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Lettre de refus de participation à l'entretien d'évaluation

Dans le prolongement à la fois de notre analyse concernant la politique du chiffre et les entretiens d’évaluation, et de notre tract concernant les entretiens d’évaluation, voici le modèle de lettre de refus que nous pouvons vous proposer :

Vous m’avez convoqué, par courrier daté du …, à l’entretien professionnel annuel le … 2013 à …

L’évaluation individuelle des performances (de son vrai nom issu du management privé) est un système essentiellement discriminatoire qui permet d’individualiser le déroulement de carrière et vise à mettre les agents en concurrence par l’attribution d’objectifs (individuels, collectifs, chiffrés ou non), définis surtout au niveau national et régional par les BOP, tout en éludant la problématique des moyens collectifs.

Il s’agit fondamentalement d’une remise en cause de notre statut, de nos acquis et garanties collectives issues du statut des fonctionnaires (égalité de traitement, ancienneté, etc.) au profit d’une individualisation érigée en norme, maintenu par un double système de gratification et de répression.

Dans un contexte marqué par de violentes attaques contre nos missions qui se traduisent notamment par de sévères suppressions de postes, l’instauration de cette technique de management vient ajouter une pression supplémentaire à la surcharge de travail que nous subissons déjà par le sous-effectif chronique de nos services, et plus particulièrement de notre section.

De plus, de nombreux sociologues et cliniciens ont décrit les effets délétères de l’organisation d’une évaluation individualisée sur la dynamique des organisations et la santé des salariés.

En effet, l’individualisme forcené nuit au maintien d’un collectif de travail et à la coopération entre agent entraînant à terme une dégradation des compétences collectives, de la qualité du travail et du service rendu aux usagers.

Concernant les risques d’atteinte à la santé, je vous invite simplement à prendre connaissance du guide DGT sur la souffrance au travail qui énumère parmi les sources potentielles de souffrance au travail : l’individualisation du salaire et des primes, la mise en œuvre inappropriée d’entretiens d’évaluation et autres techniques de management visant à isoler le salarié du collectif de travail en générant un écart dément entre le travail réel et le travail prescrit.

Pour toutes ces raisons, et en réponse à un appel syndical, j’ai l’honneur de vous informer que je ne participerai pas à l’entretien professionnel.

Compte tenu de la situation qui en résulte pour le service auquel j’appartiens, je vous informe qu’en ce qui concerne mes objectifs pour l’année 2013, je m’appliquerai à accomplir au mieux les tâches qui me sont confiées en fonction des moyens alloués et de participer au bon fonctionnement de ce service dans le cadre des moyens qui lui sont affectés.

Le Contrôleur du Travail/inspecteur/secrétaire

Le modèle en .doc : Lettre refus entretien professionnel

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Contre-contribution CNT à la contribution DGT au débat sur l’évolution du « système d’inspection »

Dans le cadre des débats en cours concernant une réforme du « système d’inspection du travail », la DGT nous a récemment gratifié d’une « contribution à la réflexion collective ». Sous l’aspect apparent d’un simple « diagnostic » et de « pistes à explorer », le document de la DGT se termine par une série de questions, clairement orientées, qui serviront de fait de base aux débats qui auront lieu des différents séminaires régionaux organisés. Nous reprenons ci-dessous l’ensemble de ces questions DGT  pour y apporter nos réponses.

La gestion (prise en compte) des complexités juridiques, techniques et de situations

Comment dans un système d’inspection du travail généraliste traiter des sujets complexes (ex : amiante, PSI, travail illégal…)

Il nous faut continuer à revendiquer une structure généraliste de la section, non comme forme majoritaire mais comme forme unique de la section. La section généraliste et territoriale est la seule forme permettant une réponse de proximité au public (c’est-à-dire aux salariés) et d’être réellement un service public. De ce point de vue si aujourd’hui la section généraliste est dominante, la spécialisation a vocation à s’étendre sans cesse si nous ne restons pas fermes sur ces principes. Si l’argument officiel est celui de la technicité ou de la complexité juridique, tout peut un jour être jugé trop technique ou trop complexe en fonction des enjeux politiques du moment.

Derrière l’argument de la technicité, le vrai problème est tout d’abord la peur que l’Etat soit mis en cause pénalement sur des questions de santé publique. A cet égard, la page 8 de la contribution de la DGT évoque « un renforcement du lien entre risques professionnels et santé publique » et d’ « une mise en cause de l’Etat et des agents sur des sujets de santé publique (amiante…) ». Les masques tombent. Outre des enjeux d’affichage politique, la spécialisation a vocation à permettre à la hiérarchie de se couvrir. De ce point de vue, moins les services auront les moyens réels de fonctionner, plus la spécialisation aura vocation à s’étendre pour colmater les brèches d’une éventuelle mise en cause pénale. En dernier recours la spécialisation des sections est donc essentiellement une question d’affichage et non une question technique et/ou de complexité juridique.

Pour que l’agent puisse faire face à des questions nouvelles et des problématiques techniques (comme pour la fusion transports), la première question est celle de la formation. Par ailleurs il existe déjà des cellules pluridisciplinaires qui permettent une aide technique, sans remise en cause de la structure généraliste de la section, et surtout, qui ne confondent pas la question technique et celle du pouvoir propre de la loi. En effet, la technique doit être une aide et non une fin. Il ne faut pas nous laisser intimider par la technique et déborder par l’expertise qui n’est pas notre métier. Car c’est bien de la conception de notre métier dont il s’agit : nous sommes des agents de contrôle chargés de faire respecter une norme, non des conseillers technique en entreprise. Une des difficultés tient néanmoins à l’inégalité d’accès aux cellules pluridisciplinaires et aux ITRM. Les grosses UT sont plus dotées que les petites, peu ou pas dotées du tout. Plutôt que de spécialiser à tout va, au détriment des usagers, il conviendrait de renforcer les possibilités de recours aux cellules pluridisciplinaires et aux ITRM sur l’ensemble du territoire.

Comment gérer la différence de distanciation entre les lieux de décision des entreprises et les lieux de contrôle (entreprises organisées en réseau, entreprises à structure complexe…)

Le constat de la déconnexion éventuelle des lieux de décision et de production ne doit pas servir de justification à une remise en cause de l’encrage territorial des agents de contrôle. En effet les salariés se trouvent avant tout sur les différents lieux de production et non au siège social. Le problème n’est pas tant de se calquer sur la structure décisionnelle de l’entreprise que d’être en mesure d’accueillir et de répondre aux demandes et aux plaintes là où elles se trouvent.

La déconnexion des lieux de production et de décision n’empêche pas la mise en cause pénale des décideurs. Seul des problèmes d’ordre pratiques peuvent exister mais ils sont liés à la faiblesse de nos prérogatives de contrôle. Ainsi, si le lieu de décision n’est pas sur notre territoire nous sommes dépendants du bon vouloir des décideurs qui viendront et/ou qui répondront… ou pas. De même, des difficultés peuvent surgir dans l’accès à certains documents non disponibles sur le lieu de production. Seule une évolution normative renforcant les prérogatives de l’agent de contrôle, notamment la création d’un véritable pouvoir de convocation, permettrait de pallier aux problématiques pratiques rencontrées.

Concernant les « Grands comptes », c’est-à-dire ces groupes étendus sur tout le territoire et jugés trop complexes par notre hiérarchie du fait de leur gestion centralisée, qu’est ce qui fait penser à la DGT que les agents de contrôle locaux ne peuvent plus contrôler les établissements dont ils ont la responsabilité ? Notons, au passage, que la « complexité » juridique d’une entreprise n’est devenue un problème pour la DGT qu’à partir de la privatisation d’un certain nombre d’anciennes entreprises publiques dont l’Etat est par ailleurs toujours actionnaire.

Du point de vue de l’efficacité de l’intervention, l’ancrage territorial de proximité n’est pas en soi un handicap. L’intervention de proximité peut être un levier et une porte d’entrée pour faire bouger l’ensemble d’une structure. Dans un cadre généraliste et territorial, et dans ce cadre uniquement, des actions coordonnées par les agents de contrôles de plusieurs secteurs peuvent néanmoins être nécessaires pour donner plus de poids aux procédures. Pour autant, la coordination des interventions et des services ne doit pas signifier uniformisation hiérarchique des réponses.

En effet, le risque est que la gestion de « ces grands comptes » se fassent par l’intermédiaire d’un référent national en lien avec la DGT avec comme conséquences, 

– d’une part, la fin de toute procédure pénale au profit de petits arrangements entre amis au niveau du ministère,

– d’autre part, la mise de côté des plaintes individuelles et locales au profit d’un lien exclusif avec les organisations représentatives au niveau national.

Ce scénario est loin d’être un procès d’intention ou une fiction. De fait toutes les interventions ministérielles et/ou de la hiérarchie locale sur ce type de structures ont toujours été très conciliantes envers les entreprises en question (périodes dérogatoires accordées par le ministère à La Poste) et, loin de soutenir les agents de base dans leurs contrôles, ont consistées à essayer d’éviter qu’il y ait des procédures pénales (ex : La Poste, Banque de France, SNCF, etc.). Après les DP « maison », le risque est d’avoir une inspection « maison » (exclusivement attaché à une entreprise) en lien direct et permanent avec la DGT. Les agents de contrôle situés sur les lieux de production doivent garder leurs prérogatives et pouvoirs propres sur leur secteur. Il faut défendre le maintien de l’indépendance de l’agent sur son territoire, seule garantie contre les pressions (politiques et/ou de notre hiérarchie) et d’une réponse possible à la demande de proximité.

