alléger les pénalités concernant le délit d’entrave aux institutions représentatives du personnel, en supprimant la possibilité d’infliger des peines de prison[16. Peine de prison, faut-il le préciser, pour ainsi dire jamais appliquée. Néanmoins, en mai 2010, l’affaire Molex ayant exceptionnellement abouti à des peines de prison avec sursis contre les dirigeants américains de cette société pour ne pas avoir informé les représentants du personnel de la fermeture de l’usine, le patronat a su faire usage d’un lobbying efficace pour supprimer un tel épouvantail.].

Dans ce cadre, on pourrait penser que la thématique santé/sécurité se voit réserver un meilleur sort. L’expérience montre pourtant que la mise en évidence d’une victime directe reste tout autant incontournable. Ce qui signifie notamment que l’ensemble des infractions qui touchent au domaine de la prévention collective (durée du travail, machines non conformes hors contexte d’accident, etc.) sans plaintes directes des victimes à la barre avec un préjudice immédiatement visible sont elles aussi difficilement comprises par notre système judiciaire.  Au stade de la prévention, on ne peut distinguer ni victime, ni responsable du délit : d’où le peu d’intérêt à poursuivre et plus encore à condamner de façon dissuasive. Concrètement, il faut donc souvent attendre l’accident grave pour que soit mises en œuvre des poursuites et une condamnation effective. Pour autant, même lorsqu’il y a une victime clairement identifiable comme dans un accident du travail, il faut que la victime se porte partie civile pour espérer raisonnablement une poursuite et une condamnation. La partie civile aura alors le rôle d’incarner la figure de la victime en chair et en os, avec ses blessures et ses éventuelles séquelles et traumatismes. Le juge retombe alors dans le schéma que nous avons décrit avec une victime plaignante et un préjudice incarné. Autant dire que lorsque le salarié est toujours dans l’entreprise et qu’il ou elle souhaite y rester, il n’y a presque aucune chance pour qu’il se porte partie civile contre son employeur. Là comme ailleurs, le lien de subordination fait son œuvre dissuasive.

3.2 … et du bourreau

Une fois la victime mise en évidence vient la question du responsable.

Au premier abord on pourrait penser que cette question ne pose pas de difficulté particulière car l’auteur est le plus souvent parfaitement connu. Il s’agit de l’employeur, même si une discussion pourra éventuellement intervenir en cas de délégation de pouvoir. Comme nous l’avons déjà noté, le monde du travail capitaliste se caractérise par une relation de subordination constitutive du salariat. La subordination n’est pas une fiction juridique, elle s’incarne concrètement par un pouvoir de direction, de surveillance, de contrôle et de sanctions. En contrepartie de ce pouvoir exorbitant, le patron est responsable de l’application du droit du travail comme de ses manquements.

Pourtant, là encore, les magistrat.es essayent trop souvent d’appliquer des schémas de pensée juridique calqués sur la délinquance de droit commun, en recherchant une causalité directe entre les agissements du patron et un accident touchant par exemple l’un.e de ses salarié.es. Sur cette base, et selon la formule consacrée, les PV de l’inspection du travail sont toujours susceptibles d’être classés pour cause d’« infraction insuffisamment caractérisée » et ce,  alors même que l’infraction est parfaitement constituée et constatée par l’agent de contrôle.

3.3 La faiblesse de la pénalité en droit du travail

Si les procédures se voient appliquer des systèmes de représentation de la délinquance propres au droit commun, le droit pénal du travail est lui-même un droit pénal dérogatoire.

Sommées de se justifier en permanence selon une grille de lecture de droit commun pour éviter le classement sans suite, les procédures de l’inspection se voient en revanche appliquer un droit pénal beaucoup plus « souple » et indulgent que le droit pénal commun. Les procédures de l’inspection sont en quelque sorte perdantes des deux côtés. Non seulement, comme nous l’avons vu, les condamnations sont rares, mais les sanctions sont elles-mêmes loin d’être à la hauteur.

Dans le Code pénal, une personne qui met en danger la vie d’autrui encourt un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende, alors que les sanctions prévues par le Code du travail en matière de santé/sécurité ne peuvent excéder 3750 euros par salarié. De même, le Code pénal punit l’homicide involontaire d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende. Or, là encore, le droit pénal du travail prévu par le Code du travail se borne à une amende délictuelle de 3750 euros.

