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Voter et après ?

Don’t mourn, organize!

Attribué à Joe Hill (1879-1915)

 

Ces derniers jours, vous avez été abreuvés à souhait d’innombrables courriels syndicaux destinés à recueillir votre vote.

D’emblée soyons clairs, nous ne voulons pas de votre bulletin de vote, nous n’avons présenté aucune liste à ces élections.

Nous pensons que les instances paritaires et consultatives où siègent les organisations syndicales gaspillent et canalisent une précieuse énergie.

Il suffit de lire les comptes-rendus des collègues qui siègent dans les instances pour constater le faible intérêt d’y siéger. L’administration impose ses vues et les élus ne peuvent que constater leur impuissance.

Et pour cause, dans ces instances paritaires les possibilités d’influer sur les décisions sont soumises au bon vouloir de l’administration. Nos directions tant locales que nationales n’ont jamais été aussi sourdes aux alertes des représentants du personnel, des organisations syndicales et aux revendications des agents.

Pour être francs, les directions n’en ont rien à faire des instances, au pire elles s’assoient dessus, au mieux elles prennent ça comme une formalité, une case à cocher sur le formulaire « dialogue social ».

On pourrait avoir les meilleur.e.s élu.e.s du monde présents dans les instances qu’on ne changerait rien à ce constat.

Si à ces élections le plus révolutionnaire des syndicats obtenait tous les sièges, est-ce que cela changerait quelque chose, si dans le même temps, au sein des services les capacités d’action collective étaient les mêmes qu’aujourd’hui ? Nous connaissons tous la réponse.

Le vote du 6 décembre 2018 fera plaisir à certain.e.s quelques heures, peut-être quelques jours. Mais après ?

Après nous en serons revenus au même point, car nos directions ne changeront leur politique, leurs manières de faire que si nous les y forçons.

En tant qu’agents, nous défendons un service public au service des travailleurs, des usagers. Nos hiérarques, chaque jour, font la démonstration qu’ils en sont les fossoyeurs. Comment pourrait-il y avoir dialogue entre nous ? Il ne peut y avoir que rapport de force. L’oublier c’est accepter de se faire endormir.

Notre capacité en tant qu’agent à faire changer les choses, à contrer les projets de notre patron qu’est l’État et de ses représentants se situe ailleurs que dans les instances.

C’est dans les services, au quotidien, que nous avons besoin de collectifs forts, d’organisations syndicales solides pour créer un véritable rapport de force avec les directions.

Nous ne vous proposons pas de voter mais d’être actifs au quotidien.

Nous pensons que l’organisation sous forme syndicale est la plus efficace pour défendre nos intérêts de travailleurs.

Alors, que vous votiez ou non, adhérez et participez aux luttes pour nos droits !

Notre syndicat, la CNT, propose l’action directe et porte la lutte ; mais c’est est aussi la réalisation ici et maintenant de notre projet émancipateur. Dès à présent, au sein de la CNT les principes de l’autogestion, de la rotation des mandats, de la démocratie directe, d’égalité de pouvoir sont appliqués.

Que nous votions ou pas,

ne nous lamentons pas,

organisons-nous !

 

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Intersyndical Tracts

25 novembre : journée internationale pour l'éradication des violences envers les femmes

Au ministère du travail : #nousaussi réclamons que cela cesse enfin !

Manifestons le 24 novembre 2018 !

En novembre dernier, nos organisations syndicales initiaient une campagne de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, en commençant par une démarche de recensement des violences auxquelles les femmes du ministère du travail ont été confrontées, par le biais d’un questionnaire anonyme en ligne. Nous communiquions en février 2018 ses résultats édifiants : les agissements sexistes sont fréquents et tolérés dans les services et des collègues ont été victimes de violences sexuelles, sans généralement trouver le soutien qu’elles étaient en droit d’obtenir de notre administration.
Nous ne disposions pas auparavant d’éléments statistiques sur la question puisque notre ministère n’a jamais jugé utile de diligenter une enquête.
564 femmes nous avaient répondu (pour un panorama exhaustif des réponses vous trouverez sur nos sites internet le tract d’analyse du questionnaire de février 2018) :

  • 5% indiquaient que la pornographie est présente sur leur lieu de travail;
  • 26% des agentes avaient vécu une ou plusieurs situations d’attitudes insistantes et gênantes;
  • 20% répondaient avoir été victimes d’avances sexuelles non souhaitées.
  • Il ressort des réponses que face à ces situations de violences sexistes et sexuelles, malgré l’impact sur leurs conditions de travail et leur vie personnelle, les agentes restent souvent silencieuses ou ne trouvent pas de soutien lorsqu’elles osent prendre la parole : 2,8% seulement ont vu leur agresseur sanctionné. Des situations de harcèlement sexuel notoire n’ont donné lieu à aucune poursuite disciplinaire.
  • Les réflexions et blagues sexistes sont proférées dans la plus grande impunité.

Alors que l’égalité entre les femmes et les hommes a été brandie comme grande cause nationale du gouvernement nous ne voyons pas grand-chose venir en matière de lutte contre les violences faites aux femmes dans nos services.
Pourtant, dans ce ministère, des sanctions tombent. Notre hiérarchie est capable d’une diligence foudroyante quand il s’agit de réprimer l’expression syndicale, comme nous avons pu le voir à plusieurs reprises cette année et l’année dernière.
intersyndicale-CNT-CGT-SUD-balance-ton-porc-ministere du travail
Pas de doute : au ministère de Mme Pénicaud il fait meilleur être harceleur sexuel que syndicaliste !
On nous assomme de mails par lesquels chaque semaine le ministère se gargarise de l’obtention de ses labels en toc et organise des journées avec l’ensemble des ministères sociaux. Et pendant ce temps :

  • Où en sommes-nous de la formation et de la sensibilisation obligatoire de l’ensemble des agent-e-s sur la prévention des violences sexistes et sexuelles ?
  • Comment croire à un traitement diligent et approprié des signalements faits par les agentes alors que l’on constate un peu partout des entraves régulières aux CHSCT ?
  • Les collègues qui se sont tournées vers la cellule d’écoute des ministères sociaux en font un bilan plutôt négatif, d’autant que son champ de saisine est limité aux discriminations, le ministère n’ayant pas jugé utile aux situations de sexisme.  Après de tels retours, diriger des collègues en situation de détresse vers elle semble inutile, si ce n’est contreproductif.
  • Quand, enfin, pourrons-nous espérer voir sanctionnés les auteurs de violences à la hauteur de ce qu’ils font subir à leurs victimes en termes de conditions de travail et d’état de santé ?

Face à l’inertie coupable de l’administration, nos syndicats ont décidé de ne pas lâcher le morceau face à l’administration, dans les instances, dans les services !
Si vous êtes victimes de violences sexistes et sexuelles vous trouverez sur nos sites internet les noms de référentes sensibilisées à contacter pour un conseil, un soutien, une demande d’intervention.

Nous appelons les collègues à participer aux manifestations et rassemblements partout où ils ont lieu. Une grande manifestation nationale aura lieu le 24 novembre à Paris.

Une violence contre l’une d’entre nous est une violence contre #noustoutes
women unite - solidarity with womens struggles all over the world

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Mis en avant Tracts

Réformes des retraites: prochaine étape de la destruction de la Sécurité sociale

« ne parlez pas d’acquis, en face le patronat ne désarme jamais. »

Ambroise Croizat

 
La nouvelle cible annoncée du gouvernement sera le régime des retraites, institution majeure de notre société garantissant une certaine solidarité (bien mise à mal au gré des dernières réformes) entre les générations. Le principe est déjà annoncé : la retraite par points, mais le gouvernement préfère attendre que les élections européennes soient passées avant d’annoncer les mesures concrètes. Néanmoins les grandes lignes sont connues.