Pour que la coordination de l’action puisse se réaliser entre les agents de contrôle, il convient en revanche d’améliorer la circulation de l’information et les échanges hors cadre hiérarchique. Du point de vue de la circulation de l’information, cap sitère qui est avant tout un moyen de contrôler l’activité, n’est pas satisfaisant. C’est pourquoi des groupes de travail entre agents de contrôle peuvent être envisagés pour travailler sur une coordination des interventions pour une circulation effective d’outils ou d’informations. Dans la perspective d’une coordinnation de l’action des inspections du travail à l’échelle européenne, rappelons tout de même qu’il existe déjà des outils, comme le bureau de liaison, mais que rien n’est mis en œuvre pour qu’ils soient connus des agents de contrôle et pour qu’ils aient les moyens de fonctionner et d’être efficace.

Comment mettre en œuvre les modalités d’adaptation (réglementaire, dialogue social, modalités d’intervention, fonctionnement interne) à l’évolution du contexte identifié dans le diagnostic (TPE, pluralité de statuts, PSI, approche par filière…)

Derrière une question en apparence technique, là encore, c’est la question du sens de notre métier qui est en jeu !

Non, il n’y a pas une seule façon de contrôler contrairement à ce qu’affirme la DGT, lorsqu’elle dit que l’ « exercice du contrôle est opéré de façon unique » (p.5 du document de la DGT). En effet, les agents possèdent déjà les capacités d’adaptation à chaque situation puisqu’ils peuvent adapter leurs interventions et ont l’opportunité des suites. Pour autant il n’y a pas lieu de tout adapter.

D’un point de vue réglementaire, cet argument sert systématiquement à revoir à la baisse les droits des travailleurs. S’il y a un « décalage entre la norme et la réalité » (p. 6), ce n’est pas forcément la norme qui pose problème mais avant tout la délinquance patronale (puisque c’est de cette réalité là dont on parle). La question n’est pas d’adapter la norme au niveau de délinquance patronale (ex : travail du dimanche et du 1er mai pris par la DGT) mais d’avoir une justice pénale et des outils répressifs clairement dissuasifs (amendes dissuasives en fonction du chiffre d’affaire réalisé ce jour-là et/ou fermeture administrative provisoire d’établissement). A cet égard le pouvoir politique participe lui-même à l’affaiblissement du pouvoir de la norme en accordant toujours plus dérogations et en rendant le droit difficilement applicable, comme dans le cas du travail du dimanche et la durée du travail en général. Le discours sur l’adaptation réglementaire est un argument au service de la dérégulation… rendant le droit du travail plus complexe et plus difficilement applicable. Simplifier le droit, ce n’est pas multiplier les dérogations, mais commencer par rétablir une hiérarchie des normes selon un strict principe de faveur.

Concernant l’agent de contrôle en charge du droit existant, ce discours sur une nécessité de « s’adapter » vise à pousser l’agent de contrôle à revoir à la baisse ses exigences, notamment dans les TPE/PME (voir question suivante). S’adapter en fonction « des réalités », (à cet égard, quand la DGT parle de « réalité », il s’agit toujours de la réalité économique patronale), c’est considérer qu’il convient de traiter différemment deux violations du droit des travailleurs en fonction « des difficultés économiques » que nous aura vendues un employeur. Or c’est bien dans les TPE/PME que le droit du travail est le moins respecté. Notre problème n’est pas d’ajuster les droits à la « capacité de résistance à la concurrence » pour reprendre la formule toute patronale de la DGT (page5), mais précisément d’intervenir plus et mieux là où les droits travailleurs sont les plus bafoués et sans intermédiaire IRP. Au lieu de s’interroger sur la « capacité de résistance à la concurrence », la DGT aurait mieux fait s’interroger sur la capacité de résistance des travailleurs dans les PME où les IRP sont pour ainsi dire absentes.

Parlons maintenant de l’évolution du contexte identifiée par la DGT. Concernant la pluralité de statuts, il faut commencer par rappeler que le travailleur non déclaré (p.7 de la contribution DGT) n’est pas un nouveau statut mais une infraction. Le statut d’auto-entrepreneur (salarié auto-exploité) cache régulièrement de la fausse sous-traitance et devrait être supprimé. Concernant le problème de la précarité, rappelons également que son développement ne dépend pas fondamentalement de l’action de l’inspection mais des évolutions réglementaires (cf le dernier ANI qui étend encore la possibilité de contrats intermittents).

S’agissant de « l’évolution des modes d’organisation de la production et du travail (lean, organisations apprenantes, flexibilité organisationnelle et temporelle) », il y a un sérieux besoin de formation dans nos services pour les reconnaître et le cas échéant mettre en cause pénalement leur caractère pathogène. Ce qui nécessite une vraie politique volontariste du ministère à ce niveau en terme de formation et qui ne fasse pas intervenir des publicistes de la modernité capitaliste (comme c’est trop souvent le cas avec l’intervention de cabinets extérieurs) mais des universitaires ayant réellement bossé la question.

La relation à l’usager dans sa diversité

Comment gérer la demande individuelle

En y répondant ! Si le ministère doit être « plus fort » et « en phase avec la société », et si l’on ne veut pas se payer de mots, ça signifie en premier lieu un renforcement des effectifs : il faudrait qu’il y ait trois fois plus d’agents de contrôle.

Il faut sortir de l’opposition stérile et orientée de la DGT entre demande sociale et demande individuelle. Selon la DGT (p. 9), il y aurait « une confusion entre demande sociale (ce que la société attend en terme d’identification et de traitement de problématique) et demande individuelle (ce qu’un salarié attend en terme de résolution de son problème) ». Or c’est justement la DGT qui fait cette confusion entre demande sociale, au sens de plaintes des salariés, et demande individuelle pour disqualifier le traitement de la demande sociale telle que nous l’entendons. L’argumentaire de mauvaise foi de la DGT est toujours le même en procédant par raccourcis et réductions : demande individuelle = prud’hommes = on a pas à traiter.

Outre le fait qu’une séparation stricte demande sociale/demande individuelle n’a souvent pas de sens (mais pour s’en rendre compte encore faut-il avoir des salariés en face de soi), le traitement d’une demande qui serait strictement individuelle peut permettre de déboucher sur des suites pénales (ex : harcèlement), un rappel de la loi, voire éventuellement une demande de régularisation pour l’ensemble des salariés dans la même situation.

Comment valoriser la demande sociale dans la détermination de priorités

Mais qu’appelle t-on demande sociale ? Pour savoir « ce que la société attend en terme de traitement de problématique » encore faut-il garder un contact avec le monde réel des salariés réels, sauf à considérer que la demande sociale se réduit à consulter périodiquement les bureaucraties des syndicats représentatifs au niveau national, car si la consultation des syndicats est nécessaire méfions nous de l’instrumentalisation de leur « demande sociale ». N’oublions pas que notre ministère appelle le Medef un partenaire social. S’il s’agit d’adapter les exigences des contrôles en fonction des perspectives d’emploi dans l’entreprise comme le souhaiterait notamment le medef nous nous portons en faux. Si les syndicats de salariés doivent avoir leur mot à dire, la demande sociale doit avant tout se baser sur l’expérience des agents de contrôle eux-mêmes en contact direct avec la réalité des salariés et éloigné des enjeux politique du moment.

Comment faire connaître le système d’IT (mission, organisation et mode de fonctionnement) au public et aux partenaires sociaux en particulier.

Et si nous faisions connaître notre cœur de métier ? Le ministère pourrait faire découvrir l’IT par une valorisation concrète de son action en communiquant par exemple autour des entreprises condamnées, des décisions et sanctions administratives prises… 

Comment gérer les différentes typologies d’entreprises (petites et grandes) qui ne fonctionnement et ne réagissent pas de la même façon.

Cette question renvoie à ce qui a été dit plus haut sur la volonté de trouver des « modalités d’adaptation » en fonction de la « réalité » du contexte des PME/TPE. Le droit du travail n’est pas une variable d’ajustement éventuellement applicable en fonction des moyens supposés de l’entreprise. Il n’y a pas de réponse type à appliquer par seuil sauf à institutionnaliser et généraliser une rupture d’égalité entre les salariés en fonction de la taille de l’entreprise.

Si c’est bien dans les TPE/PME que le droit du travail est le moins respecté et que nous devons renforcer nos contrôles, nous ne sommes pas là pour faire de l’accompagnement de TPE/PME comme semble le vouloir la DGT en parlant « d’un besoin de traitement spécifique aux PME en terme d’information et d’accompagnement ».

La définition et la mise en œuvre de priorités d’action

Comment partager de façon régulière et pérenne la compréhension de l’évolution des modes de production, le sens de la mission et les différentes fonctions qui s’y attachent

Des discussions entre pairs peuvent être envisagées. Ces discussions peuvent éventuellement également avoir lieu en réunion de l’inspection. Mais il convient surtout de laisser libre cours aux initiatives des agents cherchant à se réunir pour discuter métier en dehors de la présence hiérarchique. La participation à une organisation syndicale reste aussi le meilleur moyen de donner du sens à nos missions et de partager ce sens autour de collectifs de travail.

Comment identifier des priorités d’action qui seront comprises et acceptées : pourquoi, quand, comment et avec qui

Qu’entend-t-on par « définition de priorités d’action » ? Si l’on entend le choix de l’action à mener au quotidien, l’arbitrage doit rester au niveau de l’agent en contact avec le public. L’agent doit en effet garder son indépendance et celle-ci passe nécessairement par une autonomie de décision (voir les questions suivantes). Concernant la définition de priorités collectives, les faire comprendre et accepter nécessite de commencer par fonder les priorités sur la demande sociale, ce qui signifie des priorités définies par les agents eux-mêmes en contact avec les salariés. Sur les risques non identifiés par les salariés, les priorités peuvent être définies en concertation avec les organisations syndicales de salariés, la médecine du travail…

Comment piloter la mise en œuvre de ses priorités : approche collective avec implication individuelle

Qui pilote ? Seul les agents sont en mesure de piloter leur propre action. Il est nécessaire de permettre l’organisation d’une coordination de l’action par les agents de contrôle en déconnexion de l’influence hiérarchique.