Des pénalités aussi faibles posent inévitablement la question du caractère dissuasif ou pédagogique de la sanction. Les patron.nes, pour peu qu’il.les soient bien conseillé.es par un.e avocat.e ou par des syndicats patronaux, sont parfaitement capables d’évaluer les forces en présence. Provisionner le risque du contentieux devient une stratégie patronale à part entière. Stratégie payante, lorsqu’on considère qu’une hypothétique amende leur coûtera souvent moins cher que de respecter le droit du travail.

Certes, les procureur.es ont toujours théoriquement la possibilité de requalifier pénalement les infractions constatées, selon les pénalités prévues par le Code pénal[17. Lors des différentes rencontres parquet-inspection, les procureur.es expliquent là encore qu’il.les ne peuvent pas poursuivre au pénal (au sens du code du pénal), parce que le lien de cause à effet n’aurait pas été démontré, oubliant comme il se doit le lien de subordination patron.ne-salarié.e.]. De ce point de vue, l’épisode fameux du juge De charrette, qui en 1975 avait poursuivi un employeur pour homicide involontaire suite à un accident du travail, n’est que l’exception qui confirme la règle[18. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge De Charette établit que le responsable d’un accident est « celui qui a la compétence, les pouvoirs et l’autorité ». Sa décision d’ordonner la mise en détention provisoire d’un chef d’entreprise, M. Jean Chapron, pour homicide involontaire après un accident mortel du travail provoque une immense polémique qui ne fera que mettre en évidence de façon éclatante que la pénalité de droit commun n’est pas censée s’appliquer aux employeur.euses. Le garde des Sceaux lui-même, Jean Lecanuet, n’hésitera pas à prendre à partie le « petit juge » en le menaçant de poursuites disciplinaires.]. De telles requalifications sont rarissimes et la pénalité spécifique du travail joue bien son rôle : tenir les employeurs à l’abri de la pénalité de droit commun propre à la petite et moyenne délinquance sur les biens et les personnes.

Il ne s’agit pas ici de blâmer les magistrat.es en tant que tel.le.s, mais de tenter de comprendre par quels mécanismes nous pouvons aboutir à un tel fiasco judiciaire concernant un droit touchant quotidiennement 18 millions de salarié.es.

4. Tout est négociable ! Dérégulation à tous les étages

Si la justice est si peu sensible au droit du travail, c’est aussi parce que ce droit est délégitimé par le pouvoir politique lui-même. Le droit du travail est d’abord délégitimé par un discours idéologique récurrent, pour ne pas dire omniprésent : l’idée selon laquelle le droit du travail serait « trop rigide », « trop complexe », un « frein à l’emploi », à la « croissance », etc.[19. Selon le député socialiste Jean-Marie Le Guen les « rigidités du code du travail« , représenteraient « un redoutable tabou national » et « un puissant répulsif de l’emploi ». Cité par Pierre Joxe dans un entretien avec le journal Mediapart : http://www.mediapart.fr/journal/france/191214/pierre-joxe-je-suis-eberlue-par-cette-politique-qui-va-contre-notre-histoire] Ce discours pour le moins « compréhensif » est remarquable sur fond d’inflation du discours sécuritaire fustigeant depuis près de 20 ans un supposé « laxisme » judiciaire.

Un tel discours a pour conséquence de légitimer les employeur.euses en infraction, qui non seulement ne se vivent pas comme des délinquant.es, mais se sentent conforté.es à contester le bien-fondé des contrôles de l’inspection du travail. Fanny Doumayrou relevait que « la déréliction qui frappe ce corps de fonctionnaires s’explique en premier lieu par l’injonction paradoxale qui fonde sa mission : maintenir dans les clous du code du travail des chefs d’entreprise que les gouvernements encouragent par ailleurs à prendre leurs aises ; offrir un garde-fou contre l’exploitation, mais sans jamais recevoir de l’Etat, également garant de la liberté d’entreprendre, les moyens d’assurer une réelle protection des salarié.es. »[20. Fanny DOUMAYROU, Qui défendra les inspecteurs du travail ?, Monde Diplomatique, Décembre 2012.]