Les conséquences des précédentes réformes

Les conséquences des précédentes réformes se font déjà largement sentir sur la santé des travailleurs. Avec le passage de la retraite à 62 ans, le nombre et la durée des arrêts maladie des travailleurs de plus de 60 ans n’a cessé d’augmenter. Rien d’étonnant à cela : les TMS (troubles musculo-squelettiques) ne s’arrangent pas avec l’âge et, quel que soit le mal dont on souffre, continuer à travailler alors qu’on devrait pouvoir souffler un peu affecte nécessairement la santé.
Des économistes s’alarment du coût de ces arrêts maladie, qui serait de 7 milliards d’euros par an. Et des médecins pestent désormais contre l’injonction qui leur est faite de limiter les arrêts maladie, alors que ces travailleurs âgés ne peuvent s’en passer, faute de revenus suffisants.
Tout ceci illustre les conséquences d’un système où les travailleurs sont pressés comme des citrons et contraints de travailler parfois jusqu’à la tombe. Plus d’un siècle après les premières retraites ouvrières, nous ne sommes pas loin d’être revenu.e.s à ce qu’on appelait à l’époque « la retraite des morts ».
Pourtant le gouvernement veut aller plus loin. …

Retraites par points kesako ?

Là où les précédentes réformes portées par des gouvernements antérieurs visaient toujours à reculer l’âge de départ à la retraite, et à allonger le nombre d’annuités nécessaire pour bénéficier d’un régime à taux plein, le pouvoir actuel annonce une refonte de notre modèle de cotisation. En effet, derrière la mort annoncée des régimes de retraite spéciaux, il s’agit de remplacer le système de cotisation par trimestre par un système à points.
L’alibi, comme toujours quand il s’agit de niveler par le bas les droits sociaux, sera celui de l’égalité entre les différents régimes de retraite, morcelés aujourd’hui en une quarantaine de régimes différents. Le gouvernement vise un nouveau système dit « universel », valable pour tous, le public comme le privé, et calculé en points accumulés tout au long d’une carrière. Les experts en communication du gouvernement se sont bien activés et le même leitmotiv n’a pas tardé à être repris par tous les politiciens d’En Marche : « un euro cotisé va ouvrir les mêmes droits pour tous ». De son côté, la ministre Agnès Buzyn martèle à qui veut l’entendre que le projet en cours d’élaboration institue une « universalité des droits » inédite. Afin de leurrer son monde le gouvernement s’est même engagé à maintenir la possibilité de partir à 62 ans.
Voilà pour la communication.
La réalité va être une paupérisation croissante des retraités. Aujourd’hui, le régime de base de la sécurité sociale fonctionne sur la base des annuités de cotisation : c’est le nombre de trimestres cotisés qui ouvre le droit à une retraite à taux plein. Le montant de ce taux plein est calculé à l’aune des meilleures années du travailleur.
Avec le système à points, on cotise désormais tout au long de sa vie pour obtenir les dits points, mais impossible de connaître leur valeur. Impossible donc de savoir à l’avance le montant de sa retraite. Le gouvernement pourra ainsi mécaniquement faire baisser le montant des pensions de l’ensemble des retraités en réduisant simplement la valeur dudit point.
Ainsi dans une logique de retraite par points, il n’y a plus réellement d’âge légal de départ à la retraite. Chacun devient le seul responsable de son propre sort en fonction du nombre d’euros cotisés tout au long de sa vie. Et chacun pourra rapidement vérifier qu’il n’a pas le nombre de points suffisant pour pouvoir partir à 62 ans.
En Suède, où la retraite par points est déjà mise en place, l’âge de départ officiel est toujours fixé à 62 ans, mais les Suédois font leurs comptes et sont de plus en plus nombreux à retarder cette échéance pour toucher une retraite plus importante. Peu importe l’âge légal, on part quand on en a les moyens financiers.
Ce faisant ce projet de réforme s’attaque également aux plus précaires en calculant les pensions sur l’ensemble de la vie active. Avec la fin du système de calcul de la retraite sur la base des meilleures années, ce sont les carrières les plus hachées, les plus entrecoupées de périodes de chômage ou d’arrêts qui se voient particulièrement impactées par la réforme : les femmes, les intérimaires, les précaires, etc. Ici, c’est l’ensemble de la vie active qui pèse dans le calcul ce qui tend à tirer les pensions vers le bas. Un tel système est d’autant plus inquiétant qu’il prend place dans un contexte socio-économique où le modèle du CDI reflue toujours davantage pour laisser la place à des formes de contrats de travail plus précaires et volatiles et qui condamnent nombre d’entre nous à des périodes d’inactivité forcées.
Ainsi, sous le vernis « égalitaire » que nous vendent communicants et politiciens, le nouveau système de retraite qui se profile n’en reste pas moins bien plus inégalitaire et injuste que celui qui prévaut actuellement.

Le projet du gouvernement : la destruction totale de la sécurité sociale

C’est bien à un projet politique d’ensemble auquel nous sommes confrontés. Après l’assurance-chômage début août, après l’assurance-maladie, le gouvernement s’attaque donc à notre système de retraite. Il y a un point commun à toutes ces contre-réformes : en finir avec le salaire socialisé (les cotisations sociales, comme part de notre salaire, payées par les employeurs) pour fiscaliser une protection sociale minimale et donner le reste au privé. A cet égard, depuis le 1er janvier, 60 % des retraités actuels (soit 7,5 millions de personnes) ont déjà subi la hausse (1,7 %) du taux de la contribution sociale généralisée (CSG) qui a été décidée par le gouvernement pour compenser la suppression des cotisations maladie et chômage basées sur les salaires.
Le patronat a toujours rêvé de revenir sur le principe même de la sécurité sociale entendue comme protection sociale basée sur un salaire socialisé (le salaire brut) financé par les employeurs. Il est aujourd’hui en passe de gagner. Cette contre-révolution nous fera passer à une protection sociale minimale au rabais financée par l’impôt (donc financée cette fois par tous les citoyens), le reste dépendant du privé, c’est-à-dire des moyens de chacun.
Mais que l’on ne s’y trompe pas ! Si l’État reprend la main sur la sécurité sociale à travers l’impôt ce n’est sûrement pas pour offrir le même niveau de prestations. Auparavant la part du salaire socialisée revenait directement à la sécurité sociale sans pouvoir être affectée ailleurs. Les revenus du travail retournaient aux travailleurs. Désormais, c’est l’État qui décidera quelle part de son budget doit être affectée au financement de la protection sociale. Ainsi ce projet, par l’insécurité qu’il instaure en matière de pension, fera également la part belle aux fonds de pension privés qui déjà se frottent les mains à la perspective de l’afflux que va provoquer chez eux cette réforme. A cet égard le système suédois comporte aussi un volet obligatoire par capitalisation.
Là où la sécurité sociale, conçue un salaire socialisé, permettait d’appliquer concrètement le principe « de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » ; le nouveau système de protection sociale, fondé sur le couple fiscalisation/privatisation, fera dépendre toujours plus le niveau des prestations sociales des moyens personnels de chacun.
Parallèlement il serait bien entendu naïf de croire que la disparition successive des cotisations chômage, maladie, et bientôt retraite, va entraîner une quelconque augmentation du salaire net qui compenserait la perte. C’est donc bien à un hold-up global sur nos salaires auquel nous assistons. Ce hold-up se met en place progressivement, mais sûrement, sans réelle réaction.

Pour conclure…

Bien sûr, à l’heure où le gouvernement ne cesse de s’attaquer aux droits, aux allocations, aux institutions du service public, il est plus que jamais nécessaire de préparer l’organisation d’un mouvement social d’ampleur capable de faire plier un gouvernement. Mais il nous faut aussi remettre en avant l’exigence première de la gestion des caisses de retraite par les organisations syndicales. Cette revendication de gestion des caisses par les organisations syndicales engage à remettre en avant le contrôle de la richesse et de sa répartition par les producteurs eux-mêmes. Elle remet au cœur de la vie syndicale, le réel exercice du contrôle des mandats dans la gestion des caisses sociales. De même, cette revendication doit être une porte ouverte sur des horizons nouveaux en nous invitant à penser un projet de société organisée par les travailleurs eux-mêmes, débarrassée de l’individualisme et des valeurs liberticides, délétères, concurrentielles que prônent patrons et politiques, possédants et exploitants.
 
