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Bas-Rhin – Strasbourg Intersyndical Tracts

Arrêt des suppressions de postes et reliquats égalitaires !

Rassemblement

le 12 janvier 2017 à 11H30 dans la cour de la DIRECCTE rue Hirn à Strasbourg

  • Arrêt des suppressions de postes !

  • Versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie et l’arrêt du RIFSEEP !

Des dizaines de collègues ont signé la pétition pour l’arrêt des suppressions de postes, l’arrêt du RIFSEEP, de l’individualisation des primes et des reliquats.

Sur cette base, les organisations syndicales de la Direccte ex-Alsace ont été reçues en délégation par Madame la Direccte le 29 novembre 2016.

Cette dernière n’a répondu positivement à aucune des revendications des agents ni des OS.

L’AG du personnel avec leurs organisations syndicales du 15 décembre a entendu le compte-rendu de la délégation et a décidé d’un rassemblement le 12 janvier 2017 à 11h30 dans la cour de la DIRECCTE rue Hirn pour obtenir :

  • L’arrêt des suppressions de postes ! Tous les postes doivent être mis à la vacance nationale ! Il faut augmenter le nombre de recrutements statutaires pour les pourvoir ! Tous les postes doivent être pourvus !
  • Le versement à parts égales de la totalité du reliquat de prime quelle que soit la catégorie et l’arrêt du RIFSEEP qui sont des politiques de division des agents !

TOUS ENSEMBLE FAISONS-NOUS ENTENDRE !

 
Le tract d’appel en pdf : Rassemblement: primes égalitaires – non aux suppressions de postes !
Le communiqué de presse : Direccte Grand-Est – Suppression de postes – primes – Communique de presse

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A lire - à voir

Simone Weil : Lettre ouverte à un syndiqué (Après juin 1936)

Extrait de La condition ouvrière de Simonde Weil

Camarade, tu es l’un des quatre millions qui sont venus rejoindre notre organisation syndicale. Le mois de juin 1936 est une date dans ta vie. Te rappelles-tu, avant ? C’est loin, déjà. Ça fait mal de s’en souvenir. Mais il ne faut pas oublier. Te rappelles-tu ? On n’avait qu’un droit : le droit de se taire. Quelquefois, pendant qu’on était à son boulot, sur sa machine, le dégoût, l’épuisement, la révolte, gonflaient le cœur ; à un mètre de soi, un camarade subissait les mêmes douleurs, éprouvait la même rancœur, la même amertume ; mais on n’osait pas échanger les paroles qui auraient pu soulager, parce qu’on avait peur.

Est-ce que tu te rappelles bien, maintenant, comme on avait peur, comme on avait honte, comme on souffrait ? Il y en avait qui n’osaient pas avouer leurs salaires, tellement ils avaient honte de gagner si peu. Ceux qui, trop faibles ou trop vieux, ne pouvaient pas suivre la cadence du travail n’osaient pas l’avouer non plus. Est-ce que tu te rappelles comme on était obsédé par la cadence du travail ? On n’en faisait jamais assez ; il fallait toujours être tendu pour faire encore quelques pièces de plus, gagner encore quelques sous de plus. Quand, en forçant, en s’épuisant, on était arrivé à aller plus vite, le chronométreur augmentait les normes. Alors on forçait encore, on essayait de dépasser les camarades, on se jalousait, on se crevait toujours plus.

Ces sorties, le soir, tu te rappelles ? Les jours où on avait eu du « mauvais boulot ». On sortait, le regard éteint, vidé, crevé. On usait ses dernières forces pour se précipiter dans le métro, pour chercher avec angoisse s’il restait une place assise. S’il en restait, on somnolait sur la banquette. S’il n’en restait pas, on se raidissait pour arriver à rester debout. On n’avait plus de force pour se promener, pour causer, pour lire, pour jouer avec ses gosses, pour vivre. On était tout juste bon pour aller au lit. On n’avait pas gagné grand-chose, en se crevant sur du « mauvais boulot » ; on se disait que si ça continuait, la quinzaine ne serait pas grosse, qu’on devrait encore se priver, compter les sous, se refuser tout ce qui pourrait détendre un peu, faire oublier.

Tu te rappelles les chefs, comment ceux qui avaient un caractère brutal pouvaient se permettre toutes les insolences ? Te rappelles-tu qu’on n’osait presque jamais répondre, qu’on en arrivait à trouver presque naturel d’être traité comme du bétail ? Combien de douleurs un cœur humain doit dévorer en silence avant d’en arriver là, les riches ne le comprendront jamais. Quand tu osais élever la voix parce qu’on t’imposait un boulot par trop dur, ou trop mal payé, ou trop d’heures supplémentaires, te rappelles-tu avec quelle brutalité on te disait : « C’est ça ou la porte. » Et, bien souvent, tu te taisais, tu encaissais, tu te soumettais, parce que tu savais que c’était vrai, que c’était ça ou la porte. Tu savais bien que rien ne pouvait les empêcher de te mettre sur le pavé comme on met un outil usé au rancart. Et tu avais beau te soumettre, souvent on te jetait quand même sur le pavé. Personne ne disait rien. C’était normal. Il ne te restait qu’à souffrir de la faim en silence, à courir de boîte en boîte, à attendre debout, par le froid, sous la pluie, devant les portes des bureaux d’embauche. Tu te rappelles tout cela ? Tu te rappelles toutes les petites humiliations qui imprégnaient ta vie, qui faisaient froid au cœur, comme l’humidité imprègne le corps quand on n’a pas de feu ?

Si les choses ont changé quelque peu, n’oublie pourtant pas le passé. C’est dans tous ces souvenirs, dans toute cette amertume que tu dois puiser ta force, ton idéal, ta raison de vivre. Les riches et les puissants trouvent le plus souvent leur raison de vivre dans leur orgueil, les opprimés doivent trouver leur raison de vivre dans leurs hontes. Leur part est encore la meilleure, parce que leur cause est celle de la justice. En se défendant, ils défendent la dignité humaine foulée aux pieds. N’oublie jamais, rappelle-toi tous les jours que tu as ta carte syndicale dans ta poche parce qu’à l’usine tu n’étais pas traité comme un homme doit l’être, et que tu en as eu assez.

Rappelle-toi surtout, pendant ces années de souffrances trop dures, de quoi tu souffrais le plus. Tu ne t’en rendais peut-être pas bien compte, mais si tu réfléchis un moment, tu sentiras que c’est vrai. Tu souffrais surtout parce que lorsqu’on t’infligeait une humiliation, une injustice, tu étais seul, désarmé, il n’y avait rien pour te défendre. Quand un chef te brimait ou t’engueulait injustement, quand on te donnait un boulot qui dépassait tes forces, quand on t’imposait une cadence impossible à suivre, quand on te payait misérablement, quand on te jetait sur le pavé, quand on refusait de t’embaucher parce que tu n’avais pas les certificats qu’il fallait ou parce que tu avais plus de quarante ans, quand on te rayait des secours de chômage, tu ne pouvais rien faire, tu ne pouvais même pas te plaindre. Ça n’intéressait personne, tout le monde trouvait ça tout naturel. Tes camarades n’osaient pas te soutenir, ils avaient peur de se compromettre s’ils protestaient. Quand on t’avait mis à la porte d’une boîte, ton meilleur copain était quelquefois gêné d’être vu avec toi devant la porte de l’usine. Les camarades se taisaient, ils te plaignaient à peine, Ils étaient trop absorbés par leurs propres soucis, leurs propres souffrances.

Comme on se sentait seul ! Tu te rappelles ? Tellement seul qu’on en avait froid au cœur. Seul, désarmé, sans recours, abandonné. À la merci des chefs, des patrons, des gens riches et puissants qui pouvaient tout se permettre. Sans droits, alors qu’eux avaient tous les droits. L’opinion publique était indifférente. On trouvait naturel qu’un patron soit maître absolu dans son usine. Maître des machines d’acier qui ne souffrent pas ; maître aussi des machines de chair, qui souffraient, mais devaient taire leurs souffrances sous peine de souffrir encore plus. Tu étais une de ces machines de chair. Tu constatais tous les jours que seuls ceux qui avaient de l’argent dans leurs poches pouvaient, dans la société capitaliste, faire figure d’hommes, réclamer des égards. Toi, on aurait ri si tu avais demandé à être traité avec égards. Même entre camarades, on se traitait souvent aussi durement, aussi brutalement qu’on était traité par les chefs. Citoyen d’une grande ville, ouvrier d’une grande usine, tu étais aussi seul, aussi impuissant, aussi peu soutenu qu’un homme dans le désert, livré aux forces de la nature. La société était aussi indifférente aux hommes sans argent que le vent, le sable, le soleil sont indifférents. Tu étais plutôt une chose qu’un homme, dans la vie sociale. Et tu en arrivais quelquefois, quand c’était trop dur, à oublier toi-même que tu étais un homme.