Mais surtout, ce discours s’est incarné depuis 30 ans en une succession de réformes visant à déréguler le droit du travail. Ce processus s’est accéléré ces 10 dernières années, avec l’extension continue des possibilités de déroger, par  accord collectif, à la loi au code du travail dans un sens défavorable aux salarié.es. La loi a ainsi perdu de son importance au profit de la règle négociée. Parallèlement s’est opéré un renversement de la hiérarchie des normes au sein de la négociation collective avec primauté à l’accord d’entreprise, c’est-à-dire là où le rapport de force est le plus défavorable aux salarié.es. On observe ainsi un mouvement de fond vers un éclatement et une individualisation de la règle de droit, notamment sur des sujets aussi importants que la durée du travail, la rupture du contrat, la majoration des heures supplémentaires,…) Mouvement de fond qui a pour effet d’éclater le salariat et sa capacité de réponse collective.

Or, si l’on considère que le.la chômeur.se ou le.la salarié.e sont de simples cocontractant.e.s individuel.le.s, dont l’engagement personnel ne doit pas être soumis à des normes protectrices supérieures, le risque est grand que les salarié.es renoncent « librement », contre leurs propres intérêts, à un statut global créateur de droits.

Cette possibilité de renoncement « volontaire » au droit du travail commence à poindre de plus en plus. L’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2013 ouvrait notamment la possibilité de « librement » renoncer au seuil minimal de 24 heures pour les temps partiels. Ce seuil minimal était pourtant une des seules avancées de cet accord. De même certaines dérogations au repos dominical sont désormais possibles sous réserve d’un hypothétique « volontariat » du.de la salarié.e[21. Article L.3132-25-4 du code du travail.].

Le projet de loi Macron propose quant à lui de revenir sur l’article 2064 du Code civil, qui écartait les contrats de travail des procédures conventionnelles de règlement des différends[22. Selon la formulation actuelle de l’article 2064 du Code civil « aucune convention ne peut être conclue à l’effet de résoudre les différends qui s’élèvent à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient. ».]. En d’autres termes, une telle modification ouvre la voie à des accords sur des litiges relevant du contrat de travail, là où ceux-ci relevaient de la compétence exclusive des prud’hommes. Un tel renoncement « volontaire » au tribunal des prud’hommes permettrait donc un règlement à la baisse de tous les litiges, sans possibilité de recours.

Or, il faut rappeler sans cesse qu’en droit du travail il n’y a pas de volontariat, tout au plus peut-il y avoir une soumission volontaire. Comme le disait déjà Karl Marx dans Le Capital : « Le travailleur libre, qui se rend sur le marché libre pour y vendre sa peau, doit s’attendre à être tanné. » La relation salariale est ainsi une relation fondamentalement inégale ; le code du travail ne limite jamais qu’en partie l’arbitraire patronal.

L’application du droit du travail fonctionne désormais comme si ce droit dérogeait à la notion même de droit, c’est-à-dire une norme collective protectrice applicable indépendamment de la « volonté » supposée des parties. Mais un droit du travail en miettes, est-ce encore du droit, c’est-à-dire une base sûre permettant de faire valoir des droits ?

Force est de constater qu’en matière de droit du travail, les pouvoirs publics semblent donc désormais considérer que tout doit pouvoir se négocier, réalisant ainsi les vœux du patronat[23. « Nous préconisons une réforme de la Constitution afin de reconnaitre le droit à la négociation, et de permettre aux représentants des employeurs et des salariés de fixer les modalités d’application des principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale », expliquait l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot aux Échos en 2006. Cité par Laura Raim dans http://www.regards.fr/web/article/la-loi-macron-ou-comment-revenir.] au nom de la tarte à la crème du « dialogue social », l’autre nom de la dérégulation généralisée en matière de droit social.

5. On peut toujours s’arranger… de la justice pénale à la négociation administrative

La dernière étape de ce processus de négociation et d’arrangement permanents  vise à remplacer le droit pénal du travail par un jeu de négociation administrative des peines. C’est le projet initié en son temps par Michel Sapin, ancien ministre du travail, et qui trouve aujourd’hui à se réaliser dans le projet de loi Macron. De quoi s’agit-il ?

Tout simplement, de passer progressivement d’un système de sanctions pénales à un système de sanctions administratives. Au vu du bilan peu reluisant des suites pénales actuelles, le passage à un autre système de sanctions pourrait sembler séduisant. Mais passer d’un système de sanctions pénales à un système de sanctions administratives revient à sortir les employeurs des tribunaux correctionnels pour les ramener dans le jeu ouaté des négociation administratives entre gens de bonne compagnie sur la base d’un plaider-coupable. Exit l’audience publique devant un juge, remplacée par une discussion de marchands de tapis dans le bureau d’un hiérarque du ministère du travail.