Le tract en pdf : Réforme des retraites

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Rapport LECOQ: sale temps pour la santé au travail

La députée Charlotte Lecocq (LaREM) a remis son rapport sur la santé au travail intitulé «Vers un système simplifié pour une prévention renforcée » le 28 août dernier.
Après la suppression des CHSCT, et la révision au rabais du compte pénibilité, nous n’attendions rien de positif de ce rapport en matière de santé au travail. Et, de ce point de vue, Madame LECOQ ne nous a pas déçus. Un intitulé plus proche de la réalité aurait pu être « Vers un système TRÈS simplifié pour une prévention au rabais ».
Dans les faits, ce rapport propose d’une part de fusionner les différents organismes de prévention et d’autre part de libérer les employeurs d’une série d’obligations. Au-delà une déréglementation généralisée des questions de santé au travail se profile.

« Pilotage » public/agences privées

Le rapport invoque tout d’abord un manque de visibilité et de clarté entre les différents acteurs de la prévention de la santé au travail. La première proposition mise en avant par ce rapport est de fusionner les différents organismes de prévention par la création de guichets uniques régionaux qui réuniraient les services de santé au travail, les représentations régionales de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), les agents chargés de la prévention au sein des Carsat, l’OPPBTP et l’INRS.
Le scénario prévu est celui d’une structure à deux étages.
Au niveau national, un organisme public intitulé « France Santé Travail », placé sous la tutelle des ministères du Travail et de la Santé, concevrait et « piloterait » les programmes de travail à travers le Plan Santé au Travail et contractualiserait ensuite, sur la base d’un cahier des charges national, avec des structures régionales.
Le financement, ou non, dépendra de la contractualisation de ces objectifs par les structures régionales. Ainsi la répartition des dotations sur l’ensemble du territoire pourrait être décidée par la nouvelle structure nationale de prévention. On imagine déjà la course à la valorisation et à l’affichage induite par ce mode de financement.
Derrière la fusion se pose également, et inévitablement, la question des moyens humains dédiés. De fait toutes les institutions citées sont déjà soumises à la diète depuis plusieurs années. On peut facilement imaginer que cette fusion, comme chaque fois qu’il y a fusion, sera l’occasion de continuer à faire des économies.

Refonte du financement

S’agissant du mode financement, c’est la logique assurantielle de la CARSAT qui l’emporte.
Le rapport préconise une cotisation unique pour les employeurs : « Les contributions financières des entreprises pour les structures régionales de prévention et celles concernant l’OPPBTP pour les entreprises qui en relèvent, pourraient être regroupées avec celles des AT-MP au sein d’une cotisation unique “santé travail” directement recouvrée par les Urssaf. »
Sur une base mutualisée, le montant de cette cotisation serait ensuite modulée en fonction des risques spécifiques de l’entreprise et/ou de son « engagement » (c’est-à-dire de son non engagement) en matière de prévention. Il s’agit d’une extension de la logique déjà à l’œuvre aujourd’hui avec la CARSAT.

Vers le contrôle « bienveillant »

Avec toujours la volonté de « clarification » des rôles de chacun, si l’organisme « France santé travail » n’assurera « aucune mission de contrôle », Madame LECOQ semble vouloir que les DIRECCTEs se centrent, elles, sur le contrôle.
Mais quels contrôles ? Sitôt que l’on creuse un peu, cette dernière développe une conception particulière des obligations en matière de santé et sécurité. Car c’est bien l’allergie au contrôle et à la sanction des employeurs qui prédomine dans ce rapport.
Car il faut comprendre ces pauvres patrons, ils vivent dans la terreur d’être contrôlés : « un climat de méfiance entre employeurs et services de contrôle (inspection du travail et Carsat notamment) s’est installé, il en découle une peur pour le chef d’entreprise de solliciter leur avis et donc une relation très faible ». De la même façon ils perçoivent qu’au cours de l’intervention des services de santé au travail et du médecin du travail leur est fait « un procès d’intention qui amène un comportement de contrôle beaucoup plus que de conseil à leur égard ».
Les quelques 600 morts annuel liés aux accidents du travail ? Les maladies professionnelles dont l’augmentation des cancers ? les TMS, l’augmentation des maladies psychiques avec les inaptitudes comme seules portes de sorties ?
Il est notable de constater à cet égard qu’un autre rapport, sur la prévention des risques chimiques rédigé par Paul Frimat, et proposant une série de mesures coercitives vis-à-vis des employeurs pour réduire l’impact des expositions chimiques, n’a lui curieusement jamais été rendu public.
Tout ça ne serait qu’un problème de « confiance », surtout pas de procès d’intention on vous dit !

Les solutions du rapport LECOQ ?

Tout d’abord, à l’heure de la promotion généralisée du management par la « bienveillance », Madame LECOQ promeut le « contrôle bienveillant » bien sûr. Il faut développer une « relation renforcée mais bienveillante, dirigée vers le conseil et l’accompagnement avant contrôle et éventuelles sanctions. »
Ainsi, dans une inversion de responsabilité éhontée Madame LECOQ nous explique que c’est le poids des obligations et des sanctions imposées qui nourrirait le désengagement  des employeurs sur la question de la santé et la sécurité. Page 29 :« Plus gravement, notre système de santé au travail est jugé décourageant car il assimile santé au travail avec contrainte, voire sanction. »
Il faudrait donc tout d’abord rassurer les patrons tétanisés par la terreur des obligations et des sanctions, qui n’oseraient plus bouger alors qu’ils ne demanderaient qu’à bien faire. La recommandation n°4 propose ainsi une approche « valorisante » au lieu « de la seule menace de la sanction ». Allégeons les obligations en matière de santé et les patrons libérés, délivrés s’engageront à fond, et sans qu’il soit besoin de sanctions, dans la promotion de la santé et sécurité de leurs salariés.

Vers une déréglementation de la santé au travail

Ensuite, et surtout, il faudrait libérer les employeurs d’un certain nombre d’obligations réglementaires en matière de santé.
Exit donc le DUER pour les TPE (recommandation n°13), exit également la fiche d’entreprise du médecin du travail. Pour un rapport expliquant qu’il faut « davantage se tourner vers la prévention primaire » de la santé au travail, supprimer le premier outil d’évaluation et de prévention des risques dans l’entreprise, c’est assez énorme mais Madame LECOQ ose tout.
Au-delà même des TPE, le rapport propose d’en finir avec la logique même du DUER, c’est-à-dire une évaluation exhaustive des risques liées à l’activité réelle de l’entreprise et par unités de travail, en se contentant d’un « plan d’action » concernant « les populations les plus exposées aux principaux risques de leur profession, assorti d’indicateurs de progrès aisément vérifiables ». Tout ceci « dans un souci d’efficacité et d’effectivité » afin « de desserrer la contrainte du formalisme du document unique exhaustif d’évaluation des risques » (p.35). Qui va décider quelles sont les populations exposées et selon quels risques ? Le rapport ne répond pas, il y a de quoi s’inquiéter…
Poursuivant cette logique de déréglementation la recommandation n°14 propose de « proportionner les obligations et les moyens à déployer dans les entreprises en fonction de leur spécificité et des risques effectivement rencontrés par les salariés. »
Cette proposition ressemble furieusement a une volonté d’étendre la déréglementation mise en place par les ordonnances des lois travail I et II, au nom du « dialogue social », aux questions de santé et sécurité.
En effet, p.35 la mission « se pose la question de l’opportunité d’appliquer à la santé et sécurité au travail la logique du rapport de Jean Denis Combrexelle opérant une distinction entre ordre public, champ de la négociation et droit supplétif ». Les entreprises pourraient décider décider elles-mêmes des mesures de sécurité « à la condition qu’il soit d’une efficacité équivalente. A défaut, les décrets seraient applicables à titre supplétif. ». On imagine très bien les employeurs considérer que le travail au harnais est d’une « efficacité équivalente » à la protection collective ; attendrons-nous alors l’accident du travail pour pouvoir démontrer l’inverse ? Belle logique de prévention !
Plus loin, le rapport explique qu’il faut « revisiter […] la réglementation pour la faire évoluer vers une simplification et une recherche d’efficacité réelle » et ouvre clairement la boîte de pandore en proposant de moduler les obligations en matière de santé et sécurité en fonction de la négociation et des effectifs de l’entreprise. Ainsi au sujet du champ d’intervention de l’inspection du travail, on peut lire page 91 :
« Dans un contexte où les règles sociales sont de plus en plus déterminées par la négociation, et compte tenu d’effectifs limités, elle pourrait resserrer son champ d’intervention sur le respect de l’ordre public, en particulier dans le domaine de la santé au travail, à l’instar des systèmes d’inspection des pays d’Europe du Nord. »
La dépénalisation, que nous avons déjà connue pour toutes les matières contraventionnelles, pointe ici le bout de son nez puisque le rapport enchaîne sur la promotion du « recours à des sanctions administratives fléchées sur des thèmes prioritaires, assorties à l’obligation de mise en œuvre d’un plan d’action dans l’entreprise ».
Poursuivant une évolution qui a cours depuis plusieurs années, la vision de la santé au travail promue par ce rapport glisse d’une démarche de prévention des risques vers une logique de gestion des risques professionnels selon une logique toute libérale et assurantielle de type bonus/malus.
De ce point de vue le rapport entérine également une inclination récente de la chambre sociale de la Cour de cassation favorable aux employeurs. Ces derniers ne seraient plus soumis à une « obligation de sécurité de résultat » en matière de santé au travail, mais à une « obligation de moyens ». « L’obligation de sécurité de résultat, poussée à l’extrême, décourage la prévention », estime le rapport Lecocq.
Il ressort de la lecture du rapport l’impression que l’idée sous-jacente n’est pas la protection des travailleurs mais la prévention des risques juridiques des employeurs.
Si nous voulons éviter ce grand bond en arrière, il faut la mobilisation de tous : acteurs de la santé au travail, salariés et organisations syndicales. Nous n’obtiendrons que ce nous gagnerons tous ensemble, par la lutte.
 