Les actions collectives doivent remonter de la base, ce qui signifie mettre en place et organiser des échanges qui le permettent et, le cas échéant, des échanges avec les organisations syndicales de salariés suivant le niveau d’intervention. 

Comment renforcer l’implication de l’encadrement en appui au geste métier et à l’arbitrage

Nous reformulons la question qui nous semble mal formulée : comment se débarrasser de l’encadrement notamment de sa fonction « d’appui à l’arbitrage » ? Si, comme le remarque la DGT page 6, les agents supportent le « poids d’arbitrage lourd », il convient de souligner que le poids de ces arbitrages est du principalement au manque de moyen comme nous l’avons déjà souligné précédemment.

En effet, l’arbitrage n’est lourd que sur fond de pénurie et il devient impossible face à l’urgence permanente dans laquelle se trouve les agents. Selon la DGT (p.9) « Les agents n’ont pas de référence interne en la matière et effectuent les arbitrages individuellement ». Ainsi pour la DGT, le problème d’arbitrage n’est pas un problème de surcharge, mais une trop grande liberté individuelle voire une incompétence de l’agent : « les agents ne savent pas arbitrer entre toutes les injonctions » (p.10). Toute l’hypocrisie et la mauvaise foi est de prétendre résoudre les difficultés d’arbitrage en augmentant le prescrit (à cet égard, la note de Monsieur Lopez, DIRECCTE Aquitaine, prévoyait d’aller jusqu’à 75% d’activité programmée). En gros : ne vous inquiétez on va vous aider en vous disant ce qu’il faut faire, et surtout en commençant par ne plus traiter les plaintes des salariés.

On atteint ici des sommets de cynisme et/ou d’inconscience, non seulement une telle « solution » ne va rien résoudre, mais va même accroître la souffrance et la contradiction au niveau de l’agent, entre des demandes qui ne vont pas diminuer et un prescrit en sans cesse augmentation. Nous n’avons pas besoin de plus de prescrit, mais de moyens supplémentaires et de discussions collectives entre pairs pour faire face à l’isolement dans lequel on se trouve parfois.

Et s’il faut parler d’appui au geste métier de la part de l’encadrement, un soutien de la direction, lorsque nous sommes mis en cause par un employeur, serait le bienvenu. Au-delà, un appui au geste métier de la part de l’encadrement serait de garantir notre indépendance au lieu d’être le relais des demandes des patrons, du préfet, et des politiques locaux.

Comment renforcer l’inscription du système d’IT dans le champ de l’action publique collective

Qu’est-ce que ça veut dire ? Il ne faudra pas compter sur nous pour s’inscrire dans le champs de l’action publique « expulsion de salarié étranger » ou « lutte contre l’islamisme radical » avec le CODAF, la PAF et autres administrations si c’est l’idée. 

L’évaluation de l’impact de l’action et sa valorisation

Comment mesurer l’impact d’une action vs approche d’activité

Pourquoi mesurer et que veut-on mesurer ? Nous ne sommes pas dans une optique rentabiliste. L’idéologie de la performance est contraire à l’idée même de service public. C’est précisément l’application de cette idéologie et ses conséquences en termes de management qui détruit notre travail, décrédibilise notre action, et participe à la souffrance dans les services.

Comment valoriser l’action en interne et en externe

La valorisation n’est pas une activité spécifique à défendre. Un service public de qualité qui fonctionne et répond dans des délais corrects est la meilleure des valorisations. « Bizarrement » la valorisation devient une activité autonome quand les services publics n’ont pas ou plus les moyens de fonctionner. Concernant la « valorisation en interne », les mots ayant un sens, nous ne défendons pas non plus la mise en concurrence des agents et le fait de chercher à « valoriser » sur le dos des collègues à des fins carriéristes.

Le métier d’agent de contrôle

Contrôle de conformité

Oui ! Notre fonction est de faire respecter le droit du travail, nous ne sommes pas des gentils « animateurs », « innovateurs » ou « conseillers ». Nous ne sommes pas non plus des « médiateurs » si ce n’est pour faire pression pour régulariser une situation en faveur des salariés et éviter un recours aux prud’hommes. Ce que semble déplorer la DGT en parlant « d’une vision parfois caricaturale centrée sur le contrôle et la sanction » (p.11).

Arbitre régulateur des relations sociales

Si nous avons de fait une fonction de régulation du capital, nous ne revendiquons pas la position d’arbitre ou une quelconque neutralité. Nous ne sommes pas dans un match de foot camarade nous sommes au cœur de la lutte des classes !

Acteur du progrès social

Nous ne donnons pas à l’inspection un rôle spécifique de lobbying ou de proposition à côté ou au-dessus du mouvement social. Si les agents de l’inspection veulent être acteur d’un « progrès social » (terme vague qui veut ne pas dire grand chose) nous le concevons à travers l’investissement dans les luttes des salariés. L’inspection du travail n’est pas un monde à part et elle n’a pas vocation à initier un changement social en dehors des luttes du monde du travail dans son ensemble. Nous sommes des acteurs de « progrès social » que pour autant que nous participons aux luttes du monde du travail pour défendre ou acquérir de nouveaux droits.

Pour conclure et pour citer la DGT nous avons bien le « sentiment de ne pas œuvrer pour les mêmes missions » (p. 10). La mission que nous défendons, protéger les droits des salariés, nous l’avons rappelé lors des assises du ministère.

Le tract en pdf : Contre-contribution CNT à la contribution DGT au débat sur l’évolution du « système d’inspection »

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Motions

Répartition ou RSA-RGU : solidarité vs charité publique

Face au chômage et/ou à la dégradation des conditions de travail dans le cadre du salariat la revendication d’un revenu garanti universel (RGU) a retrouvé une nouvelle jeunesse en France dans les années 90. Cette revendication a le parfum de l’audace, l’accent de la radicalité. Elle est pêle-mêle liée au rejet des valeurs attachées au travail, au salariat, à la protection sociale assise sur les cotisations liées au travail.

Il convient pourtant de resituer la revendication du RGU, comme extension de la logique du RMI/ RSA, dans le contexte de la création du RMI. Créé en 1988 par la Gauche, il devait permettre d’assurer aux plus démunis un revenu minimal leur permettant de survivre. Il répondait à la progression massive du chômage qu’aucun gouvernement n’avait pu ou voulu juguler. La première question qu’il est permis de se poser est alors : pourquoi, alors qu’existait déjà une réponse de la société au chômage, l’assurance-chômage, a-t-il fallu mettre en place un système radicalement différent, en parallèle ? Car l’assurance-chômage, qui fait partie de ce qu’on appelle la « répartition », était un système qui fonctionnait depuis sa création en 1958. En fait, parallèlement au développement du RMI, l’assurance-chômage – dont les valeurs initiales étaient universelles – a vu son champ d’action se restreindre progressivement. Le RMI est arrivé exactement au moment voulu, comme arme fatale contre l’assurance-chômage. Comme un produit de substitution destiné à assurer une soupape de sécurité au système capitaliste, permettant de faciliter la remise en cause d’une protection sociale selon un système de répartition en laissant aux exclus un minimum vital.

Le RGU et le système par répartition sont ainsi essentiellement différents dans leurs principes, leurs financements, leur fonctionnement et les institutions qui les mettent en œuvre.

Le contrôle par l’État et le patronat

Le RMI est d’abord essentiellement différent de l’assurance chômage par son financement. Il est financé par l’impôt et non par les cotisations sociales (cad la socialisation d’une partie du salaire versé par le patronat). Financé par l’État, il est également contrôlé par lui, qui décide seul de ses modalités d’application, de son existence même. En revanche le projet initial de protection sociale par répartition prévoyait des caisses gérées directement par les travailleurs sans passer par la tutelle politique, même si le détournement du projet initial nous a amené au paritarisme.

La charité publique

Le RMI/RSA repose sur une logique distributive également foncièrement différente du système par répartition. Comme son nom l’indique, ce dernier provient de la répartition entre salariés actifs et inactifs des richesses produites. Il repose donc sur une logique de solidarité. Le RMI, lui, repose sur une logique de charité publique. C’est l’institutionnalisation étatique du principe de la dame patronnesse tandis que le patron pompe les salariés, l’État redistribue une miette des richesses aux pauvres. Ce faisant on régresse vers le vieux principe de l’aide sociale philanthropique aux miséreux du 19e.

De plus, comme cet argent vient de l’impôt, il est pompé pour une bonne part non sur les profits du patronat (la finance est très peu imposée), mais sur la faible part laissée aux travailleurs (par le biais de l’impôt sur le revenu et de la TVA).

L’individualisation

Pour finir, le RMI/RSA correspond à une logique d’individualisation consubstantielle au capitalisme. C’est l’union qui fait la force, un « vieux » principe qui sera toujours valable, alors qu’atomiser les pauvres permet de mieux les dominer. Lorsque la répartition est un droit collectif acquis collectivement, le RMI est attribué au cas par cas, en fonction de critères individuels. Le RMIste est isolé du reste de la collectivité. Il n’est plus un chômeur en attente de réintégrer le monde du travail, il est un assisté qui doit dire merci et ne pas se plaindre. La somme qu’il touche lui permet de survivre. S’il n’a pas de soutien extérieur ou des acquis antérieurs, il lui sera impossible de trouver un logement, de mener une vie sociale normale.

De l’affrontement de classe à l’opposition inclus/exclus

En déconnectant en apparence le revenu du travail le RMI/RSA met en scène une aide aux « exclus » dans une logique d’opposition exclusion/inclusion fondée sur le fait d’avoir ou pas un emploi. Par la défense du salaire socialisé il s’agit de considérer non pas des exclus qu’il faudrait aider, mais faire payer au patronat les situations de non-travail (chômage, maladie, accident, retraite). Dans ce cadre conceptuel on reste dans l’opposition capital/travail (le chômeur n’est qu’un travailleur sans emploi qui reste indirectement exploité par le capital comme variable d’ajustement).