C’est cela qui a changé, depuis juin. On n’a pas supprimé la misère ni l’injustice. Mais tu n’es plus seul. Tu ne peux pas toujours faire respecter tes droits ; mais il y a une grande organisation qui les reconnaît, qui les proclame, qui peut élever la voix et qui se fait entendre. Depuis juin, il n’y a pas un seul Français qui ignore que les ouvriers ne sont pas satisfaits, qu’ils se sentent opprimés, qu’ils n’acceptent pas leur sort. Certains te donnent tort, d’autres te donnent raison ; mais tout le monde se préoccupe de ton sort, pense à toi, craint ou souhaite ta révolte. Une injustice commise envers toi peut, dans certaines circonstances, ébranler la vie sociale. Tu as acquis une importance. Mais n’oublie pas d’où te vient cette importance. Même si, dans ton usine, le syndicat s’est imposé, même si tu peux à présent te permettre beaucoup de choses, ne te figure pas que « c’est arrivé ». Reprends la juste fierté à laquelle tout homme a droit, mais ne tire de tes droits nouveaux aucun orgueil. Ta force ne réside pas en toi-même. Si la grande organisation syndicale qui te protège venait à décliner, tu recommencerais à subir les mêmes humiliations qu’auparavant, tu serais contraint à la même soumission, au même silence, tu en arriverais de nouveau à toujours plier, à tout supporter, à ne jamais oser élever la voix. Si tu commences à être traité en homme, tu le dois au syndicat. Dans l’avenir, tu ne mériteras d’être traité comme un homme que si tu sais être un bon syndiqué.

Être un bon syndiqué, qu’est-ce que cela veut dire ? C’est beaucoup plus peut-être que tu ne te l’imagines. Prendre la carte, les timbres, ce n’est encore rien. Exécuter fidèlement les décisions du syndicat, lutter quand il y a lutte, souffrir quand il le faut, ce n’est pas encore assez. Ne crois pas que le syndicat soit simplement une association d’intérêts. Les syndicats patronaux sont des associations d’intérêts ; les syndicats ouvriers, c’est autre chose. Le syndicalisme, c’est un idéal auquel il faut penser tous les jours, sur lequel il faut toujours avoir les yeux fixés. Être syndicaliste, c’est une manière de vivre, cela veut dire se conformer dans tout ce qu’on fait à l’idéal syndicaliste. L’ouvrier syndicaliste doit se conduire pendant toutes les minutes qu’il passe à l’usine autrement que l’ouvrier non syndiqué. Au temps où tu n’avais aucun droit, tu pouvais ne te reconnaître aucun devoir. Maintenant tu es quelqu’un, tu possèdes une force, tu as reçu des avantages ; mais en revanche tu as acquis des responsabilités. Ces responsabilités, rien dans ta vie de misère ne t’a prépare à y faire face. Tu dois à présent travailler à te rendre capable de les assumer ; sans cela les avantages nouvellement acquis s’évanouiront un beau jour comme un rêve. On ne conserve ses droits que si en est capable de les exercer comme il faut.

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Intersyndical

Pétition : Retrait du projet de code de déontologie de l'inspection du travail !

Suite au projet de décret mettant en place un code de déontologie pour l’inspection du travail que nous avions analysé dans notre tract Projet de code de déontologie : se taire et obéir ! :

Intersyndicale du ministère du travail CNT-CGT-SUD-FO-FSU-UNSA

intersyndicale-code-deontologie-cnt-cgt-fsu-sud-fo-unsaAu prétexte d’un code de déontologie, alors que nous disposons déjà, depuis 2010, de Principes de déontologie, le ministère du travail règle ses comptes vis-à-vis d’une inspection du travail jugée trop proche des salarié/es en faisant figurer dans le Code du travail des matières qui relèvent plus d’un règlement intérieur que de la déontologie.

Non seulement ce texte ne respecte pas les obligations des conventions n°81  et n°129 de l’OIT, mais il porte des atteintes à la vie privée et aux droits syndicaux garantis par la constitution.

Ce code est fait pour restreindre l’indépendance des agent/es de contrôle :

  • en créant des obligations principalement envers la hiérarchie ;
  • en instituant une liberté de contrôle résiduelle et un devoir d’obéissance ;
  • en restreignant les libertés individuelles et d’expression des agent/es ;
  • en ouvrant la porte aux pratiques arbitraires, aux sanctions et aux discriminations.

Nous exigeons le retrait du projet de code de déontologie.

Signer la pétition en ligne

 
 

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A lire - à voir Réflexions

Alain Soral ou le retour de la bêtise immonde

À lire par ceux et celles qui veulent démonter (intellectuellement) le petit néo-fasciste Soral

Article paru en mai 2016 dans le Combat syndicaliste, organe confédéral de la CNT

Un camarade de la CNT travail vient de publier un dé-montage en règle de la logorrhée d’Alain Soral : « Alain Soral ou le retour de la bêtise immonde », Frédéric Balmont, Ed. L’Esprit frappeur, 190 pages, 5 euros. Il est toujours intéressant de mieux connaître nos ennemis. D’autant que les thèses simplistes s’infiltrent partout… Le site internet Egalité & Réconciliation et sa chaîne de vidéo drainent une audience conséquente avançant sous le terme de « la dissidence » écho des vieilles lunes de l’extrême droite des années 1930 sous couvert de « nouveauté », en prétendant incarner l’« anti-système » pour drainer les déboussolés. De quoi désigner des ennemis, surfer sur les théories conspirationnistes, attirer ces contenus sur son site comme miroir aux alouettes. Avec ses formules qui claquent comme « gauche du travail » et « droite des valeurs », le courant lancé par Soral s’inscrit dans la droite ligne des « rouge-brun » et tente de rallier les « Français de souche » et « les Noirs, les Arabes et les musulmans » sur la base de la Nation. Du soutien à la Palestine, il passe à l’antisionnisme et aussitôt à l’antisémitisme viscéral. Avant les rouge-bruns des années 70, il y a eu des figures comme Jacques Doriot, jeune apparatchik stalinien, maire de Saint-Denis dans les années 1930, qui fonda le Parti Populaire Français et glissa sans résistance dans la collaboration.

Extraits de la présentation du livre

Les pratiques et discours imprégnés de la logique d’extrême droite fleurissent de tous côtés. Comment peut-on mieux comprendre leur fonctionnement et les reconnaître derrière leurs multiples costumes si ce n’est en se penchant sur leur propagateur le plus assumé et le plus odieux : Alain Soral ? Du fond de son canapé rouge, on entend la voix nasillarde de cette insupportable cantatrice chauve du fascisme… Appuyée sur un dispositif pseudo-scientifique, sa haine des femmes, des homosexuels et des juifs lui tient lieu d’anthropologie. Roi du facho business, Alain Soral contribue à l’ascension d’une sensibilité fasciste dans la société. Sensibilité qui ravit les politiques de tous bords : plus le fascisme prospère, plus ils peuvent prétendre cacher leur incompétence derrière, l’antifascisme finissant par être leur seule justification. Soral milite pour le pire des mondes, prônant les inégalités, le fétichisme de l’identité et le gouvernement par la violence. Ce livre s’applique à démonter les ressorts idéologiques de cette entreprise abjecte.* Leur livre dévoile les facettes de Alain Soral, éditeur, provocateur, mythomane et petit commerçant de la haine, fournisseur prolixe de vidéos en ligne payantes, fondateur d’un site d’équipements survivalistes, récupérant même l’écologie boutiquière en ouvrant une épicerie équitable en ligne, en surfant sur des thèmes qu’on n’attend pas dans des officines d’extrême droite, comme la permaculture et la décroissance avec un habillage facho…