Le tract en pdf: Rapport Lecoq – sale temps pour la santé au travail

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Appel à la grève du 9 octobre 2018

ntersyndicale-nationale-du-ministere-du-travail-CNT-CGT-FSU-FO-SUD

Contre la casse du service public

Tous et toutes en grève et en manifestation lors de la journée de mobilisation interprofessionnelle du 9 octobre 2018

Le plan Action Publique 2022 et les deux circulaires du premier ministre qui ont suivi sont de nouvelles attaques contre les services publics, les fonctionnaires et notamment ceux de la DIRECCTE.
Action Publique 2022 annonce ainsi la privatisation de certaines missions, la mise en place d’un système managérial copié sur le privé et la casse des statuts de la fonction publique avec la fin du recrutement par concours ou encore en vidant les CAP de la majeure partie de leurs prérogatives.
Dans ses circulaires, le premier ministre décrète que des « contrôles standardisés » pourront être externalisés, notamment au privé, que les moyens de fonctionnement des services déconcentrés seront mutualisés (autrement dit « réduits ») par le préfet et que le pilotage des contrats aidés pourrait être transféré à Pôle Emploi.

Dans les DIRECCTE des méthodes dignes d’un plan social d’une brutalité sans précédent

Dans l’immédiat, Bruno Le Maire a décidé de sacrifier les agents du ministère de l’économie travaillant dans les pôles 3E des DIRECCTE. Cela se traduit par la suppression immédiate de 300 postes à la DGE avec des méthodes dignes d’un plan social d’une brutalité sans précédent. Les agents du Pôle 3E ne seront plus que 120 à conserver leurs fonctions (sans que l’on sache si cela sera ou non dans les DIRECCTE. Nul ne sait où ces collègues seront « recasés », tant l’ensemble de la fonction publique est aujourd’hui victime d’une politique d’austérité qui vise à faire des économies (au moment où l’on baisse les impôts des plus riches) en cassant le modèle social et en mettant à mal des services publics jusque-là au service des citoyens.
Ainsi, au ministère du travail, c’est près de 20% des effectifs qui a été supprimé en dix ans. Derrière tous ces postes disparus, ce sont des missions qui sont mises à mal à l’emploi, au travail, à la formation professionnelle et des agents qui s’épuisent à tenter de maintenir un travail de qualité. Le plan social en cours sur les missions de développement économique préfigure d’autres annonces sur l’ensemble des autres missions du ministère. L’inspection du travail est aussi dans le viseur puisque le premier ministre s’est engagé à reprendre les préconisations du rapport Lecocq.
Le 27 septembre 2018, la secrétaire générale des ministères sociaux, recevant les syndicats, a confirmé la feuille de route. Ces orientations seront mises en œuvre au ministère du travail avec des annonces concrètes fin décembre. Aucune discussion ne sera possible sur les suppressions de poste (-2,5% par an dans les DIRECCTE soit 233 ETP en moins en 2019) ni sur la revue des missions. Le seul engagement pris est la parution prochaine d’une circulaire visant au reclassement des agents… c’est à-dire à organiser le plan social.

Dans le public, ou dans le privé, tous nos droits collectifs sont visés

Nous faisons face à une politique idéologique visant, sous couvert de libérer les énergies, à la destruction de notre modèle social, favorisant notamment l’explosion des inégalités et la casse des droits collectifs. Le système de santé est attaqué, le système de retraites s’apprête à être détruit (tout particulièrement celui des fonctionnaires car le premier effet de la mise en place d’un système de retraite universel serait d’en finir avec les six derniers mois et les 75% du traitement) et les prestations sociales sont gelées.
Pourtant, au moment où est annoncée l’explosion des dividendes en France et dans le monde, il est possible de mener une politique de partage des richesses par la redistribution pour augmenter les salaires, les pensions et les minimas sociaux.
A l’heure où nos collègues du ministère de l’économie ne savent pas encore où ils travailleront l’année prochaine et quelles seront leurs fonctions, rappelons les droits qui sont les nôtres et défendons nos missions de service public ainsi que nos emplois et notre rémunération.

Fonctionnaires ou usagers, nous sommes tous visés.

Ces attaques ne doivent pas rester sans réponse.

 
Le tract en pdf: Appel interOS 9 octobre 2018

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Intersyndical Tracts

L'affaire TEFAL en Cassation

intersyndicale-CNT-FO-CGT-FSU-SUDRelaxe pour l’inspectrice du travail !
Condamnation des agissements de TEFAL !