Le symbole a son importance dès que l’on touche à la bourgeoisie, il n’est pas indifférent pour les employeur.euses de se voir ramené.es, pendant un temps, au rang de simples délinquant.es parmi d’autres, obligé.es de se justifier devant un tribunal correctionnel. Le passage à un système de sanctions administratives permettra d’éviter ce genre de désagréments. Les victimes et les syndicats ne pourront en revanche plus se porter partie civile sur une procédure administrative.

Cette contre-réforme s’inscrit dans un mouvement de fond de dépénalisation des délinquances complexes (fraudes fiscale et en matière de concurrence et de consommation, etc) par le passage à un système de négociation administrative[24. Concernant les impôts, on peut se reporter à l’article édifiant d’Alexis Spire paru dans le n° de février 2013 du Monde diplomatique, « Comment contourner l’impôt sans s’exiler ». Si des procédures pénales peuvent ponctuellement être engagées, le système de sanctions repose essentiellement sur la négociation administrative Celle-ci a pour particularité de moduler les possibilités en fonction de la classe sociale du contrevenant et du niveau d’infraction. En un mot le petit délinquant fiscal (non-paiement de la redevance TV par exemple) pourra au mieux négocier un étalement des paiements, là où en haut de l’échelle sociale, le grand délinquant pourra se payer le luxe de négocier le montant des amendes (notamment lorsqu’il s’agit de l’évaluation des patrimoines).]. Formellement les sanctions pénales demeurent possibles, concrètement la négociation de sanctions administratives prend  le pas sur le droit pénal.

Autre point fondamental, ce pouvoir de sanction administrative appartiendra au.à la directeur.trice régional.e, le DIRECCTE[25. Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi.], et non à l’inspecteur.trice du travail. L’enjeu est donc une véritable perte d’indépendance pour les inspecteur.trices  du travail sur leurs propres procédures. Car les directeur.trices régionaux.nales, soumis.es aux ordres des préfets notamment concernant les politiques de l’emploi, n’ont aucune garantie d’indépendance statutaire, contrairement aux agent.es du corps de l’inspection. Il.les en seront d’autant plus sensibles au chantage à l’emploi que ne manqueront pas d’utiliser les employeur.euses en infraction dès qu’il.les seront mis.es en cause.

Conclusion

Nous avons commencé notre article en situant la notion de « justice de classe » dans la lignée de Foucault comme économie générale des illégalismes dans une stratégie globale de différenciation. « L’illégalisme des biens a été séparé de l’illégalisme des droits, constate Michel Foucault. Partage qui recouvre une opposition de classes, puisque, d’un côté, l’illégalisme qui sera le plus accessible aux classes populaires sera celui des biens – transfert violent des propriétés –; que, d’un autre, la bourgeoisie se réservera, elle, l’illégalisme des droits : la possibilité de tourner ses propres règlements et ses propres lois ».

De ce point de vue, l’exemple du droit du travail nous paraît remarquable, tant la différenciation s’incarne d’un bout à l’autre de la chaîne pénale. Moyens humains dérisoires de la « police du travail » qu’est l’inspection du travail, droit pénal dérogatoire par rapport au droit pénal propre aux illégalismes sur les biens et les personnes des classes populaires, suites pénales plus qu’aléatoires et projet de passer à un système de sanctions administratives négociées. La boucle de la différenciation visant à préserver le patronat de toute confusion avec la figure infâmante du délinquant, cette naturalisation de l’illégalisme des classes populaires, est ainsi constituée. Comme le note le sociologue Laurent Bonelli, « les fraudes, les opérations commerciales irrégulières, les évasions fiscales sont renvoyées vers des juridictions spéciales et des commissions d’arbitrage plus feutrées, où dominent les transactions, les accommodements, les amendes. »[26. Laurent BONELLI, Le récidiviste, voilà l’ennemi !, Le Monde diplomatique, août 2014.]

Passer des institutions pénales à l’entre-soi d’une négociation administrative, d’une publicité infâmante des débats à la privatisation d’une procédure, quelle plus remarquable incarnation d’une justice de classe là où il est question de droit du travail, c’est-à-dire, en dernier recours, de l’état du rapport de force entre travail et capital ?

Gilles Gourc

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Intersyndical Rhônes-Alpes Tracts

Réforme Rebsapin, la lutte continue!