Du RMI au RSA

Le RSA (Revenu de solidarité active) a été adopté suite à une nouvelle charge politicienne contre les « assistés ». Il est la concrétisation des pires présages concernant le RMI. Le RMIste est un assisté, il doit donc accepter n’importe quel travail. C’est le principe fondateur : on ne va pas faire survivre une armada d’inutiles sans en profiter pour les exploiter. Service du travail obligatoire, avec un salaire misérable à peine supérieur au RMI. Plus grave : pour la première fois, ce travail est déconnecté de tous les acquis et les droits liés au salariat : le travail effectué dans le cadre du RSA ne donnera lieu à aucune cotisation sociale. En clair ? Le bénéficiaire du RSA bossera, mais sans ouvrir de droits ni pour le chômage, ni pour la retraite, ni pour la maladie (dans ce dernier cas il profitera de la couverture liée au RMI mais sans que son patron cotise!). On peut ainsi parler de travail forcé.

Alors, le RGU ?

Le RGU, conçu comme l’extension du RMI, et son élévation au niveau du SMIC est donc un leurre dangereux, une arnaque d’envergure.

Pourtant, il est des prises de position qui devraient inciter à la méfiance. Les puristes libéraux et chantres politiques de la charité chrétienne se retrouvent pour revendiquer la mise en place d’un tel système. : Alain Madelin, fer de lance du capitalisme libéral en France, a toujours été partisan convaincu du RMI. Ancien animateur de Démocratie libérale, il tranche avec la vieille bourgeoisie conservatrice : moderniste, il sait quelles sont les potentialités de cette arme fatale. Christine Boutin, dans la tendance catholique intégriste de l’UMP, a eu l’occasion de rendre un rapport à l’Assemblée nationale, en septembre, dans lequel elle aussi prônait ce qu’elle appelle un « dividende universel », sur le mode « Nous sommes tous des actionnaires ! » Attribué à tout individu dès sa naissance, sans conditions, il remplacerait… l’ensemble du régime par répartition ! Plus de Sécu, de retraite, de chômage ! I C’est ainsi que la boucle se boucle.

Pour les partisans « progressistes » du RGU qui insisteront, disant que si le RMI est au niveau du SMIC, c’est vachement bien parce qu’on peut vivre sans bosser, plusieurs questions se posent :

– Qui peut croire qu’un jour, le patronat et l’État accepteront de donner suffisamment d’argent à tous pour vivre décemment sans travailler ?

– Une société faite uniquement d’inactifs peut-elle survivre ?

Sinon qui devra travailler pour que ces inactifs puissent gagner de quoi vivre décemment sans travailler ? Car dans une société, capitaliste ou non, si personne ne travaille pour la collectivité, il n’y a plus de richesses produites et donc plus de moyens de subsister !

– À qui rend-on service en soutenant la logique du RMI contre le régime par répartition ? Pourquoi ne pas tout simplement lutter pour l’extension du régime par répartition ?

Le régime par répartition

La répartition recouvre en fait deux structures : la Sécurité sociale, qui comprend elle-même l’assurance maladie, l’assurance retraite et les allocations familiales, et l’UNEDIC, qui gère le chômage.

Pour et par les exploités

En 1945, la Sécurité sociale se crée sous le contrôle des syndicats de salariés, dont sont issus les 3/4 des représentants. Ce sont les travailleurs qui gèrent un outil destiné aux travailleurs : une partie du salaire est prélevé, sous forme de cotisations sociales. Il appartient à la collectivité des travailleurs et permettra aux travailleurs inactifs de vivre, grâce à la solidarité collective.

Vocation universelle

Ce système a une vocation universelle, c’est-à-dire qu’il doit idéalement s’appliquer à tous les travailleurs actifs et inactifs. Tout inactif doit pouvoir bénéficier de ce salaire socialisé. En plus d’être un principe de solidarité effective assurant l’existence en cas de problème, c’est également une arme redoutable contre le patronat. Celui qui est assuré de toucher un salaire s’il ne travaille pas n’hésitera pas à se mettre en maladie s’il est malade, aura les moyens de refuser un travail trop mal payé ou trop pénible. Cette situation est inacceptable pour le patronat. Voilà pourquoi toute son activité est concentrée sur la destruction de ce système. Au contraire par la mise en place du RSA il est possible de faire travailler des salariés sans les cotisations sociales et les droits qui y sont rattachés normalement.

Principe révolutionnaire

La répartition est plus qu’une épine : c’est un pieu enfoncé dans le capitalisme, malheureusement pas suffisamment pour entraîner sa mort et il est vital pour les profits de s’en débarrasser. Le principe révolutionnaire de ce système comporte plusieurs niveaux:

  • il fonde son existence sur la participation de tous à la société commune, les actifs assurant la vie des inactifs en attendant de le devenir eux-mêmes ;
  • il échappe à la logique capitaliste : il est géré par les travailleurs, avec l’argent des travailleurs, il représente un système complètement alternatif au capitalisme puisque les cotisations perçues sont immédiatement reversées, il n’y a pas de capitalisation, pas d’alimentation des marchés financiers ;
  • il n’y a ni profiteurs, ni assistés ;
  • il redistribue les richesses produites.

Le régime par répartition, en tant que conquête dans le cadre de la société capitaliste, se heurte à des limites

Le principe de répartition, limité dans le cadre du capitalisme, n’abolit pas la relation exploiteurs/exploités et la production de plus-value accaparée par le capital. Tant que la répartition laissera en place une part réservée au profit, tant que les richesses produites ne seront pas intégralement socialisées, le capitalisme voudra grossir sa propre part, donc diminuer la part des salariés, donc détruire la répartition qui l’empêche de se réaliser pleinement.

Deuxième limite, la gestion paritaire des caisses par les organisations syndicales de patrons et de salariés. Les caisses (maladie, retraite, chômage) sont alimentées par une part du salaire (que les cotisations soient patronales ou salariales ne change rien, il s’agit toujours d’une part de la production qui revient in fine au salarié, sous forme de salaire net ou de salaire socialisé). Elles sont destinées aux travailleurs inactifs (malades, retraités, chômeurs). Il est inacceptable que le patronat contribue à leur gestion, ce qui constitue une mise sous tutelle des travailleurs : c’est comme si nos patrons géraient « paritairement » nos comptes en banque et avaient leur mot à dire sur la partie nette de notre salaire ! D’ailleurs, à l’origine, la Sécurité sociale était gérée majoritairement par les salariés et ce n’est qu’en 1967 que la parité a été instaurée, à cause des dissensions entre syndicats de salariés.

Troisième limite, la corruption des organisations syndicales. Selon un dossier réalisé par Capital, les organisations syndicales de salariés comme de patrons se servent allègrement dans les caisses, cela représentant selon le journaliste de cette revue environ 33 % de leur budget, soit davantage que les cotisations (environ 25 %) ! Tout le monde se tait, car beaucoup y gagnent (excepté les travailleurs) : les syndicats qui puisent, mais également l’État qui se sert aussi dans la cagnotte, en l’utilisant pour financer des réformes gouvernementales.

Quatrième limite : une évolution nettement en faveur du patronat. Depuis la création des caisses, la part relative des cotisations patronales n’a cessé de diminuer, tandis qu’augmentait la part des richesses produites, transformée en bénéfice net. Par ailleurs, le nombre des exonérations de charges augmente sans cesse et les mécanismes de compensation théorique par l’État ne fonctionnent presque jamais, le coût réel retombant la plupart du temps sur les caisses elles-mêmes. Cette limite est donc consubstantielle au système lui-même et au caractère précaire de toute conquête des travailleurs tant que le capitalisme existera.

Etablir ces limites ne permet qu’une conclusion: aucun acquis ne sera définitif tant que subsisteront le capitalisme et l’exploitation. Le régime par répartition n’en demeure pas moins un enjeu essentiel de la lutte des classes. De plus il demeure un levier essentiel de lutte en préfigurant une société débarrassée de celui-ci.

Aujourd’hui, pour la répartition

Le régime par répartition doit être notre objectif, en termes de lutte pour la défense de nos acquis sociaux et promouvoir une répartition des richesses par et pour les travailleurs. L’acharnement du patronat et de ses relais politique à remettre en cause ce système de répartition pour promouvoir un système d’assurance privé (pour les plus riches) couplé avec un système d’aide sociale minimale étatique (pour les plus pauvres) démontre, si besoin était, l’importance de l’enjeu.

Par ailleurs, d’autres dangers que nous avons évoqué plus haut menacent la répartition, de l’intérieur même du système: dégénérescence des syndicats de salariés qui en sont les cogestionnaires, ponctions effectuées par l’État et les syndicats de patrons et de salariés, etc.

Il faut donc définir des axes de lutte qui visent non seulement à préserver les acquis, mais également à reconquérir le terrain perdu et à aller au-delà. Il faut remettre l’enjeu de la répartition au coeur des perspectives révolutionnaires.

Propositions possibles

Concernant la gestion des caisses: éviction du patronat; gestion par les syndicats, mais contrôle indépendant de cette gestion. Pas de décision importante sans consultation des salariés.

Concernant les différentes caisses : réunir toutes les caisses qui avaient été séparées afin de les fragiliser pour les attaquer à tour de rôle.

Concernant le champ d’application : à tous les salariés inactifs (tous les chômeurs, tous les retraités…) selon le principe de la répartition du travail ; le chômage sert le patronat, c’est donc à lui de payer le surcoût par l’augmentation des cotisations patronales.

Concernant les ressources: stopper les exonérations de cotisations patronales et les augmenter massivement pour les ramener au moins au rapport originel.
Revenus de remplacement à 100% du revenu de référence, etc.
 
Après, il faudra descendre dans la rue !