Sommaire

Préface de Michel Sitbon
Avant-propos 17
Introduction 21
PREMIÈRE PARTIE
I. le sommeil de la raison réveille les monstres 29
La Terre est creuse et elle tourne autour de Soral 33
Tout est dans tout, surtout le complot juif 43
II. métaphysique de l’anus 53
Soral, flic et curé 53
Typologie homosexuelle 59
Comment un œdipe raté mène à la tapettisation 63
Comment un œdipe réussi conduit à la démocratie 68
L’homme aux épaules de serpent 78
III . Le ciel et la terre : L’ordre sexuel et la civilisation 84
Typologie féminine 91
De quel singe descend Soral ? 94
La femme, australopithèque au grand coeur 106
Un accident de l’oedipe : Rosa Luxembourg 110
Tu aimeras la femme et ne convoiteras pas le Grec du Ve siècle… 112
L’œdipe flottant des Inuits 119
Les nourritures psychiques 123
Soral, la cantatrice chauve 126
SECONDE PARTIE
I. l’éternel retour des idées fascistes 131
Identité 132
Inégalité 138
Pugnacité 139
Têtes de Turc : le triptyque en action 141
II. un fascisme pour notre temps 147
De quoi Soral est-il le nom ? 147
Comprendre l’Empire depuis un canapé rouge 151
Le nazisme, un trésor idéologique 163
Le fascisme est soluble dans l’État 177
III. Pour un égalitarisme éclairant 181
L’égalité sans l’État 181
Égalité et individualité 182
Égalité, lutte des classes et lutte des sexes 184
Égalité, revenus, travail 185
Égalité et pouvoirs 186
Égalité et jouissances 187
Du grand soir à l’alternative 188
Conclusion
Alain Soral est une pétasse 193
 
Disponible notamment sur http://ladylongsolo.com/
 

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Tracts

EPIT 2015 : récit et revendications

« Ô muse ! C’est à toi de chanter la colère

Du valeureux Achille, et cette injuste guerre

Que l’affreuse Discorde a nourri dans son flanc

Pour l’arroser de pleurs et l’inonder de sang ;

Dis, combien de guerriers sous les remparts de Troie

Des chiens et des vautours sont devenus la proie !

Muse, dis-nous encore, quel fut le dieu jaloux

Qui d’Atride et d’Achille alluma le courroux ? »

Homère

« La première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce »

Marx

Quel que soit le point de vue, il serait sage de s’éviter ça.

2+2 = 5

A force de se payer de mots et de pratiquer l’inverse de ce qu’il affirme, le Ministère du travail fait sonner creux les notions les plus fondamentales : justice, équité, objectivité, impartialité, service public, droit social. La loi El Khomri, après tant d’autres, a accéléré la création d’un monde où les inégalités attaquent le lien social et où des espaces toujours plus vastes du domaine public sont vendus aux forces du capital. Ceci a logiquement permis à Madame la Ministre, lors de la cérémonie de remise des cartes professionnelles aux lauréats de l’EPIT 2015, d’affirmer que sa loi préservait le modèle social français.

Finalement l’ennemi le plus direct de l’État et de la « République » n’est peut-être pas tant l’anarchiste que le politicien (« socialiste » ou « républicain ») et sa bureaucratie administrative, en ceci qu’ils se présentent sans rougir comme ses premiers défenseurs. Nous répétons souvent que le capitalisme n’a pas de meilleur allié que l’État ; il n’empêche qu’en fonction du rapport de force social-historique, il y a du plus et du moins. Actuellement, nous traversons une passe particulièrement mauvaise.

A ce titre l’EPIT 2015 nous offre une déclinaison locale de cette triste logique et des mesquineries que nous impose un système qui se pense encore tout puissant.

En effet, l’EPIT s’inscrit dans un ambitieux et très néolibéral programme de réforme du droit social. Il s’agit de son versant touchant à l’inspection du travail. Le Ministère avait tenté d’acheter la paix sociale, ou plutôt la dissension des luttes, en promettant une extinction du corps des contrôleurs compensée par leur promotion massive en inspecteurs via un pseudo-examen interne, l’EPIT. Diminution des effectifs ? Certes, drastique même. Ajout d’un échelon hiérarchique ? On en voit aujourd’hui partout les conséquences en termes d’inutilité, d’accroissement de l’isolement des agents, d’ingérences et de tensions. Mais il avait été suggéré que tous les contrôleurs verraient leur compétence reconnue, que tous les lauréats pourraient rester dans leur UD sans changement géographique forcé. Frustration compréhensible des inspecteurs, naïveté des contrôleurs devant l’opportunité ? La réforme a été habilement mise en place.

La CNT demandait alors et depuis longtemps un corps unique, mais sur la base de formations en alternance et d’un passage par ancienneté, sans cet EPIT qui singe le concours en ne satisfaisant personne. Las ! Certains ont cru en la réforme, l’heure est à la trahison des promesses.

Après quelques années sans autre dégâts que ceux d’un concours finalement imposé à tous par l’inéluctabilité de l’extinction du corps des contrôleurs, où les malchanceux (car c’est bien et avant tout de chance qu’il s’agit) à l’entrée étaient nombreux, et où les contraintes familiales des lauréats avaient pu être massives, l’EPIT 2015 aura commencé à lever le voile sur nos illusions. Il est maintenant démontré qu’il est possible de rétrograder des candidats ayant réussi l’entrée avec une note de 18/20, suivi la formation sans encombre, et obtenu une appréciation positive lors du stage en UD. Un oral de sortie d’une vingtaine de minutes aura pu anéantir tous ces éléments et réaliser ce qu’il convient d’appeler un assassinat professionnel, aussi scandaleux qu’absurde. Pour persévérer dans l’ignoble, il aura même été imposé à trois stagiaires une prolongation de 3 mois et demi, en pleine période de vacances d’été, sans programme individualisé précis (quid des congés d’été ?) et sans préoccupation d’ordre pédagogique de la part de la DRH ou de l’INT (document 1). Trois mois de stress intense étant donné l’enjeu, suivi d’un oral non prévu par les textes (décret 2013-511, article 6) qui aboutira pour l’un à une rétrogradation.

Quand on sait le lien intime entre la vie professionnelle et la vie privée, on ne peut que se faire une solide opinion sur la gestion RH du Ministère. Il est presque drôle de savoir qu’à la cérémonie de remise des cartes rue Grenelle, le Directeur de l’INT, Monsieur Bernard Bailbé, a commis un discours sur le thème de la punition et de la responsabilité associée.

Entrons dans le détail, le récit va encore se gâter…

Blondel alchimiste

Pour la première fois depuis le début du concours, des agents sont rétrogradés après la formation. C’est sidérant. Avec cynisme ou légèreté et croyant faire un bon mot, Monsieur Blondel précisait aux organisations syndicales : « C’est un concours, je m’étonne que vous vous étonniez qu’il y ait des recalés ».

Normaux, ces échecs ? Pas tant que ça.

Notons d’abord que Madame Lemaître, de la DRH, avait adressé une lettre au directeur de l’INT (document 2) dans laquelle elle précisait – en contradiction avec l’arrêté organisant le concours et dont elle était signataire – que l’oral de sortie n’aurait pas pour but de contrôler les connaissances. Elle indiquait en outre qu’aucune préparation spécifique n’était nécessaire. De fait, les responsables de formation de l’INT ont logiquement relayé le message en recommandant aux stagiaires de ne pas s’inquiéter et en présentant généralement l’oral comme une simple formalité.

Le résultat, on le connaît. Deux personnes rétrogradées sur plus de 200, cela fait moins de 1 %. Quel sens peut-il y avoir à repousser 1 % des candidats, sinon « faire un exemple » et terroriser les futurs stagiaires ? Le gain en termes de revendication et de docilité est évident. Il est décidément dans l’air du temps de museler par la menace (voir notre tract sur le code de déontologie).

Comment a donc été pensée cette épreuve ? Pourquoi l’INT n’en a jamais vraiment parlé ? Pourquoi l’INT n’a-t-il pas préparé les candidats ? Pourquoi les années précédentes personne n’a été ni prolongé, ni rétrogradé ? En quoi les malchanceux de cette année ont-ils été si exceptionnels ? Autant de questions sans réponse.

1 % qu’est-ce que cela peut bien signifier ? En 20 minutes le jury aurait-il décelé des problèmes rares, profonds, irrémédiables, alors même que ces candidats avaient réussi l’entrée ? Y aurait-il eu quelque aléa lors de la formation ? Il est quoiqu’il en soit difficile de donner crédit à ce jury qui décèle de gravissimes et rarissimes carences, mais qui se contredit trois mois après pour la moitié de ces « anormaux ». Pourquoi alors recaler quelqu’un dès le premier oral ?