Le 5 septembre 2018, la Cour de Cassation rendra sa décision concernant la condamnation de l’inspectrice du travail dans le cadre de l’affaire TEFAL, 22 mois après le procès en appel.
Cette dernière et un salarié de TEFAL lanceur d’alerte ont été condamnés en première instance, le 5 décembre 2015, par le tribunal correctionnel d’Annecy à 3 500 euros d’amende avec sursis pour introduction dans un système informatique, violation du secret des correspondances, recel et violation du secret professionnel. La Cour d’appel avait confirmé la condamnation.tefal qui est le delinquant ?
POUR RÉSUMER EN QUELQUES MOTS L’AFFAIRE TEFAL, un salarié, informaticien de l’entreprise, découvre en octobre 2013 un compte rendu RH le concernant et mentionnant : «Licenciement de Monsieur M : Aucun motif – coût 12 000 euros : donc lui fixer des objectifs inatteignables.» Abasourdi par ces méthodes, il cherche des renseignements sur le serveur informatique pour se protéger. Il découvre à cette occasion que l’entreprise, via le Medef et les services de la DCRI (renseignement généraux) de la préfecture du 74, ont cherché à se débarrasser de l’inspectrice du travail, gênante à leur yeux pour avoir qualifié un accord RTT d’illégal.
Le salarié communique alors ces documents compromettants à l’inspectrice. Elle comprend soudainement pourquoi son directeur l’a convoquée et menacée en avril 2013, au cours d’un entretien ayant pour objet un recadrage violent. Lors de cet entretien, son directeur départemental avait notamment exigé qu’elle revoie les demandes qu’elle avait adressées à l’entreprise TEFAL. Notre collègue en sortira déstabilisée et sera en arrêt maladie plusieurs mois. Elle saisit alors le Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), procédure prévue en cas d’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail. Elle met en copie de sa saisine les organisations syndicales de son ministère qui l’aident en lieu et place de sa hiérarchie défaillante. Elle transmet ces documents au procureur de la République dans un procès-verbal d’obstacle à ses fonctions et elle porte plainte pour harcèlement moral contre les directeurs de l’administration dont les pressions et même les menaces sont la cause de la dégradation de sa santé et de ses conditions de travail.
Palais de justice de tefal Annecy Eric MaillaudLe CNIT, après enquête, établit l’existence de pressions indues de la part de l’entreprise. Pour autant, les procédures et plaintes de l’inspectrice prennent la poussière sur le bureau du procureur de la République avant d’être classées sans suite, tandis qu’il décide de poursuivre… l’inspectrice et le lanceur d’alerte ! Les propos du Procureur sont détonnant, lui qui trouve « une occasion de faire le ménage » au sein du corps de l’inspection du travail « qui ne devraient pas avoir le droit de se syndiquer ». Un bel exemple d’ « impartialité » et de « déontologie » !
A ces audiences, nous avons assisté à une inversion des rôles qui confine au déni de justice : l’inspection du travail est clouée au pilori, et l’inspectrice condamnée pour avoir transmis les documents compromettants aux syndicats internes qui la défendent. Ce que le fond de l’affaire révèle des pratiques délinquantes de TEFAL est tout simplement passé sous un silence assourdissant par une justice qui apparaît partiale, pour ne pas dire pro-patronale.
L’affaire TEFAL renvoie en effet à l’exercice des missions de l’inspection du travail au service des salarié.es ainsi qu’à la possibilité de dénoncer des pratiques illégales et d’être défendu par ses syndicats. Alors que le gouvernement fait passer des lois liberticides en procédure accélérée, comme celle sur le secret des affaires visant notamment à verrouiller
l’information sur les pratiques sociales illégales des entreprises, nous sommes, salarié.es et syndicats, les derniers verrous de la transparence et du respect des droits.
Dans un contexte de dérèglementation et de désorganisation des services depuis plusieurs années, cette affaire illustre la volonté politique, associée à une justice de classe et à un patronat
décomplexé, d’affaiblir et de limiter les pouvoirs de l’inspection du travail et, par là-même, de porter atteinte aux droits des salarié.es. Cette attaque à l’encontre d’une inspectrice du travail
s’inscrit par ailleurs dans un contexte de répression sans précédent à l’encontre des militant.es des syndicats, des lanceur.es d’alerte, et de toutes celles et ceux qui tentent de lutter contre la destruction des services publics, de leurs conditions de travail et contre la suppression de leur emploi (Goodyear, La Poste, Air France etc…). L’association Anticor (lutte contre la corruption) a d’ailleurs remis un prix éthique à en janvier 2016 à l’inspectrice du travail pour son combat contre TEFAL et le ministère du travail. tefal baillonne l'inspection du travail - CNT
Au ministère du travail comme ailleurs, l’administration n’hésite plus à réprimer les militant.es des syndicats. Ainsi, au cours de la dernière année, deux blâmes ont été infligés à des militants CGT pour avoir participé à une action du collectif de travailleurs sans papiers. En décembre dernier, une représentante SUD a écopé d’une exclusion de 15 jours (après avoir été suspendue de ses fonctions) pour s’être exprimée à titre syndical dans les médias à l’occasion d’une manifestation. Et, dernièrement, en Seine-et-Marne, quatre autres militant.es se sont vus infliger un blâme pour avoir osé critiquer l’organisation d’une réunion de service dans les locaux d’un gros employeur local !
Nous appelons à dénoncer sans relâche les pressions et attaques contre les missions de l’inspection du travail et les droits des salarié.es.

TOUTES ET TOUS EN GREVE LE 5 SEPTEMBRE prochain pour se rassembler à proximité de la Cour de cassation (5 quai de l’horloge, Paris I) pour soutenir l’inspectrice du travail injustement condamnée, défendre les missions de l’inspection du travail et la liberté d’expression.

Le tract en pdf: TEFAL_appel_interos_greve_5_septembre_2018
Le communiqué de presse: Communiqué de presse intersyndical TEFAL Cassation

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Mis en avant Tracts

CAP 2022 : liquidation totale des services publics

Le projet gouvernemental « action publique 2022 » se devait, pour faire bonne figure, de s’appuyer sur un rapport d’ « experts ». Le Comité action publique 2022 missionné en octobre 2017 a donc rendu, « sans a priori » nous dit-il, un rapport sur mesure pour confirmer et appuyer les orientations déjà fixées par le gouvernement.
Que peut-on en retenir ?

Massacre à la tronçonneuse dans les effectifs et casse du statut

Nous connaissions déjà les grandes orientations du projet action publique 2022 que nous avions pré­cé­demment analysé (Action publique 2022 : Haro sur les fonctionnaires et les services publics !) ; et, sur le fond, il n’y a rien de bien nouveau.
Le rapport préconise d’abord et avant tout « des économies substantielles ». Le fil rouge des 22 propositions reste encore et toujours la baisse des dépenses publiques. L’objectif de 120 000 suppressions de postes d’ici 2022 (dont 50 000 pour l’Etat) a déjà été annoncé. Il est en outre explicitement prévu des externalisations/privatisations puisque le rapport annonce dans un oxymore significatif que « le secteur privé a également son rôle à jouer dans l’exécution du service public ». Le CAP 2022 innove même, en proposant (proposition 22) de faire payer certains services publics comme les contrôles sanitaires. Autant dire que dans cette logique la notion même de service public perd tout son sens.
Dans ce jeu de massacre des services publics, il est prévu 30 milliards d’économies à l’horizon 2022.
Au-delà des suppressions de postes et de la volonté de faire payer les usagers, on peut résumer ce projet politique par l’imposition d’une politique de gestion du personnel issue du management privé qui passe, notamment, par la volonté d’en finir avec le statut général des fonctionnaires qui sous-tend nos services publics. Les mesures sont connues :

  •  systématisation du recrutement par contrats ;
  •  salaire et évolution au « mérite » ;
  •  plan de départ « volontaires ».

Le rapport reprend et développe ces orientations en important une novlangue managériale issue du privée pour l’appliquer au public. Ainsi, après avoir relevé que les français sont très attachés aux services publics, il décrète la « nécessité » de faire « émerger un nouveau modèle » pour une « administration agile » et « adaptable ». Cette rhétorique signifie très concrètement la promotion de la flexibilité maximale. Pour les fonctionnaires, ça signifie casse du statut et pouvoir de recruter à la main des hiérarques locaux devenant autant de petits patrons-managers. En novlangue CAP 2022 ça donne « renouvellement du contrat social entre l’administration et ses collaborateurs » ; et « les managers seront plus autonomes et plus libres de prendre des décisions ». Cette orientation est confirmée par la circulaire n°6029/SG du premier ministre qui annonce vouloir « conférer plus de responsabilité aux autorités déconcentrées, tant au niveau régional, pour l’animation et la coordination des politiques de l’État ainsi que pour la programmation et la répartition des crédits, qu’au niveau départemental ».
La proposition 22 sous couvert d’« encourager le dialogue social de proximité » veut la fin des droits collectifs en donnant « la possibilité au management de négocier des accords dérogatoires au cadre de la fonction publique, sur l’ensemble des points du statut (rémunération, temps de travail, mobilité…) et de mettre en place des accords sociaux locaux, y compris d’intéressement collectif ».