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Articles de presse

L'Humanité : "Une grosse casse humaine"

Un article de l’Humanité sur la réforme Sapin : « Une grosse casse humaine »

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Intersyndical Rhônes-Alpes Tracts

Non au plan Sapin!

Pas de revalorisation de l’ensemble des contrôleurs, une destruction de l’inspection du travail, 540 élus, c’est un marché de dupes !

TOUS EN GREVE LE 18 FEVRIER !

La mise en place effective de ce plan va fragiliser l’inspection du travail et l’ensemble des catégories du ministère :

  • Sous couvert de prétendre satisfaire la revendication des contrôleurs du travail d’une revalorisation de leur statut, le plan Sapin ne permettra qu’à 540 d’entre eux, sur un total de 3200, de devenir inspecteurs du travail.
    Pour les 85% des contrôleurs restants, le ministre leur fait miroiter un possible « après 2015 », avec le risque qu’il leur soit ensuite invoqué des « contraintes budgétaires ».

  • L’examen professionnel risque de favoriser certains contrôleurs par rapport à d’autres. La pré sélection de dossiers apparaît en effet arbitraire, en ne garantissant pas le traitement impartial et non discrétionnaire des candidats.

  • Alors même que l’ensemble des organisations syndicales s’est battu contre l’entrée des contrôleurs du travail dans le NES, le ministre n’envisage que cette solution pour les contrôleurs qui pourront pas ou ne voudront pas passer l’examen professionnel du plan Sapin. Les contrôleurs du travail subiront donc une forme de déclassement et perdront la reconnaissance de leur technicité.

  • Le ministre table sur les départs massifs à la retraite pour supprimer un grand nombre de postes. Soit 2000 départs prévus sous 10 ans.

  • Ce plan permettra au gouvernement de prétendre que l’inspection du travail française se rapproche ou atteint la moyenne européenne, alors qu’il y aura une diminution des agents de contrôle.

  • Ce plan laisse totalement de côté la question de la revalorisation des agents de catégorie C, qui continuent, en plus, de voir leurs effectifs fondre.

  • La décentralisation en cours, les mutualisations et externalisations d’ores et déjà engagées ont des conséquences dramatiques sur la perte de mission et de fonction à l’intérieur des services (Emploi/Formation Professionnelle et services supports). Le plan Sapin participe de cette destruction.

  • Ce plan participe d’une mise en cause de l’organisation de l’inspection du travail, risquant d’entraîner la disparition des sections d’inspection territoriales et généralistes telles que nous les connaissons aujourd’hui et de couper l’inspection du travail de la relation directe avec les salariés.
    Les sections d’inspection du travail telles qu’elles résulteront du Plan Sapin, dirigées par un directeur adjoint, porteront en germe la fin de l’indépendance de l’action des agents de contrôle.

  • Le ministre Sapin tente de faire passer en force sa réforme par le biais d’un cavalier législatif déposé par le Gouvernement et voté en pleine nuit le 17 janvier… sans que ce projet ait fait l’objet au sein du Ministère d’une concertation et d’une consultation des instances représentatives. Quelles sont les raisons d’un tel empressement alors que le statut des contrôleurs du travail est en débat au sein du Ministère depuis de nombreuses années et que les organisations syndicales demandent l’ouverture de négociations ?!

C’est pourquoi nous réclamons :

  • une revalorisation de TOUS les contrôleurs du travail quelle que soit leur affectation et leur poste ;
  • une revalorisation des agents de catégorie C ;
  • une ouverture de concours notamment de C ; 
  • l’arrêt de la mise au pas de l’inspection du travail et notamment l’arrêt des menaces auprès des agents dénonçant et boycottant les outils de flicage de leur activité individuelle ;
  • au minimum, le doublement des sections d’inspection qui doivent rester généralistes et territoriales notamment pour répondre à la demande croissante des salariés.

Nous dénonçons la méthode du ministre par son passage en force, sans véritable consultation des agents et des organisations syndicales.
Nous appelons l’ensemble des agents à participer à la journée de mobilisation du 18 février (date à laquelle le DAGEMO convie les OS à une réunion ad-hoc du CTM sur le plan dit de requalification des contrôleurs du travail) pour :

  • rejeter le plan Sapin et demander de réelles négociations pour la revalorisation des agents de catégories C et B ;
  • refuser la réforme de l’inspection du travail et des pertes de missions.

RASSEMBLEMENT A 10H30 DEVANT LA DIRECCTE

Les syndicats CGT – FSU – SUD – CNT du Rhônes

Le tract en pdf : Non au plan Sapin grève 18-02-2013 – CGT SNU SUD CNT

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Rhônes-Alpes Tracts

Contre la réforme SAPIN, tous en grève le 18 février !

Le 13 décembre dernier le ministre faisait un discours à la journée de l’encadrement supérieur des DIRECCTE annonçant notamment une réforme globale du « système d’inspection ».
Sapin a habilement décidé d’inscrire la question de la revalorisation du statut des contrôleurs dans le cadre d’une réforme globale du système d’inspection entraînant ainsi confusion et inquiétudes légitimes chez les agents. Ce faisant Sapin réussit le tour de force de casser la structure actuelle des services tout en ne répondant absolument pas à la revendication de revalorisation du statut des contrôleurs.

Réforme Sapin, Une revalorisation en trompe-l’œil

La réforme inaugure :

  • la création d’un corps unique de l’inspection du travail par la disparition progressive du corps des contrôleurs du travail.
  • l’ouverture d’un examen professionnel sur trois ans permettant la requalification de 540 contrôleurs en inspecteurs du travail.

Un premier constat s’impose, avec un ministère comptant près de 3400 contrôleurs (dont 1500 en section), un examen professionnel ouvert à seulement 540 contrôleurs n’est nullement une réponse à la revendication de revalorisation du statut et de la rémunération des contrôleurs. Il s’agit d’un plan exceptionnel de promotion sur 3 ans d’une partie seulement des membres du corps. En effet, si la suppression du corps est planifiée sur 10 ans, aucune requalification n’est prévue au-delà de 2015. Est-ce à dire que l’administration compte ensuite uniquement sur les départs en retraite pour arriver à l’extinction du corps des contrôleurs ?
De plus si l’examen serait ouvert à tous les contrôleurs, le passage en IT ne pourrait avoir lieu qu’en section. Le ministre joue ainsi sur les divisions internes au sein du corps en distinguant les postes de contrôleur à l’inspection du travail de ceux à l’emploi.
Que vont devenir les contrôleurs qui ne passeront pas cet examen ou qui le rateront ?
L’absence de réponse à cette question au CTM qui s’est tenu le 22 janvier est plus qu’inquiétante. La volonté de rediscuter du NES laisse penser que les contrôleurs qui ne feraient pas parti des 540 heureux promus pourraient finalement être reclassés dans le NES. La réponse au mouvement des contrôleurs contre le NES aboutirait ainsi au reclassement des ¾ des contrôleurs dans le NES ! On croit rêver !
Que se passera-t-il également pour les contrôleurs actuellement en section et qui n’auraient pas l’examen : maintien en section ? Mais sur quelle fonction ? Ou mobilité forcée dans un autre service ?
Des questions identiques se posent pour les contrôleurs qui réussiront l’examen. Resteront-ils sur leur poste ou devront-ils participer au grand jeu de la mobilité forcée ? Enfin quels seront les critères de l’examen professionnel, sorte d’entretien d’embauche qui ne dit pas son nom ? Y aura-t-il un examen des dossiers personnels ? Le risque serait alors qu’au-delà de l’évaluation de l’expérience professionnelle, cet examen soit l’occasion de promouvoir les agents les moins revendicatifs qui respectent le plus la ligne hiérarchique comme on peut le craindre lors de tout passage « au choix ».
Si toutes ces questions restent sans réponse, le projet est lui d’ores et déjà engagé. En effet, la programmation de l’examen professionnel a été votée à l’assemblée le 15 janvier via un cavalier législatif sur le projet de loi concernant les contrats de génération.
Nous maintenons donc nos revendications et demandons l’intégration, par ancienneté, de tous les contrôleurs du travail dans le corps de l’inspection du travail, et ce d’ici trois ans afin d’éviter un éventuel changement de majorité au gouvernement. Cette revalorisation de leur statut et de leur rémunération s’articule nécessairement avec l’opportunité pour les agents de conserver leur poste, sans mobilité forcée.

La revalorisation des contrôleurs du travail, un frein à la promotion sociale au sein du ministère ?

La suppression du corps des contrôleurs du travail transformerait, selon certains, l’inspection du travail en un corps élitiste, inaccessible tant en interne qu’en externe aux catégories sociales ne disposant du niveau d’étude requis. En premier lieu, il convient de rappeler que le corps de l’inspection du travail est déjà un corps élitiste inaccessible en externe aux catégories sociales ne possédant pas un niveau de diplôme au moins égal à Bac +3.
Pour autant l’accès en externe au corps des contrôleurs est, depuis la réforme LMD, limité (95% des admis) aux candidats qui possèdent un niveau de diplôme au moins égal à bac + 3. Seul 5% des candidats admis sont titulaire d’un niveau de diplôme à Bac + 2. Cette inflation des diplômes conduit nécessairement à créer au sein de notre ministère un corps de B aussi élitiste que le corps des inspecteurs, voire une vanne supplémentaire de limitation de l’accès au corps de l’inspection pour les moins diplômés.
En effet, la promotion sociale en interne est très faible. Peu de places sont offertes au concours interne d’inspecteur (9 en 2011) et les candidats admis possèdent pour la plupart un diplôme au moins égal à bac +3. Ainsi sur 2011 seulement 33% des admis au concours d’inspecteur n’avaient pas un diplôme au moins égal à bac +3, soit 3 candidats.
De fait la suppression du corps des contrôleurs n’entraînerait donc pas la création d’un corps de contrôle plus élitiste qu’il ne l’est déjà. Cependant, cette suppression du corps des contrôleurs du travail ne doit pas se conjuguer avec la suppression ou la limitation des passerelles d’accès en interne au corps de l’inspection du travail pour les secrétaires administratifs SA.