Le 26 mars les intersyndicales des régions Nord-Pas-de-calais et Rhône Alpes appellent à une journée de mobilisation contre la dégradation de nos conditions de travail depuis la mise en place de la réforme Rebsapin !

Depuis plus de trois mois les agents de contrôle de ces régions sont en lutte, avec les unions locales départementales de salariés, contre la dégradation de leurs conditions de travail et du service public rendu aux usagers.

Nous avons ainsi décidé collectivement de refuser la surcharge de travail imposée du fait des intérims permanents.

Face à cette situation aucune avancée réelle n’a eu lieu jusqu’à présent de la part de notre hiérarchie. Au contraire celle-ci continue à pratiquer déni, pressions, et menaces multiples de sanctions.

Par cette journée nous voulons réaffirmer le plus largement possible que :

  • Nous ne voulons pas d’une réforme qui détruit les emplois.
  • Nous ne voulons pas d’une réforme qui soumet l’inspection du travail aux velléités du patronat.
  • Nous ne voulons pas laisser notre santé au travail.
  • Nous voulons des moyens humains, matériels et juridiques pour assurer la défense des travailleurs.

Ce 26 mars, nous appelons l’ensemble des agents du ministère à nous rejoindre dans la lutte pour défendre nos conditions de travail, le service public et en finir avec le déni de notre hiérarchie face à la dégradation des services.

 
En les appels des intersyndicales de Rhône-Alpes et du Nord-Pas-de-Calais :

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Rhônes-Alpes Tracts

Du blabla et du bâton : travail réel vs organisation virtuelle

Le 11 décembre 2014 notre DGT sortait une note contre le mouvement de boycott des intérims structurels (intérim des contrôleurs refusant les entreprises de +50, postes non pourvus et non mis à la vacances, intérims des EPIT) qui se développe dans nombre d’UT depuis près d’un mois. Faut-il que la DGT soit inquiète à ce point pour pondre une note répressive sur mesure contre un mouvement social ! Cette note enjoint nos hiérarchies locales de réagir rapidement en mettant en œuvre des procédures disciplinaires. Et de fait les notes et les convocations locales commencent à pleuvoir.

Fondamentalement cette note se situe dans la droite ligne de la nouvelle orientation initiée par notre nouveau DGT qui est de traiter les mouvements sociaux internes au ministère par la répression, à défaut de pouvoir répondre à nos revendications sur le fond. Toute action directe (envahissement, occupation, boycott, refus de participer à des réunions, etc.) doit désormais être réprimée.

Mais elle témoigne également de la peur de notre hiérarchie face à un mouvement inédit qui se développe (Rhône, Haute-Savoie, Isère, Lille, Côtes d’Armor, Alsace,… ) et qui a la particularité de faire tomber le masque du mensonge institutionnel.

Car si la question des effectifs n’est pas nouvelle, nous avions jusqu’à présent en quelque sorte l’habitude de traiter notre linge sale en famille.

Ce que ne supporte pas la DGT c’est que nous assumions désormais de dire aux usagers que notre organisation du travail est devenue virtuelle et qu’elle n’est plus en mesure de répondre au minimum du service public.

Notre hiérarchie essaye alors, selon un procédé éculé, de nous culpabiliser. Puis, si la culpabilisation ne fonctionne pas, nous menace au nom de « la continuité du service public ».

Nous sommes contents d’apprendre que la DGT semble soudainement se soucier du service public. Car tant que la hiérarchie pouvait mettre un nom dans un tableau d’organisation des intérims, la réalité du service rendu aux usagers ne lui posait pas de problème. Mais un nom dans une case de tableau Excel suffit quand on est plus connecté depuis longtemps avec le travail réel.

Peu importe la souffrance des agents, les burn-outs à répétition; le mensonge institutionnel d’une organisation virtuelle peut continuer, ce seront les agents à la base et les usagers qui en feront les frais. Marche ou crève.

En revanche si collectivement nous assumons de dire que la situation des services est telle que nous ne sommes pas en mesure d’assumer les intérims permanents, la DGT s’énerve et montre les dents. Après de sentencieux discours sur la déontologie réinterprétée façon règlement intérieur, la DGT demande maintenant à la hiérarchie locale de se faire les chiens de garde du (dys)fonctionnement des services.