Compétitivité et évaluation permanente

Tout ceci n’est pas qu’une question de jeu de mots. Derrière les mots, jamais neutres, il y a bien le projet d’une imposition d’une logique privée dite de « compétitivité » et de « rentabilité ».
Les dépenses publiques sont considérées comme « pas toujours efficientes ». Il n’est pas question ici d’un manque de moyens ou de diminutions des effectifs ne permettant pas d’assurer nos missions car pour le CAP 2022 « la réponse aux insuffisances du service public […] ne pourront passer par une hausse de la dépense publique ». Notre comité d’experts libéraux a sa solution en mettant en avant un « rapport coût/résultat » et en prônant l’évaluation permanente par objectifs, justifiant en retour des moyens (ou l’absence de moyens) attribués en conséquence. Ces « experts » préconisent ainsi de « mettre un terme à toutes les interventions publiques dont l’efficacité n’est pas démontrée » (proposition 20).
Ceci n’est pas entièrement nouveau, la LOLF avait déjà commencé à infuser cette logique de rentabilité contraire au principe même de service public dans le courant des années 2000. Depuis l’obsession évaluatrice n’a fait que se développer et il ne manque aucun hiérarque au sein du ministère pour nous expliquer qu’il faut évacuer la demande sociale et absolument remplir Wikit (ou tout autre logiciel de reporting) et les objectifs car nous serions responsables des postes supprimés. Le rapport CAP 2022 prône donc d’aller toujours plus loin avec une administration organisée autour de « contrats pluriannuels sur les objectifs et les moyens ».
Reste que ce discours visant à nous mettre la pression et faire porter la responsabilité de la dégradation de nos conditions de travail a aujourd’hui ses limites face à l’éthique professionnelle portée par les agents et soutenue par le statut des fonctionnaires qui permet une résistance aux pressions externes et internes. Car, faut-il le rappeler, le statut est important, non seulement comme protection pour le fonctionnaire, mais comme protection pour l’usager ; le risque de corruption induit par l’immixtion du secteur privé et l’autonomisation des « managers » est réel et permanent. Nul besoin ici de multiplier les exemples de diverses pressions indues internes et externes sur les services de l’inspection du travail pour se faire comprendre.
Pour que l’idéologie managériale produise pleinement son effet, il faut donc en finir avec le statut général des fonctionnaires qui garantit une indépendance relative du fonctionnaire par rapport à notre hiérarchie directe, et nous permet, un tant soit peu, de sauvegarder le sens de notre travail par rapport aux pressions diverses et variées.
La précarité généralisée devrait alors permettre d’obtenir la servilité souhaitée (« promouvoir le talent et la prise de risque » en novlangue). Selon la même logique les évolutions de carrière, mutation et promotions, dépendront de nos nouveaux patrons-managers, les CAP fixant un cadre national doivent être supprimées.
Les usagers sont invités à participer à la fête de cette évaluation 360° biaisée. Reprenant l’antienne du privé sur « le client au centre », le rapport propose « d’utiliser l’avis des usagers comme un critère de performance et de pilotage ». Sur la base d’indicateurs de « résultats », des enquêtes de « satisfaction » seront produites comme celles pratiquées dans les entreprises de services privées avec leurs enquêtes de satisfaction de la clientèle. Qu’on ne s’y trompe pas, l’objectif, derrière ce discours qui pourrait paraître séduisant, reste la « rentabilité » du service rendu. Nous sommes désormais loin d’une conception du service public comme politique de réduction des inégalités.
On connaît déjà les effets délétères de cette politique sur le système de santé et les hôpitaux. Le CAP 2022 veut aller plus loin en proposant « par exemple de conditionner une partie des moyens alloués aux hôpitaux aux résultats de satisfaction des usagers ».
Dans le privé, comme dans le public, la production intensive d’indicateurs de « qualité totale » accompagne toujours la destruction des missions pour masquer l’absence de moyens réels.
La perpétuation du mensonge institutionnel sur la capacité de nos services à effectuer leurs missions, passe là aussi par une accentuation de la logique d’évaluation et de valorisation permanente. Et, dans cette logique implacable et circulaire, si les fameux indicateurs ne sont pas bons, ce sera bien évidemment parce que les agents sont mauvais.

Le numérique ou comment inventer le service public virtuel

Autre solution miracle selon le CAP 2022 : la « Révolution du numérique » au nom de la « modernité ». Censée permettre toujours plus de suppressions de postes, l’invocation du numérique a pour fonction concrète de faire faire toujours plus de tâches par les usagers eux-mêmes. Que le tout numérique éloigne l’usager d’un contact direct permettant de prendre le temps d’écouter, d’expliquer et une réponse adaptée ne préoccupe pas le CAP 2022. Nos experts l’assènent : « les français veulent plus de dématerialisation ».
A cet égard, la numérisation promise est également conçue comme outil permettant d’inviter les usagers à l’évaluation permanente des services. La numérisation de tous les services publics devrait ouvrir la possibilité de dépôt de plainte en ligne par les usagers contre les agents du service public (non pas contre le gouvernement qui met à sac les services publics…). Ainsi d’un côté on numérise tout, en faisant de l’accès aux services publics un parcours du combattant, de l’autre on demande aux usagers de se plaindre (toujours en ligne) dans une opposition démagogique usagers vs agents.
La boucle est bouclée.

Et le Ministère du travail, les DIRECCTE ?

S’agissant du Ministère du travail, c’est une nouvelle baisse 2,07 milliards d’euros qui est annoncée en 2019, soit près de 15% ! Notre ministère, jamais considéré comme prioritaire depuis près de 10 ans, est à nouveau le grand perdant du jeu de ce massacre et de coupe budgétaire. Depuis 2010 c’est 20% des effectifs qui ont été perdu.
Comment et où vont se faire ces nouvelles économies ?
Sur ce sujet la circulaire du premier ministre n°6029/SG du 24 juillet dernier nous en dit un peu plus et confirme ce que nous pressentions. Sans réelle surprise de grosses économies sont prévues sur les emploi aidés dont la gestion pourrait passer à Pôle emploi. Au-delà c’est bien la mise à mort du service public de l’emploi dans le giron de l’Etat et l’externalisation de l’ensemble des missions. Seules les compétences relatives aux restructurations « les plus sensibles » (homologation des PSE) seront maintenues. Toutes les autres missions seront soit supprimées, soit transférées aux conseils régionaux.
Si l’on raisonne au niveau des DIRECCTE, il semble qu’il ne restera plus grand-chose justifiant leur existence même :
– le pôle 3E n’existera plus comme nous l’avons vu ;
– la formation professionnelle devrait être complètement décentralisée ce qui conduira à cesser les missions des services déconcentrées de l’État (proposition 18) ;
– la politique réglementaire de la CCRF continuerait à être exercée par une autorité centrale. Toutes les autres missions pourraient être conduites par des agences (proposition 1).
 
Comme nous l’avions déjà analysé, avec le projet Action Publique 2022, nous ne sommes pas seulement en présence d’un énième projet de réductions d’effectif et de mutualisation de certains services.
Nous sommes véritablement face à un projet politique assumé de destruction des services publics. Au-delà des privatisations/externalisations à venir, c’est une privatisation de l’intérieur que connaîtront les services publics qui resteront dans le giron de l’État, par l’imposition d’une gestion du personnel et de pratiques professionnelles issues de l’idéologie managériale privée. On sape ainsi les fondements même du service public.
Les agents, devenus collaborateurs, auront à gérer des usagers, considérés comme des clients, sous la houlette d’une direction de proximité renforcée, promue managers.
Mois après mois, appliquant en cela fidèlement le programme du Medef, ce gouvernement de combat a un projet : détruire l’ensemble des conquêtes sociales depuis plus de 50 ans, droit du travail, sécurité sociale, services publics, c’est-à-dire toutes les institutions qui apportent quelques limites à l’exploitation capitaliste ou faisant valoir la solidarité et des politiques d’égalité contre le seul profit.
Aujourd’hui les services publics sont la dernière cible.

Il ne tient qu’à nous de combattre ce projet.

Pour cela il faut nous préparer à un rapport de force dur et sur la durée dès la rentrée si nous voulons faire reculer la logique folle de ce gouvernement.

Le rapport CAP 2022
Circulaire du Premier ministre n°6029-SG du 24 juillet 2018 relative à l’organisation territoriale
Le tract en pdf : Tract CAP 2022 – CNT – 08-2018

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Intersyndical Tracts

Campagne anti-sexiste: bilan d'étape

Lutte contre les violences sexistes et sexuelles au ministère du travail : où en sommes-nous ?

Nos organisations syndicales ont lancé en novembre 2017 une campagne de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au sein du ministère du travail, en commençant par une démarche de recensement des violences auxquelles les femmes du ministère avaient été confrontées dans le cadre du travail, par le biais d’un questionnaire en ligne.
Nous vous avions communiqué, dans un 4 pages de février 2018, ses résultats édifiants : les agissements sexistes sont fréquents et tolérés dans les services, et des collègues ont été victimes de violences sexuelles, sans généralement trouver le soutien qu’elles étaient en droit d’obtenir de notre administration.

Au Ministère du Travail, on part en effet de loin…

Nous avons donc porté, avec détermination, nos revendications afin d’obtenir le respect par notre employeur de ses obligations et des textes applicables en matière de prévention et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles : information et formation des agentžes, mise en place de dispositifs d’alerte, protection des victimes et sanction des auteurs.
Aujourd’hui, avec trois trains de retard, notre administration s’attelle enfin à définir un plan d’actions en la matière, présenté en CTM et CHSCTM, et d’élaborer un projet d’instruction relative à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, qui reste insuffisant sur plusieurs points, malgré de légères avancées.