Il nous apparaît ainsi particulièrement important d’augmenter les perspectives de promotion sociale des catégories C en SA mais également de créer une véritable mobilité sociale en interne en permettant aux SA d’accéder au corps de l’inspection du travail, notamment pour renforcer la promotion sociale entre la catégorie la plus basse à la catégorie la plus haute.
La revalorisation des contrôleurs du travail doit se conjuguer avec le maintien et le renforcement des passerelles existantes pour accéder en interne au corps de l’inspection pour les secrétaires administratifs.

De la section généraliste au système d’inspection

Ce projet aurait « l’avantage » pour l’administration de permettre de supprimer des postes, notamment d’agents de contrôle, sans officiellement avoir à le faire. En effet, compte tenu des 1000 contrôleurs et quelques 600 inspecteurs amenés à partir en retrait les 3 prochaines années le risque est grand que les promotions soient financées par de futures suppressions de postes. La décentralisation de certaines missions de l’emploi à la région permettra de plus de faire passer à la trappe une partie des effectifs. Avec la suppression du corps des contrôleurs du travail qui constitue le gros des effectifs de contrôle, plus besoin de supprimer des sections. Le gouvernement pourrait être tenté de ne renouveler que partiellement les postes d’inspection supprimant sans que cela ne se voit trop les postes de contrôle. A cet égard la circulaire du 14 janvier du premier ministre affirme le principe selon lequel « toute nouvelle dépense devra être financée par des économies en dépense ».
C’est pourquoi il est important de rappeler que nous demandons au minimum le doublement des effectifs en section d’inspection.

Si le projet de réorganisation des services d’inspection est encore flou, on semble s’orienter vers des regroupements de section sous l’autorité d’un DAI et/ou d’un DAT. C’est du moins ce projet qui est dans les cartons de la DGT et des différents rapports IGAS depuis plusieurs années, le but étant d’augmenter la part de l’activité programmée et de rogner un peu plus l’indépendance des agents.
Quid des secrétariats dans ces conditions ? Est-ce le retour des fameux pools de secrétariat ?

De plus si le ministre SAPIN a réaffirmé dans son discours le caractère généraliste du « système d’inspection », cette nouvelle structuration semble préfigurer une spécialisation accrue des nouvelles sections (ou « brigades »), notamment au niveau régional.
Nous réaffirmons qu’un véritable service public capable de prendre en compte la demande sociale ne peut passer que par le maintien de sections généralistes et territoriales de proximité.

Pour toutes ces raisons le plan SAPIN est ABSOLUMENT INACCEPTABLE en l’état !

Nous appelons l’ensemble des agents à se mobiliser contre cette réforme en participant à la grève du 18 février prochain !

Nous revendiquons :

  • L’intégration sans condition de tous les contrôleurs dans un corps unique de l’inspection du travail sous 3 ans et par ancienneté ;
  • Un droit d’option pour les contrôleurs hors section leur permettant de choisir entre le maintien sur leur poste ou le passage en section.
  • L’augmentation des perspectives de promotion sociale des catégories C en SA et des possibilités de passerelle entre SA et inspecteurs.
  • Au minimum le doublement des effectifs en sections d’inspection. 
  • Une inspection généraliste, territoriale et sans lien hiérarchique entre agents de contrôle.

En pdf : Appel à la grève du 18 février 2013

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Articles de presse

Qui défendra les inspecteurs du travail ?

Entre hostilité patronale et réformes gouvernementales

L’article de Fanny Doumayrou paru dans « Le Monde diplomatique » de Décembre 2012 est disponible : Entre hostilité patronale et réformes gouvernementales : Qui défendra les inspecteurs du travail ?
 

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Rhônes-Alpes Tracts

Rapport IGAS 2012 : le retour !

Après un premier rapport sur les sections d’inspection sorti en 2011, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) nous gratifie d’un nouveau rapport en 2012 concernant toujours les sections d’inspection. En prolongeant un contrôle qui devrait désormais être annuel, l’IGAS se positionne ainsi en corps de contrôle permanent visant à orienter et surtout légitimer la politique travail de la DGT.

Car autant dire tout de suite qu’il n’y a aucune surprise dans ce dernier rapport mais plutôt une confirmation du précédent et des orientations actuelles prises sous la houlette de la DGT. Il n’est pas inintéressant néanmoins d’y revenir pour voir ce qui nous attend.

A l’inspection du travail, on a pas de pétrole mais on a des pilotes !

La mission commence par se féliciter de la création de la DGT en 2006. Maintenant, grâce à cette autorité centrale, nous sommes sortis d’ « un fonctionnement atomisé et dépourvu de dispositif de confrontation/consolidation collective des pratiques et choix méthodologiques » (p.3). En gros avant c’était un peu n’importe quoi  et si maintenant ça va mieux c’est que la DGT nous explique ce qu’il faut faire et comment il faut le faire. En novlangue managériale ça s’appelle le « pilotage ».

Mais à quoi sert le « pilotage » et qu’est-ce qu’un « pilote » ?

Et bien c’est simple et le rapport, dans un élan de sincérité surprenant, est assez clair sur ce point. Le pilotage est l’activité consistant à définir des objectifs prioritaires en l’absence de moyens permettant d’assurer correctement sa mission de service public à vocation généraliste. On en déduit que le bon pilote est donc cette personne qui nous explique ce qu’on doit faire sur le mode : « dites moi de quoi vous avez besoin et je vous expliquerai comment vous en passer… Et en plus je peux aussi vous présenter le BOP 111 ».

On pourrait penser que ce résumé est quelque peu exagéré et orienté ; pourtant l’IGAS ne craint pas de dire que « compte-tenu de ressources et de moyens d’appui limité […] cet objectif [l’effectivité du droit] induit de développer, à partir d’une évaluation des occurrences d’irrégularité potentielles, une capacité d’analyse des champs de compétence à couvrir et l’organisation d’un ciblage des actions à conduire » (p.20).

Renforcer les contrôles et les « cibler » est un des premiers objectifs défini par le rapport. Car si l’on en croit la mission IGAS les agents ne contrôlent pas assez et ne savent manifestement pas eux-mêmes correctement évaluer les risques à couvrir.

Dans ce cadre, quid de la mission généraliste des sections et quid du traitement la demande sociale ? C’est l’objet du 2e objectif défini comme « l’amélioration de l’articulation entre une organisation très largement généraliste et des éléments de spécialisation permettant de mieux couvrir certaines problématiques ». (p.4)

Il faut d’une part renoncer progressivement à traiter la demande sociale pour répondre aux actions programmées, ce que le rapport formule joliment dans une litote comme « un manque d’équilibre entre la réponse à la demande sociale et la conduite d’actions programmées » en regrettant « le primat accordé à la réponse à la demande sociale » (p.22 et 23). Le rapport reproche ainsi explicitement à certains agents de faire du « pré-prud’homal » ou de « réguler des situations collective portées par certains IRP ». Ainsi, s’il y a surcharge de travail avec stress et souffrance au travail à la clef, ce n’est donc pas du à nos conditions de travail mais à notre incapacité à se concentrer sur les priorités fixées par la DGT. Renoncez à votre autonomie et à traiter la demande sociale et la vie sera plus belle.

Il faudrait d’autre part renforcer la spécialisation. L’argument est toujours le même celui de la « complexité de risques spécifiques ». Ainsi, sans remettre en cause explicitement la section d’inspection généraliste, le rapport plaide pour d’avantage de spécialisation en prenant pour exemple les transports, le BTP et l’amiante.

Et c’est ainsi que les IGAS réussissent une nouvelle fois à résoudre la quadrature du cercle et l’alliance de la carpe et du lapin : comment demander plus d’interventions avec toujours moins de moyens ?

Mais grâce au pilotage bien sûr !

J’aime bien ce que vous faites, mais quitte à faire de l’art, faites le en série

Comme dans son précédent rapport, la mission IGAS reconnaît « la qualité et la complexité du travail accompli par les agents de contrôle » (p.31). Parmi les points « d’amélioration souhaitables », les IGAS estiment néanmoins que nous ne faisons pas assez de PV et que ceux-ci ne sont pas clôturés assez tôt.

La mission recommande de « ramener le délai de clôture des procès-verbaux en deçà de 3 mois » (recommandation n°6, p.31). Le rapport ne pousse pas l’analyse jusqu’à s’interroger sur la raison de cet état de fait, évitant ainsi de reposer la gênante question des moyens manifestement considérée comme hors sujet. Des rappels et plus de fliquage de la hiérarchie devrait suffire à réaliser ce tour de magie si l’on en croit les recommandations du rapport, qui fait entièrement porter la responsabilité des délais de clôture des procès-verbaux sur les agents.

Concernant « le faible recours aux instruments les plus coercitifs » (PV et arrêts de travaux), la mission note néanmoins que celui-ci tient à « des facteurs nombreux qui ne mettent pas en jeu la responsabilité des seuls agents de contrôle », en notant la conception du métier, la charge de travail et la relation avec le parquet. La conception du métier peut relever d’ « une doctrine d’usage de l’outil comme mesure réservée aux situations les plus sérieuses [ou] comme moyen ultime de mise en conformité de l’employeur » (p.37). La relation avec le parquet peut quant à elle entraîner « un phénomène d’autocensure lié à un manque de réceptivité ressenti de la part du parquet ».

Sur ce dernier point nous n’attendions certes pas que des IGAS pointent une justice de classe dans les suites réservées à nos procédures mais la « réponse » proposée, des ateliers de pratiques professionnelles et des recommandations générales, renvoient, encore une fois, in fine vers les agents.

Réorganiser ou comment faire semblant de fonctionner avec moins

La mission constate dans un premier temps une situation qu’elle qualifie de « tendue » et « inégalitaire » au niveau des secrétariats (p.40). « Ces fortes disparités de moyens se combinent avec une division des tâches entre agents de contrôle et secrétariat qui est variable entre sections » (p.5).