Mais la question n’est pas de savoir si les agents vont ou non assumer leur mission. Des agents avec 4 ou 5 intérims (comme nous le voyons régulièrement actuellement) ne peuvent matériellement pas assumer leur mission. Lorsqu’on sait que nous sommes déjà régulièrement débordés sur notre propre secteur…

Mais est-ce que nous allons continuer à reproduire à notre niveau ce mensonge institutionnel en laissant les agents surchargés craquer individuellement les uns après les autres ?

Allons-nous continuer à recevoir des usagers et les syndicats de salariés dont nous savons pertinemment que nous ne pourrons pas traiter les demandes sans leur expliquer la réalité de la situation ?

Mais, ministère du dialogue social oblige, la DGT fait les choses bien. Pour accompagner la répression celle-ci a développé un certain nombre d’éléments de langage à destination de sa hiérarchie intermédiaire pour répondre aux agents qui se plaignent.

C’est ainsi que l’on a assisté ces dernières semaines à une soudaine convergence des réponses de nos DR et autres DD sur la nécessité « d’objectiver », « de faire un diagnostic », « d’étudier les problèmes au cas par cas », « d’évaluer la réalité de la charge dans chaque situation », chaque fois que ceux-ci étaient confrontés à un mouvement collectif.

La ficelle est grosse. Face à une situation de pénurie structurelle, on individualise la question de la charge de travail pour mettre en concurrence les agents entre eux. Celui-ci qui n’aura que deux intérims permanents sera ainsi un privilégié par rapport à celui qui s’en tape 5. C’est bien foutu.

Qu’à cela ne tienne, des camarades ont récemment voulu prendre notre administration à son propre jeu et, suite à un retrait de 16 agents pour danger grave et imminent, ont demandé une enquête sur la charge de travail dans le cadre du CHSCT-R. Et là, ô surprise, ô consternation et saperlipopette ! Le DR a refusé a refusé l’enquête censé précisément évaluer la charge de travail ! Rhoo ben alors, faut savoir ! Le juge n’a finalement pas suivi l’administration (cf ORDONNANCE TA 4 décembre 2014), mais cette affaire fait surtout apparaître le nouveau discours de notre administration pour ce qu’il est : du blabla destiné à détourner les agents d’un mouvement de résistance collective en noyant le poisson et en divisant les agents.

Contre cette stratégie de répression et de division, il faut tenir bon et amplifier le mouvement ! La meilleure façon de se protéger c’est de résister collectivement !

Nous appelons également les RUC à refuser d’être les relais serviles de cette répression contre les agents qui défendent leurs conditions de travail et un véritable service public.

Nous continuons de revendiquer l’augmentation des effectifs pour répondre à la demande sociale tant à l’emploi qu’au travail.

 
L’ordonnance du Tribunal administratif du 4 décembre 2014
Le tract en pdf : tract note DGT DRH répressive

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Textes du patron

Note DGT/DRH du Ministère du travail du 11 décembre 2014

Note DGT/DRH du Ministère du travail du 11 décembre 2014

Nous constatons depuis plusieurs semaines des manifestations individuelles ou collectives (appels, pétitions, etc.) visant à inciter les agents de contrôle à :

– refuser pour les contrôleurs du travail de contrôler les établissements employant au moins cinquante salariés ; refuser les intérims liés aux postes vacants et aux absences des agents bénéficiaires de l’EPIT ;

– refuser pour les inspecteurs du travail de contrôler les entreprises de plus de 50 salariés des sections des contrôleurs du travail refusant de les prendre en charge alors même que l’arrêté d’organisation leur attribue cette mission,;

– ne pas participer aux actions collectives et aux réunions de service ;

– utiliser indûment le droit de retrait et d’alerte réservé aux situations de danger grave et imminent ;

– inviter les agents à envahir ou perturber les réunions de service ou les formations.

Ces appels doivent donner lieu à des réponses adaptées. L’administration doit à la fois faire preuve de dialogue afin d’établir un diagnostic précis de la situation, et d’arrêter les mesures appropriées mais également de fermeté dans le cas d’incitation au non respect des principes qui régissent le fonctionnement normal du service public.

Rappel des règles de fonctionnement normal.

1. Les contrôleurs du travail s’ils doivent être incités à s’engager dans le suivi des entreprises d’au moins cinquante salariés ne peuvent y être contraints.

La faculté qui leur est offerte ne doit pas vous interdire de rechercher l’accord des intéressés en rappelant notamment que des formations d’accompagnement et un appui des responsables des unités de contrôle seront mis en place.