Dans nos services comme ailleurs, force est de constater que la lutte contre le sexisme et les violences faites aux femmes n’est pas une priorité.

Au Ministère du travail, le sexisme latent est par ailleurs légitimé par l’inégalité salariale subie par les femmes.
Ainsi, en matière de rémunérations accessoires, les femmes gagnent en moyenne, tous postes confondus, 18 % de moins que les hommes en Direccte Ile-de-France et 28% de moins dans les autres régionse En Pays-de-Loire, le bilan social présenté en CTSD met en évidence que « plus de 95% des femmes appartiennent à la catégorie des rémunérations les plus faibles, 75% des hommes bénéficient des rémunérations les plus élevées ». Et strictement rien n’est fait pour corriger cette discrimination inacceptable. Notre Ministre n’y trouve visiblement rien à redire, elle qui prône l’exemplarité dans ses discours !

Petite synthèse des mesures proposées

Des annonces qui sonnent creux…

  • la formation obligatoire de l’encadrement supérieur sur la question (une première !), et par la suite de l’encadrement intermédiaire, ainsi que des intervenantžes de prévention et des représentantžes du personnel, sera organisée sur 2018 et 2019. Mesdames, à compter de 2020, vous pourrez interpeler vos chefs de service et compter sur leur réactivité… ou pas : non seulement la « formation » est d’une durée de 3h, pour les SG et RUC, et 1h30 pour les DIRECCTE, autres chefs de service et RUD, mais elle pourra en plus être organisée pour les RUD et RUC dans des séminaires regroupant au maximum (!!!) 95 personnes. C’est qu’ils maîtrisent déjà bien le sujet !
  • des formations, non obligatoires, ouvertes aux agentžes, à compter de 2019, sur l’identification et la gestion des situations de violences sexistes et sexuelles et des « actions de sensibilisation» laissées aux mains des DIRECCTE avec peu de contraintes, qui pourront aussi bien organiser des réunions avec l’appui des expertžes en prévention des violences faites aux femmes que se contenter d’actions de com’ (à quand l’arbre du sexisme ou le voilier de l’égalité ???).
    Pour l’instant, on nous abreuve de mailings sur l’intranet Paco, d’opérations de com’ autour du 8 mars et d’une vidéo sur le harcèlement moral et sexuel au travail… inaccessible depuis les postes professionnels ! C’est insuffisant et ne palliera pas l’absence d’une réelle formation assurée à toutžes les agentžes par des professionnelžles reconnužes pour leur travail en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, comme nous le revendiquons. Mais cette mesure de prévention indispensable à la préservation des conditions de travail des femmes coûterait trop cher… !
  • s’agissant de la détection et du traitement des situations des violences, le projet d’instruction prévoit que toute alerte doit donner lieu à un traitement diligent et à une réponse, et des faits potentiellement constitutifs d’une violence sexuelle ou sexiste à une enquête. Nous avons obtenu en CHSCTM quelques garanties sur les conditions de déroulement de l’enquête, notamment sur le rôle des préventeuržices et du CHSCT. Pour autant, la vigilance sera de mise quand on connait leur manque de moyens sur le terrain et les entraves régulièrement commises au fonctionnement des CHSCT locaux…
    Un renforcement de la cellule d’écoute et d’alerte des ministères sociaux est également dans les tuyaux ; les retours quant à son efficacité de la part des agent.es l’ayant saisie sont cependant pour l’instant très mitigés, notamment eu égard à la lenteur (parfois des mois) des démarches initiées, ne débouchant souvent sur rien.

… et qui tardent dans les services

  • du côté des UD et UR, les mesures d’information et de prévention frisent le néant ! Exemple à Paris, où le CHSCT demande depuis mars 2017 l’intégration au DUER de la prévention des agissements sexistes et du harcèlement sexuel… Le RUD botte en touche : « les questions d’agissements sexistes et de harcèlement sexuel n’ont pas été identifiées à ce stade dans l’expression des groupes de travail, mais la discussion reste ouverte» (!) C’est qu’il ne doit pas encore avoir reçu la formation prévue pour être au fait de ses obligations…
    aucune note de service ou politique de prévention sur le sujet n’ont par ailleurs été élaborées et présentées en CHSCT dans la grande majorité des UD et UR.

Sœur Anne, sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? Etc.

Et du côté de la lutte contre toutes les violences sexuelles et sexistes au travail ?

Le gouvernement affirme qu’il s’agit d’une priorité du quinquennat « si souvent éloignée de nous » sur laquelle « l’Etat doit reprendre la main »…
Mais avec quels moyens ? Les services publics sont exsangues. Les associations assumant ces missions de service public sont méprisées et laissées en situation de précarité financière. Du côté de l’intervention des services de contrôle, le constat est catastrophique : effectifs en chute libre, voués à baisser encore, agentžes de contrôle ne disposant plus du temps nécessaire pour effectuer des enquêtes longues et difficiles en matière de harcèlement sexuel, absence d’outils d’aide au contrôle et de formation sur le sujet. Rassurons-nous : l’INTEFP a répondu à l’appel à projet de 100 000 euros de Marlène Schiappa pour « un projet national présentant un caractère exemplaire et novateur » en la matière ?!? Si ce n’est pas une blague, nous brûlons d’impatience !
L’Etat ne se contente pas de saborder l’inspection du travail, il choisit également de se désengager auprès des associations de terrain compétentes et reconnues en matière de lutte contre les violences faites aux femmes au travail. Face à la fermeture du standard de l’AVFT en janvier 2018, noyée sous les demandes (y compris de nos services, précisons-le) et confrontée à une stagnation de son financement et donc de ses effectifs, Mme Schiappa a annoncé la création d’une ligne téléphonique censée être assumée par des fonctionnaires du Ministère du travail. Aucune information ne nous a été communiquée sur le sujet. Qui assumera cette mission ? Comment, quand et par qui seront-ils et elles forméžes ? Comme toujours : des effets d’annonce ; aucune réflexion sur la mise en œuvre…
 

Ensemble réagissons !

Cessons d’accepter que le respect de l’intégrité des femmes et de leurs droits soit toujours nié et relégué aux calendes grecques !

Nous reviendrons vers vous avec des actions à la rentrée !

 
Le tract en pdf : Tract-intersyndical-Femmes-violences-juillet2018-cnt-cgt-sud

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Bas-Rhin – Strasbourg Tracts

Le reliquat nous divise, divisons le reliquat !

Vous allez recevoir au cours des prochains jours un courrier de notification du montant de votre reliquat (ou complément indemnitaire annuel, CIA) pour 2018 (au titre de l’activité 2017) qui sera normalement versé sur la paye de juillet 2018.

Le CIA, c’est ce qui reste dans l’enveloppe globale allouée à notre rémunération pour l’année. C’est une des deux composantes du nouveau régime indemnitaire RIFSEEP avec l’indemnité de fonction, de sujétions et d’expertise (IFSE) versée chaque mois. C’est pour nous tous, un petit coup de pouce bienvenu en période de vacances scolaires dans un contexte où nos salaires (depuis 2010) et nos primes sont gelés (il faut bien financer les cadeaux au grand patronat). C’est le petit bonus que chacun d’entre nous attend, qui ne compense pas notre perte de pouvoir d’achat mais qui met quand même un peu de beurre dans les épinards.

Mais le CIA, c’est aussi une des armes de l’administration, pour nous mettre un peu plus la pression et nous monter les uns contre les autres.

L’individualisation du salaire, c’est non !

A l’automne 2016 et durant le premier semestre 2016, avec l’intersyndicale CGT-CFDT-CNT-FSU-FO-Solidaires-UNSA, nous nous étions fortement mobilisés (pétition, deux rassemblements et manifestation) notamment pour « Le versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie ».

Force est de constater que pour le CIA de cette année, les écarts entre catégories ont été diminués, la région Grand Est se rapprochant des montants moyens nationaux. Les critères restent eux toujours aussi flous, chaque agent restant à la merci de critères arbitraires, quand ils ne sont pas illégaux.