Pour les repêchés en revanche, si catastrophiques au sortir de la formation, est-ce à dire que trois mois de prolongation valent mieux que 6 mois d’INT ? Ne serait-ce pas alors l’équipe pédagogique de l’INT (directeur et responsables de formation) qu’il faudrait recaler ?

La chose fait peu de doute : il s’agit avant tout d’affirmer l’arbitraire du jury, donc la puissance souveraine de l’administration : nous pouvons rétrograder qui nous voulons. Prenez-donc garde.

Cela peut signifier également : regardez comme il est risqué de concourir, vous qui avez réussi, vous le méritez. Bâton et pommade, toujours. Menace encore, d’ailleurs moins de candidats se sont inscrits au CRIT 2016.

Continuons sur les statistiques : quatre candidats visés, autant que de sous-groupe de jury… Quatre candidats inquiétés, dont trois syndicalistes… Deux rétrogradés finalement, dont un syndicaliste… On croirait lire le déroulé d’un plan conçu à l’avance.

Discrimination ? A cette question posée par les organisations syndicales, Monsieur Blondel a dégainé un argument du type de « l’ami arabe » (« je ne suis pas raciste, loin s’en faut : j’ai un ami arabe »). Combien avons-nous été estomaqué de l’entendre glapir : j’ai les statistiques des syndicalistes reçus depuis le début de l’EPIT, allez-donc démontrer la discrimination devant le juge ! Il n’empêche que cent syndicalistes reçus ne prouveraient aucunement l’absence de discrimination sur l’un en particulier. Imaginez ce type argument dans une décision de licenciement de salarié protégé : aucun lien avec le mandat puisqu’il reste 10 élus dans l’entreprise… Dans sa relation singulière avec les chiffres, Monsieur blondel se montre plus alchimiste que statisticien ou juriste.

Un exemple à ne pas suivre : Monsieur B

Nous avons obtenu des éléments édifiants concernant l’un des prolongés puis demandé des explications à la hiérarchie, sans succès. Peut-être les futurs lauréats puiseront ils dans cette histoire des indications pour adapter leur comportement et adopter les meilleures stratégies de survie à l’INT.

Une bonne information est une condition nécessaire à la démocratie, dit-on. Le syndicalisme, dans sa mission de défense des intérêts des agents et de la profession se doit d’être démocrate, et donc de partager les informations dont il dispose, fussent-elles dérangeantes.

Monsieur B. a été le seul, à notre connaissance, à se voir gratifié d’un rapport négatif de l’INT (document 3). Alors qu’il n’y a pas eu d’évaluation au cours de la formation, le directeur de l’INT aura néanmoins jugé nécessaire de transmettre au jury un livret indiquant une « conscience de la nécessité de poursuivre son perfectionnement », ainsi qu’un problème lié à des absences (dont 8 jours de grèves sur 9 absences). Or, une enquête sommaire aurait convaincu le directeur que le stagiaire n’avait pas démontré de difficulté particulière, bien au contraire (par simples retours de courriels, une quinzaine d’attestations de formateurs ont été transmises à Monsieur B.). De la même manière, n’est-il pas étonnant que pour un nombre d’absence égal, d’autres stagiaires ont vu leur assiduité saluée ?!! (document 4)

Nous avons envoyé un courrier au directeur de l’INT (document 5, où sont exposés en partie les faits syndicaux associés à l’agent durant la formation). Pas de réponse…

Le jury, confronté à ce remarquable livret, a bien entendu confirmé le jugement de l’INT en produisant un rapport fascinant à plus d’un titre (document 6). On remarque qu’un des objectifs de l’oral indiqué par la DRH, à savoir l’expression du besoin complémentaire en formation, a été détourné et utilisé contre le candidat. On notera aussi qu’aucun point fort n’est noté, mais parmi les points faibles il est écrit que l’agent « mentionne se sentir un peu en difficulté face à la complexité des entreprises ». Quand on sait que le candidat faisait valoir, comme beaucoup, une envie de suivre un module sur l’analyse du motif économique dans les licenciements de salariés protégés, et qu’il a indiqué en fait se sentir « un peu » en difficulté face non pas à la complexité des entreprises, mais face à certaines entreprises complexes, on pourra au moins douter de la bienveillance de ce jury et se rendre compte du caractère vexatoire de ce rapport.

Inutile de s’appesantir sur l’absence de qualité relationnelle relevée par le jury, ceux qui connaissent notre collègue pourront faire pièce à l’argument par un bel éclat de rire. Mais à tout seigneur, tout honneur : précisons que l’intersyndicale complète, ses collègues comme sa hiérarchie locale et régionale lui ont apporté un soutien sans faille.

Trois mois plus tard, comme évoqué plus précédemment, le jury produira un rapport quasi symétrique (document 7). Ce qui était faiblesse est devenu force, métamorphose d’un agent défaillant en super inspecteur.

S’unir pour supprimer ce concours

Nous avons insisté sur le sort de notre camarade, sans avancer de qualification pénale quant au rapport de l’INT et sans préjuger des procédures qu’il est en droit d’intenter pour obtenir reconnaissance et réparation. Mais nous n’oublions pas les deux collègues rétrogradées.

Il nous semble indispensable de construire un rapport de force pour en finir avec cette mascarade de concours. Ce qui passe par une revendication claire et sans ambiguïté de l’ensemble de l’intersyndicale

La CNT revendique toujours un passage à l’ancienneté, sans concours et avec une formation en alternance pour tous les contrôleurs du travail.

La CNT demande à l’administration de tirer les conséquences de ses fautes de procédure et de jugement, en prononçant l’intégration immédiate des deux recalées dans le corps des inspecteurs.

 
Le tract en pdf : epit-2015-recit-et-revendications
Les documents :

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Condamnation de Laura Pfeiffer et du lanceur d'alerte en appel – Communiqué de presse intersyndical

intersyndicale-CNT-FO-CGT-FSU-SUDProcès en appel de l’« Affaire TEFAL » : condamnation scandaleuse de l’inspectrice du travail et du salarié lanceur d’alerte

Le délibéré du procès en appel de l’« Affaire TEFAL » est tombé ce mercredi 16 novembre 2016. L’inspectrice du travail Laura Pfeiffer et le salarié lanceur d’alerte ont vus leur condamnation de première instance confirmées en tous points par la Cour d’appel de Chambéry.

Ils avaient été condamnés en première instance à 3500 euros d’amende avec sursis, notamment pour violation du secret professionnel et recel de documents volés. Le procès en appel s’était déroulé le 14 septembre 2016 à Chambéry.

Nous sommes consternés par ce jugement à l’encontre d’une inspectrice du travail qui est condamnée pour avoir fait son travail et dénoncé les pratiques de la multinationale visant à l’écarter de son poste avec le relais de sa hiérarchie. Nous nous insurgeons contre cette nouvelle condamnation d’un salarié lanceur d’alerte et ne pouvons que constater que la justice française, au-delà des discours convenus, ne protège pas ceux et celles qui risquent leur emploi pour dénoncer les pratiques délictueuses des entreprises.

La confirmation de la condamnation de Laura Pfeiffer et du salarié lanceur d’alerte ne peut que provoquer un sentiment d’indignation. Il est inacceptable de nous empêcher d’alerter les syndicats chargés de défendre nos missions lorsque l’on fait obstacle à celles-ci.

Cette indignation est renforcée par la décision récente du parquet d’Annecy de classer sans suite les plaintes de notre collègue contre sa hiérarchie et contre l’entreprise TEFAL pour obstacle à ses fonctions. Il y a bien deux poids et deux mesures et la justice se rend complice des stratégies des entreprises pour échapper à leurs obligations. Désormais, des milliers de patrons pourront s’appuyer sur ce jugement pour licencier des salariés et pour porter plainte contre ceux et celles dont la fonction est de faire respecter les droits des salariés. Certains n’ont d’ailleurs pas tardé à le comprendre : des plaintes contre des agents de contrôles se sont multipliées, en particulier dans le département de la Haute-Savoie.

Cette situation a été largement favorisée par l’absence de condamnation publique des agissements de TEFAL et l’absence de soutien à Laura par la hiérarchie du ministère du travail (à tous les échelons, jusqu’à la Ministre)

Les agents de l’inspection du travail réalisent à travers cette affaire TEFAL et la condamnation de Laura Pfeiffer qu’ils ne peuvent pas compter sur le soutien de leur hiérarchie en cas de mise en cause pénale, même lorsqu’ils sont victimes de pressions extérieures indues et d’obstacle à leur fonction. Le silence de la hiérarchie locale et régionale ainsi que du ministère du travail, qui dure depuis presque trois ans, est révoltant car il met les agents en situation d’insécurité dès lors qu’ils vont faire un contrôle.