2. Le refus des intérims et l’exercice du droit de retrait appellent un examen attentif de la situation

L’exercice du droit d’alerte et de retrait doit répondre aux conditions fixées par le décret n°82-453 du 28 mai 1982 modifié et précisé par la jurisprudence des juridictions administratives. Une fiche jointe en annexe fait le point sur l’état du droit. Tout argument tiré du seul suivi d’un mouvement collectif ne pourra être accueilli par lui-même.

Lorsqu’un agent entend exercer son droit de retrait, il convient de le recevoir individuellement pour examiner sa situation et, en particulier, les circonstances qui peuvent laisser penser à l’agent qu’il existe un risque objectif pour sa santé. Ainsi il convient d’analyser la charge de travail de l’agent et d’apporter les réponses à des situations précises de travail par la mise en œuvre des mesures d’aménagement qui pourraient s’avérer utiles (mobilisation d’agents en renfort, désignation d’agents affectés dans d’autres UT ou au pôle travail régional, définition des tâches indispensables à effectuer, etc.). A noter que dans la fiche technique consacrée aux intérims qui accompagne notre note du 4 septembre dernier nous rappelons que dans le cadre de l’intérim les agents n’ont pas à assurer la totalité des tâches normalement effectuées mais seules certaines d’entre elles.

Ce dialogue avec l’agent doit être assuré, en premier lieu, par le responsable de l’unité territoriale en lien avec le responsable de l’unité de contrôle, dans un cadre harmonisé par le CODIR régional.

S’il estime que les conditions légales ne sont pas réunies, le responsable hiérarchique fera le rappel des obligations élémentaires de service qui s’imposent à tout agent et sont justifiées par la nécessité d’assurer le maintien de la continuité du service public dans les conditions arrêtées par l’autorité hiérarchique. Si malgré ce dialogue et la mise en œuvre des mesures d’organisation adaptées les refus persistent, le processus plus formel de rappel des obligations et d’engagement des mesures statutaires doit être initié.

3. La présence aux réunions organisées par la hiérarchie et la participation aux actions collectives sont obligatoires

Sur le refus de participer aux réunions de service ou des groupes de travail ou aux réunions de service, il y a lieu de rappeler les principes suivants :

– d’une part, que tout agent de l’inspection, comme tout agent public, s’il se voit reconnaître des droits par le statut qui lui est applicable, est également tenu de respecter les obligations qui résultent de ce même statut : il s’ensuit que l’agent ne peut se dispenser de satisfaire aux obligations élémentaires de service qui sont les siennes telles que la participation aux réunions de service ou l’accomplissement d’une mission d’intérim dans les conditions et selon les modalités définies par l’autorité hiérarchique ;

– d’autre part, que chacun des fonctionnaires relevant du système d’inspection du travail se doit de contribuer à la mise en œuvre des priorités nationales et régionales concourant à la politique du travail et, par suite, à l’effectivité du droit du travail dont le système d’inspection du travail est garant dans notre République.

La conduite de l’action du service public de l’inspection du travail ne saurait dépendre du « bon-vouloir » individuel de chaque agent et le travail ne saurait donc être « à la carte ».

De même, la continuité du service public qui constitue un principe constitutionnel, ne saurait être affectée par des initiatives individuelles qui ne peuvent en aucune manière se rattacher à l’exercice légal du droit syndical, du droit de grève ou du droit de retrait.

4- Les envahissements, des réunions des instances, des réunions de service ou des actions de formation ne peuvent être tolérées

L’exercice du droit syndical, l’exercice du droit de grève et l’utilisation des chèques syndicaux répondent à des conditions légales d’utilisation. L’exercice de ces droits ne saurait en tout état de cause avoir pour objet ou légalement pour effet de justifier de tels agissements.

Il a été indiqué aux organisations syndicales représentées au CTM que les actions envisagées ne sont ni justifiées, ni admissibles sur des questions telles que le rendu compte, les actions collectives programmées, les réunions de service et de direction, ou le traitement des urgences dans le cadre des intérims.

5- Les atteintes à la dignité des agents, de la hiérarchie ou des collègues de travail doivent donner lieu à une réaction systématique, rapide et vigoureuse

Les agents agressés doivent être soutenus immédiatement par leur hiérarchie à tous les niveaux.

Les auteurs doivent faire l’objet de mesures appropriées. A cet égard, la DRÏÏ -sous-direction SD1 doit être alertée afin que les décisions pertinentes et proportionnées aux faits commis soient prises rapidement en concertation avec la DIRECCTE.