Voici les fourchettes décidées par la Direccte pour 2018 :

  • Catégorie A : de 276 à 513 €
  • Catégorie B : de 237 à 440 €
  • Catégorie C : de 204 à 380 €

Concernant les écarts entre catégories nous sommes encore loin de notre revendication : le versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie.

Notre direction veut nous faire croire que grâce au CIA les mérites des uns et des autres seraient récompensés. Pourtant, il s’agit d’un leurre individuel et nuisible à l’ensemble du collectif de travail. Sur fond d’idéologie méritocratique, cela vise à faire croire que l’on peut, et surtout qu’il est légitime, de progresser individuellement au détriment de ses collègues (en se racontant que si on obtient plus que le collègue ou le voisin ça doit sûrement être parce qu’on est meilleur que lui ou plus méritant).

Au final le supposé « mérite » renvoie toujours en dernier recours au simple niveau d’amour ou de détestation que nous porte le ou les supérieurs hiérarchiques. Le CIA individualisé est à la fois un outil de pression sur les agents et un moyen de nous diviser.

Versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie

Agissons en cohérence avec notre revendication !

Pour contrer ce système pervers et inégalitaire, nous vous proposons dès maintenant une action forte, solidaire et collective de collecte d’une partie du CIA, pour une redistribution égalitaire entre les agents, quelle que soient leur catégorie ou le « niveau » qui leur a été attribué.

Au moment où nous sommes tous malmenés par les réorganisations de nos services, les suppressions de poste et la surcharge de travail, cette action doit être un message fort envoyé à la Direccte et au ministère exprimant la volonté de refuser cette logique absurde d’attribution du CIA qui nous met en concurrence les uns avec les autres.

Le dispositif que nous proposons à celles et ceux qui souhaitent s’engager dans cette action de collecte et de redistribution égalitaire du CIA

1) D’ici le 13 juillet 2018, les agents qui souhaitent participer s’inscrivent sur le Framadate suivant : inscription CIA égalitaire [lien désactivé]. Il s’agit d’un Framadate « anonyme » auquel seuls ont accès le minimum d’agents nécessaire.

2) Une fois reçu le document vous notifiant votre CIA 2018, si vous vous êtes signalé sur le lien « Framadate », vous adressez un mail à l’adresse cia.egalitaire@[désactivé].com en indiquant vos nom, prénom, montant de CIA notifié réduit de 20% pour tenir compte d’un abattement fiscal moyen, et en indiquant : « Je mandate le syndicat CNT pour ma participation à l’opération de collecte et redistribution égalitaire du CIA »

3) Nous nous engageons à conserver l’anonymat de ces données. Seuls un ou deux militants auront accès à cette boite mail cia.egalitaire@[désactivé].com et établiront alors une liste des participants avec leur CIA respectif, afin de pouvoir calculer le niveau de CIA moyen des participants.

4) Une fois que tous les agents s’étant inscrit sur le « Framadate » auront adressé le mail à l’adresse cia.egalitaire@[désactivé].com,  nous calculerons  alors le montant de la part moyenne de CIA entre tous les agents participants.

5) Nous collecterons alors sur le compte CNT les versements des participants dont le CIA (après abattement de 20%) sera supérieur au montant moyen collecté après abattement. Ceux-là devront donc verser à la collecte la différence entre leur CIA déduit de 20% et le montant moyen collecté après abattement. Par exemple pour un agent ayant perçu un CIA de 500€, et dans le cas où le montant moyen collecté après abattement serait de 240€, celui-ci devra verser à la collecte 160€ (400-240).

6) Une fois la collecte opérée, nous verserons le complément de CIA aux participants dont le CIA (après abattement de 20%) sera inférieur au montant moyen collecté. Ceux-là percevront donc la différence entre leur CIA déduit de 20% et le montant moyen collecté. Par exemple pour un agent ayant perçu un CIA de 200€, et toujours dans le cas où le montant moyen collecté serait de 240€, celui-ci percevra 80€ (240-160). 

Versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie

Ce que la Direccte nous refuse, faisons-le nous-mêmes !

A l’heure où on nous demande sans cesse de « faire du collectif », montrons, par cette action, NOTRE vision du collectif, par la détermination et la solidarité !

 
Le tract en pdf : tract CIA CNT alsace 8 juillet 2018

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Nouvelle Aquitaine Tracts

Marins, travailleurs de seconde zone ?

Marins et inspection du travail

Depuis la création du code du travail maritime en 1926, recodifié dans le code des transports en 2010, tous les marins relèvent du droit privé, y compris ceux et celles engagé.e.s par des armateurs publics. Ces dispositions prévoient que le code du travail s’applique aux marins sous réserve de textes spécifiques (art. L.5541-1 du code des transports). Les pouvoirs publics qui arment des navires dans le cadre des services publics maritimes (drague des ports, phares et balises, bacs…) doivent donc appliquer le code du travail et le code des transports aux marins.
Afin de respecter ses obligations internationales (convention n°178 de l’Organisation internationale du travail, OIT), le gouvernement français a mis en place des inspecteurs du travail maritime en 1999. Depuis presque vingt ans, tous les armateurs, y compris publics, font l’objet de contrôles de la part de l’inspection du travail qui est chargée de faire respecter le droit du travail (art. L.8112-1 du code du travail). Ces contrôles portent non seulement sur les contrats d’engagement maritime et les conditions du travail à bord des navires, mais également le fonctionnement des représentants du personnel (délégués de bord, délégués syndicaux…).

Empêcher les contrôles des armateurs publics

Récemment, l’inspection du travail a contrôlé les conditions de travail des marins de droit privé d’un Conseil départemental. Ces contrôles ont permis de constater plusieurs infractions : l’eau contaminée à bord l’un des navires, entrave au droit d’alerte des délégués de bord et refus d’organiser les élections du Comité d’établissement et des délégués du personnel, aujourd’hui CSE. Ne pouvant être relevées par procès-verbal (art. L.8113-8 du code du travail), ces infractions pourraient faire l’objet d’un signalement au Parquet (art. 40 code procédure pénale).
Saisi par les hiérarques de la DIRECCTE, la Direction générale du travail (DGT), sans même consulter les référents maritimes du Ministère du travail et sans prendre en considération le droit du travail maritime, déclare : « l’inspection du travail n’est pas compétente pour contrôler [le service maritime du Conseil départemental] et toute question relative tant aux conditions de travail qu’au statut individuel des agents de services (sic) échappe donc à la compétence de nos services sans qu’il y ait lieu de distinguer entre agents de droit public et agents de droit privé » (note DGT 12 oct. 2017). Les hiérarques ont donc intimé l’ordre : « les procédures déjà engagées à ce titre par notre service n’ont pas lieu d’être et ne doivent pas être poursuivies » (courriel 26 oct. 2017).

L’impunité des armateurs publics

Lorsque la DGT a tenté vainement d’empêcher les contrôles de La Poste en 2010, le Conseil d’État lui a rappelé que l’exécutif ne peut pas faire obstacle aux missions de l’inspection du travail qui lui ont été confiées par le législateur (CE, 23 mars 2012). La DGT a déjà reconnu que l’inspection du travail est compétente pour contrôler les salariés privés du Pôle emploi, établissement public administratif (note DGT 27 août 2012). Alors pourquoi la DGT s’acharne à vouloir empêcher les contrôles des marins de droit privé des collectivités territoriales ?
La traversée maritime de l’estuaire étant un service public industriel et commercial (SPIC), susceptible de délégation du service public, le Conseil départemental, en la personne de son Président, est pénalement responsable des infractions commises (art. 121-2 du code pénal). Or, l’intervention de la DGT tombe exactement au moment où l’inspection du travail a l’intention de transmettre son signalement au Parquet. S’agit-il d’une ingérence politique indue, prohibée par les conventions de l’OIT faut-il le rappeler, afin d’éviter des poursuites pénales à un élu local ? D’ores et déjà le Conseil national de l’inspection du travail est saisi.

Contre toutes les « influences extérieures indues », patronales ou politiques, nous continuerons à défendre les missions de l’inspection du travail !
Pour une inspection du travail au service des travailleurs de la mer !
Retrait de la note de la DGT du 12 octobre 2017 !
 
Le tract en pdf: Inspection du travail et marins