La Ministre du travail elle-même se fait le relais des exigences du patronat de museler notre corps de contrôle. La loi El Khomri a introduit un « amendement TEFAL » prévoyant un code de déontologie de l’inspection du travail qui fixera « les règles » que doivent respecter les agents de l’inspection. Loin d’être protecteur des agents et des usagers il a tout d’un arsenal disciplinaire destiné à museler encore plus l’inspection du travail.

Cette condamnation s’inscrit dans un contexte plus large de criminalisation des mouvements sociaux (GOODYEAR, CONTINENTAL, AIR FRANCE, …) et de répression des mobilisations (loi travail). Elle vient ainsi s’ajouter à la liste déjà longue des injustices sociales et des attaques contre les droits des salariés.

Aujourd’hui comme hier, les organisations syndicales réaffirment avec force que :

  • Il n’est pas possible de condamner une inspectrice du travail, qui dans le cadre de son travail, a dénoncé auprès de nos organisations syndicales les pressions visant à faire obstacle à ses missions,
  • Il n’est pas possible de condamner un lanceur d’alerte pour avoir joué ce rôle essentiel de dénonciation des délits d’une entreprise,
  • Il n’est pas acceptable d’être condamné pour recel de documents confidentiels alors que les documents qui nous ont été transmis  démontrent les pressions indues exercées par l’entreprise pour écarter l’inspectrice du travail gênante ainsi que le relais de sa hiérarchie.

Nous n’acceptons pas ce jugement et poursuivrons avec toutes les voies judiciaires offertes le combat pour leur relaxe pure et simple, comme nous poursuivrons nos combats aux côtés des agents et des salariés.

Nous étions en colère le 4 décembre 2015, et croyez bien que nous le sommes encore aujourd’hui car le mépris décomplexé des différents protagonistes pour l’inspection du travail et la condition des travailleurs nous est insupportable.

Nous exigeons de la Ministre du travail, Myriam El Khomri :

  • La reconnaissance des accidents de service de notre collègue,
  • Qu’elle fasse appel du classement des procédures à l’encontre de Tefal par le Parquet d’Annecy,
  • Qu’elle condamne les agissements de TEFAL,
  • Qu’elle réaffirme publiquement les prérogatives des agents de l’inspection du travail et la légitimité de nos contrôles dans les entreprises,

Les agents de l’inspection du travail et les lanceurs d’alerte ne sont pas des délinquants !

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Projet de code de déontologie : se taire et obéir !

Un projet de règlement intérieur à usage hiérarchique ?

Comme annoncé dans la loi travail et défini par l’article L.8124-1 du code du travail « un code de déontologie du service public de l’inspection du travail » doit être établi par décret. Celui-ci doit fixer « les règles que doivent respecter ses agents ainsi que leurs droits dans le respect des prérogatives et garanties qui leurs sont accordées pour l’exercice de leurs missions définies notamment par les conventions n° 81 et n° 129 de l’Organisation internationale du travail ».

Un projet de décret vient de sortir pour être soumis au prochain CTM.

Que peut-on en dire en première analyse ?

1. « Préserve-moi de mes amis, je m’occupe de mes ennemis »

Comme nous pouvions le craindre ce code de déontologie est avant tout conçu comme un outil disciplinaire à usage essentiellement hiérarchique.

Ainsi, si l’article R.8124-1 commence par lister l’ensemble des agents du « service public de l’inspection du travail », y compris les autorités hiérarchiques comme étant soumis à ce code, c’est tout de suite après pour en confier l’application à cette même « autorité hiérarchique » (articles R.8124-3 et R.8124-3).

Cette même « autorité », juge et partie, se voit confier une mission explicite d’exégèse des obligations découlant du code de déontologie. Elle doit en « expliquer le sens à l’ensemble des agents placés sous son autorité » et « précise, en tant que de besoin par ses instructions, les modalités de mise en œuvres ».

C’est donc le chef de service qui nous explique ce que nous devons comprendre et comment l’appliquer.

Et si ce sont les pratiques du chef lui-même qui posent un problème déontologique, que fait-on ?

Si cette autorité garante de l’ « indépendance [des agents] dans l’exercice de leur mission, les préservant des influence indues » se fait elle-même le relais d’influences indues ?

On nous répondra probablement qu’il faut aller voir le chef du chef… et ainsi de suite jusqu’au big boss du chef, du chef, etc., de l’agent.

Il demeure pourtant un problème de fond : peut-on sérieusement commencer par poser dans ce décret que le garant et l’interprète du code de déontologie est une partie soumise à ce même code.

Nulle besoin de faire ici des procès d’intention particulièrement malveillants pour comprendre le problème d’indépendance et les éventuels conflits d’intérêt d’un « garant » juge et partie.

Pourquoi ne pas d’emblée faire référence à une autorité indépendante comme garante de la déontologie, comme le CNIT, par exemple ?

Certes, il est fait référence en passant à la toute fin du décret à la simple possibilité de saisir le CNIT si on le souhaite, mais c’est tout.

On peut néanmoins relever l’intérêt de l’article R.8124-8 stipulant que « chaque agent mis en cause par un usager a le droit d’être informé sans délai par son autorité hiérarchique ». Quand on sait le nombre de fois où des directeurs se sont dispensés d’informer les agents de contrôle de plaintes patronales, voire se sont engagés auprès de ces derniers sans en informer les agents de terrain, on ne peut qu’espérer que cette « déontologie » là soit enfin respectée (toute ressemblance avec plusieurs événements récents dans plusieurs départements de Rhône Alpes ne serait évidemment que purement fortuite).

2. Le « devoir d’impartialité » vs le droit syndical ?

Plus loin le projet déclare solennellement que « les entreprises et les établissements doivent bénéficier […] d’un traitement égal de la part des agents comme du service en tenant compte des spécificités constatées, des priorités collectives, des risques professionnels et des moyens de l’administration ».

On ne sait si c’est un éclair de lucidité qui a fait rajouter ici la référence aux « moyens de l’administration ». Car oui, on le sait et nous le vivons tous les jours, l’état de délabrement des services est tel du fait de manque de moyens que la notion d’ « égalité de traitement » perd son sens.

En section notamment, quel agent de contrôle, devant la masse des sollicitations toutes plus urgentes les unes que les autres, n’a jamais eu le sentiment que son arbitrage confinait à l’arbitraire ?

Mais on connaît déjà la réponse de la novlangue DGT : « priorités collectives », « action en système », « synergie », « transversalité », etc.

Mais il y a mieux !

Toujours dans la même partie consacrée au « devoir d’impartialité », on nous explique que les agents « s’expriment librement » mais « ne peuvent tenir des propos dénigrant le service public de l’inspection du travail ». Tiens donc !

Parodiant Ford qui expliquait que l’on avait le choix de la couleur de la voiture pourvu que ça soit noir, nous avons donc la possibilité de nous exprimer tant que ce n’est pas pour « dénigrer ». Par contre on a le droit de chanter les louanges du système d’inspection du travail. Tous les jours même si on veut.

Quid du droit syndical ? Certes l’article R.8124-10 prévoit le « libre exercice du droit syndical dans les conditions définies par les lois ».

Nous trouvons, pour le moins, curieux que ce rappel ne soit pas fait dans l’article R.8124-17 interdisant explicitement de « dénigrer » son administration.

3. Impartialité ou invisibilité ?

« Ils ne peuvent se prévaloir de la qualité d’agent du système d’inspection du travail dans l’expression de leurs opinions politiques » (R. 8124-18). Si l’on comprend bien, il deviendrait maintenant impossible de faire valoir son expérience personnelle professionnelle pour justifier de ses opinions politiques ?

L’État aurait-il si peur de la réalité sociale des travailleurs pour qu’il ne souhaite pas que nous puissions en faire valoir notre connaissance de par notre métier ?

Notre rôle social, au-delà de nos fonctions, est aussi d’être des observateurs des réalités sociales et d’en témoigner, si nécessaire, au sein de la société.

4. Le « devoir de réserve » vs la possibilité de se défendre ?

La partie consacrée aux « obligations de discrétion, secret, confidentialité » interdit « de divulguer à quiconque n’a le droit d’en connaître les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ».