Il vous est demandé de ne pas admettre de tels comportements et de réagir sans délai.

En résumé, au regard des positions ou comportements individuels fautifs ou dès que les intentions sont exprimées, il convient que chacun des agents soit reçu par le responsable de l’unité territoriale afin que celui-ci l’informe des risques auxquels il s’exposerait en matière disciplinaire et de retenues sur salaires pour service non fait si une telle position était maintenue.

Si au terme de cet échange les positions sont maintenues par l’agent, le responsable de l’unité territoriale, après échange avec le DIRECCTE, adressera à l’agent une lettre lui rappelant ses obligations.

Si malgré ces rappels, le ou les agents persistent dans leur comportement, les mesures suivantes devront être prises :

– en cas de refus réitéré et non fondé d’un intérim, d’attitude incorrecte, d’intimidation ou d’agression d’un autre agent, de la hiérarchie, d’un représentant syndical ou de refus de participer à des actions collectives : convocation de l’agent par le responsable de l’unité territoriale en présence du responsable de l’unité de contrôle, et si nécessaire, la mise en œuvre d’une procédure de sanction disciplinaire pourra être demandée par le Direccte au DRH . La nature de la sanction sera déterminée, par la DRH, au vu des situations de fait relevées et qui devront être clairement explicitées ;

– en cas de non participation aux réunions de service, l’absence non justifiée constitue un service non fait et dans ces conditions, l’autorité administrative est tenue d’en tirer les conséquences et de procéder à une retenue sur la rémunération d’un trentième par absence constatée, étant précisé que cette retenue est une mesure de gestion et non une sanction disciplinaire et que la seule invocation par l’agent des appels émanant d’organisations syndicales ne saurait à elle seule constituer une justification valable, seul l’exercice du droit syndical conformément aux conditions qui le réglementent et l’exercice du droit de grève étant de nature à justifier une absence ;

– en cas d’actions visant à perturber ou à empêcher la tenue de réunions de service, d’instances de dialogue social ou encore de sessions de regroupement et de formation dans le cadre de l’accompagnement des agents, il convient d’une part d’identifier les auteurs des faits et d’autre part d’enclencher, par un rapport circonstancié, une procédure disciplinaire.

Vous informerez le DRH de toutes ces situations.

Vos services pourront trouver auprès du bureau de l’appui juridique et du contentieux de la sous-direction SD1 de la DRH une aide s’agissant tant de la préparation des décisions que vous serez amenés à prendre en réponse aux actions ou attitudes individuelles ou collectives contrevenant aux principes de fonctionnement du service public et au bon fonctionnement des services, qu’en cas de référés ou contentieux dirigés contre ces décisions.

Nous tenons à vous assurer que l’ensemble des directeurs d’administrations centrales restent à votre écoute pour que la troisième phase de la réforme puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles. Ils réagiront aux mots d’ordre syndicaux incitant les agents à s’engager dans des actions manifestement illicites.

De même dans la mesure où ces organisations engageraient des actions devant les juridictions en vue d’arrêter ou de ralentir le processus de déploiement des unités de contrôle, vous pourrez vous rapprocher de la DRH et/ou de la DGT en tant que de besoin pour assurer la défense de l’administration devant le tribunal saisi.

Nous sommes intimement convaincus que le dialogue approfondi avec les agents, la pédagogie de l’explicitation des fondements du service public constitutionnel que constitue l’inspection du travail, le rappel de nos valeurs permettront de trouver au plus près du terrain des réponses aux difficultés pratiques qui pourraient exister dans la mise en œuvre de la réforme. Nous sommes également convaincus que le rappel ferme de ces principes sera de nature à assurer le respect des règles statuaires et déontologiques indispensables à l’intérêt des bénéficiaires des actions conduites par le service public.

Enfin, il vous appartiendra bien entendu de vous assurer que dans cette période de changements et de modifications importantes des organisations, les conditions du dialogue le plus étroit et le plus fréquent avec les agents soit bien assuré à tous les niveaux et que les difficultés pratiques qui pourraient être rencontrées soient traitées avec toute l’attention possible,

Nous vous remercions de bien vouloir nous tenir informés des conditions dans lesquelles cette mise en œuvre s’opère et de nous signaler toute difficulté rencontrée.

Le Directeur des ressources humaines

Joël Blondel

Le Directeur général du travail

Yves Struillou

La note en pdf avec son annexe : Note DGT-DRH du 11.12.2014