La mission propose tout d’abord de mieux « réguler » tout ça, en reportant une partie des tâches de secrétariat sur les agents de contrôle « au regard des progrès bureautiques et de la rareté des ressources » (p.41).

Mais la situation est tellement « tendue » que la question du maintien de l’organisation actuelle des sections se pose. Sur ce dernier point la réponse de la mission IGAS est pour le moins peu claire, voire contradictoire. Les IGAS demandent d’une part « la garantie d’un effectif socle de secrétariat ».

Oui mais lequel ? Et comment garantir quoique ce soit en continuant à supprimer des postes ?

D’autre part les IGAS évoquent des « rapprochements de secrétariats entre sections » tout en affirmant l’importance de maintenir « le lien entre chaque secrétaire et une section identifiée » (p.46). Donc pas de pool… mais éventuellement une « mutualisation mesurée ».

Ce discours flou et ambigu concernant les secrétariats correspond étrangement aux discours tenus par notre hiérarchie affirmant à peu près tout et son contraire. A cet égard un « dialogue » entre la mission IGAS et la DGT est intégré dans le rapport. Aux observations de la mission sur l’organisation des sections, la DGT répond : groupe de travail ! Les fameux groupes de travail dont le rôle était de faire passer la pilule d’une réorganisation des secrétariats en pool et qui ont tourné court devant l’opposition des agents.

En attendant, la réalité est là et les faits sont têtus : on continue de ne pas remplacer tous les départs de secrétaire et la situation est effectivement de plus en plus « tendue ».

Dans un deuxième temps les IGAS dénoncent une « tendance à la sédentarisation » et préconisent d’avantage d’interventions en entreprise. Là encore à défaut d’envisager des créations de poste, les IGAS espèrent « conforter la présence en entreprise » par un tour de magie, en l’espèce « réserver des plages d’intervention » dans l’agenda des agents « au même titre que les plages de permanence physique ou téléphonique ».

De là à considérer que les agents ne font rien ou pas grand chose lorsqu’ils sont au bureau il n’y a qu’un pas que la mission IGAS n’est pas loin de franchir.

Ainsi, au lieu de s’interroger sur les raisons qui peuvent amener un agent à ne plus avoir le temps de sortir pour faire des contrôles, la mission propose un nouvel indicateur pour fliquer les agents en créant « une fonctionnalité mesurant la régularité et la teneur des contrôles en entreprise » (p.22).

Réaffirmer la politique du chiffre… tout en la critiquant (et inversement)

Suite aux suicides de nos collègues et mouvements de contestation qui ont suivi, la mission se sent obligée de rappeler : « l’obligation faite au système d’inspection du travail de rendre compte de son activité, […] qui s’imposent à tous ses acteurs » (p.9).

Néanmoins si elle estime que cette obligation est globalement respectée, un doute s’installe… et les IGAS souhaitent que la saisie soit davantage « fiabilisée ». Qu’est-ce à dire ? Que la politique du chiffre avec gratifications et sanctions à la clef amène à mentir sur le travail ? Malheureusement le rapport ne va pas jusque là. Cependant on notera la remarque suivante regrettant une « course aux chiffres au détriment d’un exercice plus serein du métier [qui] favorise une moindre rigueur dans les enregistrements informatiques » (p. 7). A cet égard 24% des lettres d’observations enregistrées dans CAP SITERE n’en seraient pas (p. 32). La mission semble également reconnaître que la « course aux chiffres » puisse favoriser l’abatage en terme de contrôle ; ou dit autrement « polariser l’activité des sections sur les interventions les plus productives » (p.49).

Et le rapport de préconiser « une pondération différenciée des interventions selon l’ampleur des investigations qu’elles recouvrent ». p.7 Au final, il n’y a absolument aucun abandon des objectifs quantitatifs (inatteignables) mais une recommandation sur un « rééquilibrage de l’évaluation entre les dimensions quantitative et qualitative » qui correspond déjà au discours actuel tenu par notre hiérarchie et dont on voit mal la mise en œuvre concrète. La réponse de la DGT aux recommandations des IGAS est à cet égard consternante : loin de remettre en cause la politique du chiffre, la DGT répond par la mise en place prochaine d’un nouveau CAP SITERE nommé « Sitère NG »…

« Faciliter l’arbitrage » ou comment réaffirmer la ligne hiérarchique

Le rapport se termine par un certain nombre de recommandations à destination de la hiérarchie et plus particulièrement de « l’encadrement de proximité ». En gros réaffirmer la ligne hiérarchique concernant « la conduite d’actions collectives et l’appui […] dédié au champ travail » p.63.

S’agissant de l’appui technique, la mission constate notamment l’apport des équipes pluridisciplinaires, d’abord expérimentales dans le cadre du premier plan national santé au travail ensuite pérennisées et généralisées. Nos IGAS auraient pu, dans ce cadre, relever l’anomalie du recrutement de ces équipes en CDD (avant éventuellement de se voir proposer un CDI au bout de 6 ans) alors même qu’elles exercent une fonction permanente dans nos services…

Toujours au nom de l’appui technique, la mission réaffirme son soutien à la création de sections spécialisées par « la désignation d’agents experts à compétence géographique élargie » (p.65). Enfin les IGAS recommandent la création de postes de « DATI » (directeurs adjoints travail inspectants) représenteraient « une forme intéressante de conciliation des missions d’animation et d’appui » et ce notamment dans le cadre de la ligne hiérarchique. L’ « animation » concernant la préparation et l’initiative d’actions collectives se situerait donc au niveau du DA… au risque de développer l’armée mexicaine des « pilotes » et autres « animateurs ». A cet égard la mission recommande, non sans humour involontaire, de « persévérer dans la clarification du positionnement des cadres » (p.67).

Comme il est prévu dans les instructions DGT sur la ligne hiérarchique, les IGAS demandent la mise en place « participative » de plan d’action annuel au niveau de chaque UT en plus du niveau national.

Pour conclure, le rapport revient sur le suicide de nos collègues et la remise en cause de la « politique du chiffre » qui s’en est suivie. Après avoir reconnu, chez « certains », « un excès de focalisation sur le nombre des interventions » et « un sentiment générateur de mal être au travail, de n’être jamais assez bon et toujours comparé à d’autres » (p.71), la DGT et les IGAS tombent d’accord pour dédouaner « le management ».

Et qu’on se rassure, la dernière recommandation (n°32) prévoit « d’assurer aux cadres territoriaux une formation au management ».

Une nouvelle fois ce rapport donne une curieuse impression de déjà vu, déjà entendu et déjà lu tant il est dans la lignée du précédent rapport et des orientations actuelles de la DGT. Derrière quelques inflexions dans le discours, on notera les injonctions contradictoires et le flou entretenu, notamment :

  • la remise en cause apparente de la politique du chiffre et la réaffirmation des objectifs chiffrés avec injonction de faire plus de contrôle en entreprise et dans le même temps plus de PV;
  • l’affirmation de l’importance du rôle des secrétariats et des projets de mutualisation due à la baisse continue des effectifs.

Et surtout un grand moment communion et de bonheur entre la DGT et les IGAS sur la volonté de « piloter », d’ « harmoniser », de « cibler », d’ « arbitrer » l’activité des agents selon les priorités de la hiérarchie et en l’absence de moyens pour rendre un service public digne de ce nom aux usagers.

A nous de réaffirmer nos priorités et notre vision du service public par la lutte collective

Le tract en pdf : Rapport IGAS 2012 inspection du travail

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3ème décentralisation, service public de l’emploi : nos revendications

Le service public de l’emploi : Oui, mais pour qui ?

Ce qui est appelé aujourd’hui le « service public de l’emploi » est le regroupement de l’ensemble des structures en charge de la « politique de l’emploi ».

La politique de l’emploi est composée de l’ensemble des mesures et financements permettant la mise en place d’actions et le financement de formations pour réinsérer les « exclus » du système capitaliste.

Or la notion d’ « exclusion » elle-même ne va pas de soi ; elle est apparue dans la seconde moitié des années 80, au détriment de la notion d’exploitation, pour désigner prioritairement les diverses formes d’éloignement de la sphère des relations de travail. Ce faisant elle individualise les causes de l’exclusion : la mise à l’écart des exclus (de la croissance, du système travail) n’a d’autres raisons que leurs propres défaillances (handicap physique ou mental, handicap social, handicap scolaire…). Là où la notion d’exploitation désigne un rapport entre classes sociales et la misère repose sur la désignation d’un responsable, l’exclusion permet de dénoncer une situation inadmissible sans en nommer les auteurs.

De fait, les mesures prises parles gouvernements successifs, depuis l’apparition du chômage à la fin des années 70, sous une forme ou sous une autre, ont pour objectif de lutter contre l’exclusion soit en « réadaptant » individuellement les demandeurs d’emploi aux qualifications exigées par les employeurs pour pourvoir les offres d’emploi disponibles soit par des aides diverses au patronat (contrats précaires et exonérations de cotisations sociales).

Au fur et à mesure des décentralisations, ces différents moyens ont été répartis entre l’Etat, les collectivités locales et diverses structures associatives. Aujourd’hui, quelle que soit l’institution qui a en charge une partie de ces mesures, elles sont toutes soumises à des objectifs quantitatifs et qualitatifs sur le nombre de demandeurs d’emploi placés , le délai de placement et le type d’emploi pourvus ainsi qu’à des budgets de fonctionnement draconiens.

Avant de se prononcer sur l’opportunité d’une troisième décentralisation, il y a donc une ambiguïté à dénoncer : en France, fin juin 2012, il y a à peine 283 000 offres d’emploi pour 2 945 800 demandeurs d’emploi (cat A), soit en prenant en compte que les offres enregistrés à Pôle Emploi représentent 20% des offres réelles, trois fois moins.