Là aussi on peut se demander quelle est la portée de cette interdiction ? Quid de la possibilité de se défendre pour les agents lorsque l’on est mis directement en cause ?

Peut-on faire appel à des syndicats et leur transmettre des informations montrant que l’on a tenté de faire obstacle à nos missions ?

L’affaire TEFAL est venue malheureusement illustrer très concrètement ce problème. Lorsque ni l’échelon hiérarchique, ni la justice ne répondent, l’agent n’aurait d’autre choix que de se taire ?!

La pratique montre que quand les différents échelons hiérarchiques « dysfonctionnent » et/ou manquent à leur soutien des agents dans leurs missions, seuls les syndicats peuvent réellement jouer un rôle de contre-pouvoir.

A tout le moins quand l’administration est défaillante et/ou complaisante, il serait inconvenant de venir nous reprocher de tenter de nous défendre en utilisant ce qui nous reste : à savoir les syndicats et éventuellement la presse.

Un autre exemple récent de mésaventure arrivée à des collègues chargés du contrôle des centrales nucléaires subissant pressions répétées d’EDF, de l’ASN et laissés sans soutien de la part du ministère est édifiant à ce sujet.

L’obligation au « devoir de réserve » ne doit pas servir à nous faire taire lorsque nous sommes mis en cause et à nous empêcher de nous défendre !

 

Aujourd’hui c’est moins de recadrage déontologique dont nous avons besoin, que de réels moyens et un réel soutien pour exercer nos missions !

 
Le projet de code de déontologie : code_de_deontologie_projet_decret
Le tract en pdf : tract-code-de-deontologie-inspection-du-travail-cnt

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En région Rhônes-Alpes

Séminaire renseignements Auvergne-Rhône Alpes : une leçon de billard à trois bandes !

Pour rappel, le 29 septembre dernier, la DIRECCTE Auvergne-Rhône Alpes organisait le séminaire 2016 des services renseignements. Ce séminaire avait pour thème central le plan régional TPE-PME : « L’objectif de ce plan transversal : bâtir une offre de services en matière d’information RH à l’attention des petites et moyennes entreprises ».

Comment l’administration centrale entend-elle poursuivre le démantèlement du droit social et accentuer la soumission des services aux forces patronales ; le tout sans se couvrir de honte ni entraîner une réaction collective des agents ? Cela devient assurément difficile : nous connaissons maintenant la loi travail, nous vivons tous les jours dans son monde. L’administration est contrainte de forcer sa créativité stratégique et ses contorsions rhétoriques.

Bande 1 : La démagogie pro patronale :

Pour ne pas éveiller les soupçons, l’administration doit se trouver là où on l’attend. C’est ainsi que le DIRECCTE a commencé par se couler dans l’air du temps – et tirer les bénéfices du cirque médiatique – en affirmant gravement que les Français ne se préoccupaient plus que de deux sujets : « la sécurité et l’emploi » (termes permettant de retourner les problèmes bien réels de la guerre et de l’exploitation des travailleurs).

L’ambiance posée, la DIRECCTE (Philippe NICOLAS) et la DGT (Denise DERDEK) continuent en saluant le rôle des TPE/PME dans la création d’emplois de qualité. Est évoqué la complexité du code du travail, et le coût que représente pour ces entreprises le recours nécessaire à un service comptable. À la fin de l’année, vu la facture, pour le patron de TPE/PME, « la coupe est pleine » !

La ritournelle néolibérale est connue : la jungle du code du travail et les coûts indirects qu’elle génère sont donc de nature à freiner l’embauche.La nouvelle mission des services de renseignement est alors évidente: « Accompagner la gestion des ressources humaines pour des emplois de qualité ». « L’intérêt pour nous c’est de parler le langage des TPE PME pour marquer des points en termes de recrutement ».

Autrement dit, ces frais de comptabilité doivent pouvoir être amoindris par un service de renseignements réorienté à destination des employeurs. La DGT dans ses œuvres, on imagine bien alors qu’un frémissement saisisse l’assemblée des agents.

L’administration centrale décide donc de jouer sur la fibre républicaine.

Bande 2 : La République socialiste :

Le service public est à destination de tous les citoyens. La tradition du système de l‘inspection du travail, au service avant tout des travailleurs est une erreur, un parti pris, une violation du principe d’égalité. Le patron est un citoyen à
part entière.

Le discours est certes édifiant, mais se pose tout de même un problème technique : le patron ne vient pas assez au service renseignement.

Il faut donc que le renseignement « sorte de ses bureaux et aille en réunion » avec les organisations patronales ; qu’il n’attende pas que ce nouvel usager-citoyen vienne le voir, mais qu’il « aille vers lui ». La DGT est formelle, le problème de ce service de renseignement c’est qu’il « ne répond pas aux questions qui ne vous sont pas posées », qu’il n’apporte pas « des renseignements à des publics qui ne vous en demande pas ».

C’est la nouvelle politique de l’offre à destination des patrons-citoyens-créateurs d’emploi : « C’est l’effet d’offre qui provoque l’acte d’achat ». Phénomène keynésien (sic) selon l’orateur.

En cet instant, on craint qu’une telle vision de la République égalitaire se heurte à la mémoire des agents. Ils connaissent tous un peu d’histoire sociale et ils savent que le contrat de travail n’est pas un contrat de droit civil classique (malgré ce qu’en pensait Monsieur Macron). En effet, le lien de subordination est l’essence même du contrat de travail. Le code du travail vient mettre des limites à ce que permettraient cette inégalité et la situation de dépendance économique du travailleur face au détenteur de capital. En somme, le droit social nous dit que si le patron est un citoyen comme un autre, sa situation réelle est pourtant sans commune mesure avec celle du salarié.

Mais la DGT a plus d’un tour dans son sac : coup de théâtre, retournement socialiste (et saut périlleux dialectique) ! Aller au-devant des employeurs certes, mais pour forcer l’application de notre code du travail protecteur ! Parler aux employeurs c’est aller à la source du pouvoir dans l’entreprise ; les renseigner c’est promouvoir la protection et permettre aux agents de contrôle de mieux qualifier l’intentionnalité en cas d’infraction.

La transversalité travail-renseignement pour la protection sociale et l’emploi ; l’économie de moyens, la mutualisation des ressources pour toucher ces PME/TPE qui ne voient « parfois jamais d’agent de contrôle » et où « l’effectivité du droit y est dégradée ».

Malgré la loi ElKhomri, on se dit qu’il reste un code du travail encore un peu protecteur en France et qu’il convient en effet de le promouvoir. Alors oui, toucher les employeurs peut être une solution. Présenté ainsi, qui refuserait ce rappel à l’ordre du patronat ?

Finalement la DGT aime le patronat, mais n’aime-t-elle pas avant tout le patronat qui respecte le code du travail ?

Bande 3 : La réforme à venir :

Voici donc le service de renseignement prêt à accepter ce nouveau discours plein de pragmatisme. D’autant que si une plate-forme téléphonique régionale est promise pour la modique somme de 50 000 euros par UD, il est aussi promis que les départs à la retraite des agents seront remplacés, s’il le faut par des lauréats du CRIT. Pourquoi grogner contre les largesses du Ministère ?

Mais les esprits chagrins se poseront une question : malgré les lois Sapin, Rebsamen, Macron et ElKhomri, est-ce que notre code du travail est suffisamment éviscéré pour convenir au patronat et enclencher cette stratégie de la DGT ?

Peut-être pas tout à fait, mais c’est maintenant que l’on construit les habitudes de demain pour un service de renseignements. Demain, lors de la grande réforme du code du travail. Le patronat pourra venir apprendre comment shunter les syndicats, conclure des accords dérogatoires, licencier en toute sécurité… et occuper la place du salarié dans les permanences. Ce salarié volontiers procédurier et prompt à l’action prud’homale qui, on l’aura compris, est aussi un frein à l’emploi.

L’objectif sera atteint bien qu’il semblait impossible : démanteler le droit social et mettre encore un peu plus les ressources de l’État au service de l’exploitation des travailleurs.

Nous ne demandons rien à l’administration centrale ou aux Ministres.

Nous demandons à tous une réflexion et des actions collectives pour que l’inspection et le renseignement restent fidèles à la mission originelle :

Le service et la défense des salariés.

Le tract en pdf : seminaire-renseignements-auvergne-rhone-alpes

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Répression des médecins du travail

Il est interdit à tout médecin de rechercher une cause professionnelle pour une psychopathologie du travail !

Dominique Huez et Bernadette Berneron médecins du travail sont tous les deux condamnés à nouveau, suite à la plainte de deux employeurs, à un “avertissement” par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins en appel, cela pour avoir attesté du lien entre la santé altérée et le travail de leurs patients. 

Que nous dit l’ordre des médecins ?

Suite à ces deux jugements, que peut-on conclure ? Selon l’Ordre des médecins toute plainte de celui qui aurait un intérêt à agir serait recevable, et ce en contradiction de l’article R.4126-1 du code de la santé publique, au prétexte que la liste mentionnée à cet article ne serait pas limitative. L’intérêt de l’employeur est ainsi mis au même rang que celui du patient ou des associations de défense des patients. Les patrons peuvent donc y aller et porter plainte contre un médecin du travail devant le Conseil de l’Ordre dès lors que son avis ne leur convient pas.

Toujours selon l’Ordre des médecins, lors des conciliations et devant une chambre disciplinaire, la question du secret médical ne se poserait pas puisque le dossier du patient est alors transmis à l’employeur. De plus la plainte de l’employeur est instruite sur ses seules déclarations sans que soit entendu le salarié, ce qui n’entraverait donc pas de son point de vue le droit à un procès équitable.

Concernant les écrits médicaux, pour l’Ordre, aucun évènement s’inscrivant dans une histoire médicale du patient et qui porterait potentiellement préjudice à un tiers étranger au patient (en l’occurrence les employeurs), ne saurait être mentionné au titre de la démonstration clinique d’un diagnostic médical de lien entre la santé et le travail !

L’ordre des médecins n’aurait pas non plus à tenir compte du fait que la justice prudhommale ou le droit assurantiel AT-MP aux termes d’une enquête contradictoire, ait pu corroborer les faits cités dans l’écrit médical. En l’espèce le tribunal des prud’hommes avait pourtant reconnu le harcèlement moral de la société contre le salarié concerné par le certificat médical en cause.

Ainsi pour l’Ordre un écrit médical ne peut avoir pour forme que celle du “certificat de coup et blessure” et ne doit pas jamais porter le projet d’attester des causes de la pathologie dans le seul intérêt de la santé du patient.

Toute attestation d’un lien entre la santé et le travail est donc interdite arbitrairement par l’Ordre des médecins et tout tiers à la santé du patient peut saisir l’Ordre pour faire condamner les récalcitrants !

Le diagnostic d’un lien santé-travail est renvoyé au rang d’un certificat de complaisance et non d’une analyse globale de la situation de travail par des professionnels de la santé au travail !

Quid de la responsabilité des employeurs ?

Que devient la responsabilité de l’employeur dans la dégradation de la santé au travail, notamment en ce qui concerne la santé mentale ? Elle disparaît tout simplement.

L’employeur doit préserver la santé et la sécurité des salariés, il a même une obligation de résultat en la matière. C’est l’article L.4121-1 du Code du travail qui le dit. Mais qu’un médecin du travail vienne à pointer la responsabilité d’un employeur en particulier dans la dégradation d’un ou des salariés de son entreprise, et le voilà désormais à la merci de poursuites disciplinaires par l’Ordre des médecins.

De fait 100 plaintes d’employeurs sont déjà déposées annuellement. Nul doute que le message de ce nouveau jugement va être parfaitement entendu par le patronat et que les plaintes vont continuer à se multiplier !

Une exigence de « neutralité » toute patronale

Quand on connait l’importance des avis du médecin du travail pour qu’un salarié puisse faire reconnaître le préjudice subi afin de faire valoir ses droits devant les juridictions prud’homales ou le TASS (notamment dans les cas de harcèlement moral dont la définition même évoque explicitement l’incidence sur la santé), on ne peut donc qu’être atterré par une telle décision.

Devant la vision toute patronale de l’exigence de « neutralité » que promeut ainsi l’Ordre des médecins, la santé des patients-salariés devient un intérêt parmi d’autres et l’Ordre des médecins se fait le fidèle gardien de l’Ordre des dominants et de leurs intérêts. La déontologie devient ainsi le cache-sexe de la lutte des classes au profit des employeurs.

On pense ici également à un récent avis de la CADA (parmi d’autres contradictoires sur le sujet) nous expliquant que nous n’avions pas à transmettre d’information aux salariés susceptible de nuire à l’intérêt d’une des parties (en gros interdiction de communiquer nos lettres d’observation). Là où le devoir d’information du public s’efface devant les intérêts patronaux, le diagnostic médical doit également s’effacer devant les mêmes intérêts.

Et on ne peut également que s’inquiéter du futur code de déontologie qui nous est promis dans le cadre de la loi travail dont l’argumentaire prévoit explicitement qu’il aura pour fonction de définir « pour les contrôlés, le bénéfice des garanties fixées par la loi lors d’intervention des agents du système d’inspection du travail. »

La déontologie ne doit pas être le cache-sexe de la sauvegarde des intérêts patronaux contre l’exercice même de nos missions !

La CNT-TEFP exige :

  • l’annulation des sanctions contre les docteurs HUEZ et BERNERON
  • que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins du travail devant l’ordre des médecins
  • le respect du statut et des missions de tous les acteurs de la santé au travail contre toutes les tentatives d’ingérence patronale

D’ores et déjà six syndicats et associations ont formé un recours devant le Conseil d’État pour que les employeurs ne puissent plus porter plainte contre les médecins attestant une souffrance au travail.

L’arrêt de la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins du 26-09-2016 HUEZ Dominique

Le tract en pdf :repression-des-medecins-du-travail

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Interprofessionnel Intersyndical

Compte-rendu, photos et vidéos du rassemblement de soutien du 14 septembre 2016 à Chambéry

Sommaire:

Un reportage vidéo par « La TVNET CITOYENNE »


Vidéo de l’intervention de l’intersyndicale du ministère du travail


Si la vidéo ci-dessus ne s’affiche pas :

Vidéo du discours de la CNT


Si la vidéo ci-dessus ne s’affiche pas :

Le texte de l’intervention CNT

Compte-rendu d’audience

Le procès en lui-même a duré près de 6h de 14h à 20H.

Le ton général de ce dernier était un peu plus policé que la mascarade à laquelle nous avions assisté en première instance. A minima le président du tribunal faisait semblant de tenir son rôle et de ne pas se faire ostensiblement l’avocat de la société TEFAL. Notre collègue et le lanceur d’alerte ont ainsi pu commencer par s’exprimer et donner leur version des faits sans être interrompus toutes les 5 secondes par des questions perfides visant à les déstabiliser. Et ainsi rétablir tout simplement la réalité et la chronologie des faits, celle d’un salarié qui découvre que la direction cherche à le licencier pour faute en lui fixant des objectifs inatteignables et les manœuvres de cette même direction pour mettre hors jeu l’inspectrice qui les contrôle.

Les deux témoins cités par la défense de Laura Pfeiffer ont ensuite apporté leur éclairage sur l’affaire.

Paul Ramackers, directeur du travail, faisait un rappel de différentes jurisprudences qui avaient pour point commun des manœuvres patronales visant à créer des « affaires dans l’affaire » pour faire obstacle au contrôle de l’agent. Si Monsieur Ramackers est spontanément venu pour défendre les missions de l’inspection du travail, nous notons une nouvelle fois que la haute hiérarchie de notre ministère était absente. Sans doute celle-ci attend prudemment le résultat final de ce procès pour se prononcer et nous donner sa vision de la déontologie.

Olivier Langry intervenait ensuite sur le fond de l’accord litigieux à l’origine de toute cette affaire et des agissements de TEFAL. Il confirmait ainsi la non-conformité de l’accord, la légitimité de tout agent de contrôle à faire un contrôle de conformité, et la possibilité, le cas échéant, de dresser procès-verbal pour travail illégal (en l’occurrence travail dissimulé pour non-paiement des heures supplémentaires). Ces rappels juridiques, censément évidents, étaient pourtant les bienvenus tant il avait été impossible de parler du fond en première instance. Au vu de la réaction agacée d’Aguerra à ce moment précis, ils n’étaient pas inutiles…

Venait ensuite l’inénarrable Aguerra, avocat de TEFAL, et grand pourfendeur des procédures de l’inspection. Que dire de sa prestation…

Le mieux est peut-être de citer directement les quelques perles dont il nous a encore gratifiés :

Après nous avoir refait sa désormais classique tirade contre « les porteurs de pancartes » qui attaquaient la gentille société TEFAL, il a réaffirmé avec force que NON ce n’était pas le procès de TEFAL !! TEFAL est victime, qu’on se le dise ! Victime d’ « une représentante de la République », « des syndicats », « de la presse ». Même Wikipedia parle mal de TEFAL ! Tout ce « pataquès médiatique » est du à des syndicats qui font preuve « d’un esprit de corps » qui mélangent tout, cette affaire avec la réforme Sapin, la loi travail « pour éviter que les mégaphones ne se rouillent ». Et ça c’est vraiment trop pas juste, parce que TEFAL est une entreprise « citoyenne » (sic!) qui s’occupent du sort des handicapés et ses salariés sont grassement payés, « 50 % au dessus des minima de la convention collective » !