Le service public de l’emploi ne serait donc, au mieux, utile et nécessaire pour….un tiers des demandeurs d’emploi !!

Deux tiers du chômage est structurel, crée par le système capitaliste et sa recherche de toujours plus de rentabilité.

La CNT dénonce l’hypocrisie d’un service public de l’emploi, régenté par des objectifs chiffrés de placement et le flicage institutionnalisé des demandeurs d’emploi.

La CNT dénonce un système capitaliste qui maintient un chômage structurel afin d’augmenter la concurrence entre les demandeurs d’emploi.

Parce que nous estimons que les richesses produites doivent être partagées entre toutes et tous, nous exigeons le maintien d’un salaire socialisé, versé pendant les périodes en emploi et les autres, pris sur les cotisations patronales.
Parce que nous estimons que le temps de travail doit être partagé entre tous et toutes, nous exigeons une réduction effective de la durée du travail pour lutter contre le chômage.

En quoi va consister la troisième décentralisation ?

Il s’agit de regrouper les politiques publiques par thématique ou priorité (la formation, l’insertion par l’activité économique…) et de les confier à une institution unique, a priori le Conseil Régional.

Il est évident que l’éclatement actuel du financement des mesures entre les différents partenaires nuit aux usagers. Il est toutefois illusoire de considérer que le traitement de l’ensemble des projets par une seule institution permettra une prise en compte de toutes les situations. Les règles budgétaires qui régissent actuellement les institutions françaises ne le permettent pas.

Le conseil régional est-il l’instance adéquate pour le regroupement de ces financements ?

Il s’agit de déterminer si cette instance permettra de garantir une égalité de traitement entre les citoyens demandeurs d’emploi pour l’octroi de ces aides. Aucune réponse ne peut être apportée sur cette question en l’absence d’informations précises sur les modalités de la troisième décentralisation. Toutefois, si chaque conseil régional fixe librement le montant de ces aides en fonction de ces priorités et des priorités du patronat local, comme c’est le cas actuellement, alors les demandeurs d’emploi ne bénéficieront pas des mêmes aides selon leur localisation géographique. L’égalité de traitement ne sera donc pas garantie.

Une seule structure pourrait permettre cette égalité de traitement au service des travailleurs privés d’emploi : une structure auto-gestionnaire composée des demandeurs d’emploi eux-mêmes, qui déciderait des mesures à mettre en place et des aides à octroyer en terme de formation et placement dans l’esprit des bourses du travail telles qu’elles ont été conçues à l’origine du mouvement syndical. Cette structure est à créer.

En attendant la mise en place d’une telle structure, nous revendiquons que l’ensemble des personnes contribuant au service public de l’emploi soient intégrées dans les services déconcentrées de l’Etat pour des services entièrement vers l’aide des demandeurs d’emploi et non pour mettre en place un énième contrat précaire ou distribuer des cadeaux au patronat.

La CNT revendique la création d’une structure ad hoc pour la gestion de la politique de l’emploi, auto gestionnaire, composée exclusivement de représentants de salariés et de demandeurs d’emploi et qui aurait pour mission unique de distribuer les aides et dispositifs en fonction des besoins des demandeurs d’emploi.

Le devenir des agents concernés par la troisième décentralisation : une priorité de la CNT


La CNT s’engage à être mobilisée pour que l’ensemble des informations soient transmises très en amont aux agents concernés.
Quelque soit les missions faisant l’objet d’un transfert à la région, la priorité de la CNT demeurera l’égalité de traitement de l’ensemble des agents, et ce quelque soit leur catégorie ou leur statut.

Le tract en pdf : Décentralisation – Service public de l’emploi

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Le salaire socialisé

A quoi correspond ce fameux coût du travail ?

Pourquoi entend-on dire que les cotisations sociales enchérissent le coût du travail, et surtout pourquoi ce discours est-il si facilement accepté ?

C’est avant tout par une méconnaissance de ce qu’est le salaire. La confusion est également entretenue par le terme même de charges sociales, et sa division comptable totalement artificielle entre la part salariale et la part patronale. Car au fond, il n’y a que de la salariale, mais prouvons-le.

En réalité il n’y a pas le salaire d’un côté et les charges de l’autre, il y a le salaire direct et le salaire indirect.

Pour déterminer le coût du travail, donc la valeur du salaire, il faut comprendre les 3 éléments dont se compose la force de travail :

  • Les biens et services nécessaires à l’entretien quotidien du travailleur, autrement dit ce qui lui permet de survivre et d’être efficace au travail (nourriture, logement, santé, habillement, loisirs, etc.)
  • Le coût de la formation, en amont du travail effectif, qui permet au travailleur d’exécuter ses tâches.
  • Le coût de l’entretien de la famille du travailleur (nourriture, logement, école, santé, etc.) qui permet au bourgeois de trouver la génération suivante prête à être exploitée à son tour.

Il faut ajouter deux choses à cela pour comprendre le coût réel du travail :

  • La quantité et la qualité de ces biens et services, de la formation, de l’entretien de la famille et des loisirs dépendent des normes sociales et culturelles d’une époque.
  • Ces normes sont aussi l’enjeu et le résultat d’un rapport de force, d’une lutte constante entre le travailleur et l’employeur. Tantôt en faveur d’un progrès social, tantôt en faveur de l’accroissement des inégalités et de la paupérisation des travailleurs.

Certes, mais où sont les prétendues charges là-dedans ?

La socialisation du salaire

Satisfaire aux éléments nécessaires à la reproduction de la force de travail est le rôle du salaire. Et pour y satisfaire efficacement, le salaire a dû se dédoubler. Un salaire individuel et direct, payé directement par l’employeur au salarié ; et un salaire social et indirect, composé de prestations gratuites ou quasi gratuites constituant les biens et services collectifs (hôpital, crèche, par exemple). Ces prestations sont une partie intégrante du salaire, dont la réalisation est financée par la partie indirecte du salaire, appelée cotisations sociales.

Cette partie du salaire est indirecte, elle introduit une médiation dans le temps et dans l’espace : je verse aujourd’hui pour ma retraite de demain, je verse à des organismes centralisateurs qui redistribuent.

Cette partie du salaire est sociale : la centralisation des cotisations permet de rémunérer ceux qui ne pourraient pas subvenir à leurs besoins par leur seul salaire direct (hospitalisation lourde par exemple).

Mais alors pourquoi avoir mis en place ce mécanisme, et ne pas avoir simplement ajouté au salaire direct la part des cotisations ? Pourquoi ne pas verser tout le salaire directement au salarié ?

Et bien c’est le principe de l’assurance : on aura beau économiser, doubler le salaire direct, on ne pourra jamais payer le coût d’une hospitalisation un peu longue (environ 1500 euros la journée minimum). Le seul moyen est de tous verser à un organisme centralisateur, et de compter sur la vérité statistique selon laquelle peu de gens s’écartent de la moyenne : peu de gens auront le malheur de subir une longue hospitalisation.

La cotisation de tous permet la sécurité de chacun.

Que se passe-t-il lorsque l’on exonère le patronat et qu’on défiscalise à tout va ?

Certes le profit augmente, mais une part du salaire n’est pas payée : la part socialisée. La qualité des prestations sociales diminue alors, les travailleurs sont obligés de prendre sur leur salaire direct pour payer ce qui n’est plus remboursé.

Il y a une limite à cela : si le salarié meurt, tombe malade, ou se retrouve sans le sou, il ne peut plus ni travailler, ni consommer. Le capitaliste a un problème. C’est souvent l’Etat qui va renflouer les caisses sociales, et tenter de relancer la consommation ou l’emploi (contrats aidés). L’Etat essaie de financer cela par les recettes fiscales. Mais qui paye le plus d’impôts (par rapport aux capacités contributives)? Les prolétaires et les classes moyennes. Les travailleurs payent donc ce qui leur est volé avec le peu de salaire direct qui leur reste (sous forme d’impôts).

Habituellement cela ne suffit pas et l’Etat doit recourir à l’emprunt. C’est la fameuse dette publique qui augmente. Or à qui l’Etat emprunte-t-il ? Précisément à ceux qui ont été précédemment exonérés d’impôts et de charges. Les investisseurs institutionnels (banques, fonds de pensions et d’investissements, etc.) regroupent et centralisent l’argent de la bourgeoisie qui voit dans la dette d’Etat un placement sûr. La scélératesse de la bourgeoisie est sans limite puisqu’elle commence par refuser de payer une partie du salaire (exonération de charges) puis l’impôt (niches fiscales), et termine en prêtant l’argent ainsi volé à l’Etat qui va lui rembourser avec intérêt.

Le patronat n’a plus qu’à suivre sa ritournelle classique : peser pour dévaloriser la force de travail. D’œuvrer, par le plaidoyer en faveur des exonérations, à une augmentation des profits globaux, à un rétrécissement et un appauvrissement des normes de vie de la population salariée. Ainsi s’explique la dénonciation de la dette, du trou de la sécurité sociale, des fonctionnaires mammouth, de l’inefficacité du travailleur, les 35 heures, la législation sur les heures supplémentaires et les conditions de travail pour en augmenter les cadences et la durée.

Les petits patrons en réelles difficultés du fait du système capitaliste ont tôt fait d’être séduits par les discours simples et clinquants des porte-paroles de la bourgeoisie, et de penser que leur intérêt réside dans les mesures néolibérales qui ne remplissent en vérité que grandement les poches d’une petite minorité.

Au bout de la logique, on finit par plaider pour l’intégration des charges dans le salaire direct et ainsi ouvrir la voie à la privatisation de la protection sociale. Des crises massives de sous-consommation sont alors à redouter. Nous voici prêts pour un grand bond en arrière de deux siècles.

Ceci nous enseigne qu’il faut sortir au plus vite du capitalisme et du salariat (donc du patronat), de sa logique contradictoire et mortifère.