Au comble de l’émotion et la larme à l’œil Aguerra termine par un déchirant « Nous ne méritons pas ce pilori ! »

Sans nous laisser le temps de nous remettre, il enchaîne avec une brillante analyse du fameux accord du temps de travail en cause « favorable aux salariés ». L’accord est légal parce qu’il a jamais donné lieu à contentieux et que c’est le même dans toute la société. Bon sang mais c’est bien sûr ! Et puis d’abord TEFAL est le premier en France à avoir fait ce type d’accord, donc… donc ça veut bien dire ce que ça veut dire et vice et versa. Et puis « le travail dissimulé c’est pas les heures supplémentaires non payées dans le cadre d’un accord avec peut-être quelques problèmes de forme, c’est quand on donne des billets de la main à la main sous la table »… En un mot l’inspectrice est trop « rigide ».

Après nous avoir terrassés par cette implacable analyse juridique, nous avons eu droit à une touchante attention personnelle qui nous est allée droit au cœur. Les syndicats font et racontent n’importe quoi, c’est entendu ! Mais le pire c’est que le syndicat qui réagit en premier, c’est la CNT ! « Syndicat qui n’a pas la présomption de légalité » (au passage Monsieur Aguerra a opportunément confondu « présomption de représentativité » qui n’existe plus et « présomption de légalité » qui n’existe pas, mais on lui en veut pas) et « d’obédience anarchiste déclarée » ! Et là, devant tant d’attentions, on avait juste envie de lui dire ne change rien, nous aussi on t’aime !

Puis revenant au contenu des mails et fichiers relayées par le lanceur d’alerte, Aguerra nous explique qu’il voit pas le problème. On a un problème avec l’inspectrice, ben on prend rendez-vous avec le directeur départemental pour lui dire de s’en occuper, il est où le problème ? Et puis « indépendance, indépendance, il y a quand même un rôle le directeur départemental ! ». C’est vrai ça ! Si on peut plus dire à un directeur qu’une inspectrice nous emmerde, où va la France ! Sur le fait de vouloir changer d’affectation l’inspectrice, ben quoi « c’est pas l’Union Soviétique, on peut parler, s’exprimer ! ». Autant y aller franchement, Aguerra se met à défendre le contenu des mails et du document « capteurs sociaux » de TEFAL au nom des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
En un mot tout n’est que « fantasmes », il n’y a jamais eu de pressions.

Et puis Laura Pfeiffer a mis 6 mois à rédiger sa procédure pour obstacle, et là aussi ça veut bien ce que ça veut dire selon Monsieur Aguerra qui lui, nous assure-t-il, a rédigé très vite ses conclusions.

Sur la violation du secret professionnel, la démonstration est tout aussi implacable. « Le secret professionnel grandit la fonction donc réduire le secret professionnel aux secrets de fabrication (comme le précise le code du travail) c’est rabaisser sa fonction ».

N’y tenant plus, il finit par hurler son amour patronal « la vie c’est pas tout noir ou tout blanc. C’est pas parce qu’on est un DRH ou un actionnaire qu’on est un salaud ! »

Et de conclure en rappelant le crime fondamental déjà reprochée à Laura en première instance : « avoir arrosé tous les syndicats ». Qu’on se le dise, quand on est attaqué, il ne faut pas réagir et encore moins faire appel aux syndicats !

Intervenait ensuite l’avocate générale.

Celle-ci introduit son propos en évacuant dans un premier temps le « contexte » et précise que c’est uniquement en fonction des « faits » et de la personnalité du prévenu que la sanction doit être donnée. Exit donc les circonstances dans lesquelles le lanceur d’alerte a agit, à savoir juste après avoir appris les manœuvres de l’entreprise par TEFAL pour le faire craquer, notamment en lui donnant « des objectifs inatteignables ». Exit les pressions subies par Laura dans le cadre de ses fonctions.

Puis, nous avons eu droit à une longue démonstration reprenant notamment l’argument selon lequel Laura Pfeiffer n’aurait pu ignorer que les documents étaient volés car ils étaient anonymes au moment où il y avaient des conflits au sein de TEFAL. Rappelons justement que ni Laura, ni les syndicats ne connaissaient l’origine de ces fameux documents quand ils les ont reçus.

L’avocate générale reprend le reproche ubuesque de l’avocat de TEFAL et du procureur en première instance, à savoir que Laura aurait pu éventuellement mettre en copie un seul syndicat, celui qu’elle aurait choisi pour assurer sa défense, mais qu’elle n’aurait pas du mettre la totalité des syndicats du ministère en copie. Un ça va, plus ça fait des dégâts ! Nous attendons toujours la qualification pénale qui interdirait de solliciter plusieurs syndicats pour assurer sa défense… Ni l’avocat de TEFAL, ni l’avocate générale ne nous ont éclairés sur ce point.

A ce stade, pas de surprise l’avocate générale a requis la confirmation des peines décidées en première instance.

Venait ensuite le tour de l’avocat de l’ex-salarié de TEFAL, lanceur d’alerte. Celui-ci s’est efforcé de démontrer tout au long de sa plaidoirie la bonne foi du lanceur d’alerte, qu’il n’y avait pas eu entrée et maintien frauduleux dans le système informatique, notamment, du fait de son rôle d’administrateur réseau. Sur le fond il rappelait la légitimité de l’acte « altruiste » du lanceur d’alerte qui « a dépassé la règle pour un intérêt supérieur » à celui de l’entreprise TEFAL et de sa réputation.

La parole était finalement donnée aux avocats de Laura :

La collègue de Monsieur LECLERC rappelait également la légitimité pour le lanceur d’alerte de communiquer des informations confidentielles à une inspectrice du fait même de sa qualité. Ce faisant elle s’appuyait ainsi sur la toute récente décision de la cours de Cassation du 30 juin 2016 en la matière.

Elle balayait une supposée intentionnalité de recel de l’inspectrice en raison de l’anonymat des documents transmis en rappelant que cela faisait partie du quotidien des inspecteurs de recevoir des documents anonymes.

Monsieur Leclerc commençait quant à lui sa plaidoirie en rappelant qu’il avait défendu de nombreux dossiers de salariés et qu’ils avaient toujours un dénominateur commun frappant : « ce sont toujours des patrons parfaits ». Et de poursuivre en demandant pourquoi donc TEFAL avait été si contrarié par la publication de ces documents (veille sociale entre autres) alors « qu’ils déclarent que ces échanges de correspondances sont tout à fait normaux ». Nous aussi nous nous demandons d’ailleurs ?

Il poursuivait en appelant un chat un chat, c’est-à-dire en constatant la réalité des pressions exercées contre une inspectrice par une entreprise usant de son influence.

Il rappelait que si les inspecteurs du travail sont soumis à un secret professionnel, celui-ci est propre à chaque profession et qu’il ne fallait pas le confondre avec le principe de discrétion professionnelle, le non respect du principe de discrétion n’étant pas condamnable pénalement.

Il rappelait enfin que l’argument selon lequel il y avait un nombre de syndicats maximal était caduc, car la fonction des syndicats était de défendre la profession.

Il concluait en « recontextualisant » les débats pour rappeler la nécessité du code du travail et d’un corps de contrôle pour lutter contre l’injustice sociale. Ainsi il demandait la relaxe car si les « symboles » peuvent tout détruire aucune peine, même « symbolique », ne saurait être acceptable.

Et pour finir, en miroir des déclarations initiales de l’avocat de TEFAL : « Ce qu’on lui a fait subir [à Laura] ne mérite pas ce symbole ».

Le délibéré est fixé au 16 novembre.


Revue de presse

L’Humanité
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